2015 - Témoignage d’un prêtre - Joie de vivre, joie de croire

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Lorsque Lise m’a demandé d’intervenir ce soir auprès de vous sur le thème de la joie d’être prêtre, je me suis rappelé d’abord le titre d’un livre qui contient le mot JOIE.  Non seulement Joie, mais aussi Foi (croire) le titre complet est Joie de croire, joie de vivre1.  Ce livre composé des conférences sur la foi écrites par un jésuite français, François Varillon, et édité à titre posthume,  a guidé certains de la génération de vos parents ou grands-parents. Il a permis à beaucoup d’ouvrir leurs yeux sur l’essentiel de la foi chrétienne, à savoir comment être dans  la joie de vivre ? Comment ? En étant dans la joie de  croire. Mais en quoi était-ce une nouveauté, puisque dans la foi chrétienne on n’invente pas de choses nouvelles. Tout a déjà été donné depuis  le début lorsque  les premiers disciples ont reçu le don de l’Esprit Saint qui les a remplis d’une joie immense. Une joie qui leur a donné force et simplicité pour aller la partager avec les autres. Et c’est jusqu’aujourd’hui, moi-même je m’inscris dans cette lignée, tout comme Lise et sûrement d’une manière ou d’une autre déjà vous-mêmes.


 JOIE de Croire,  joie de vivre en plusieurs étapes :

Les deux ont toujours étaient présentes dans ma vie.

1° Enfance

Ayant grandi dans une famille catholique, la foi je l’ai trouvée au sein de la vie familiale et paroissiale. Mes premiers souvenirs la concernant  remontent à l’âge de 4-6 ans, où une fois avec mon frère cadet de plus d’un an, nous étions laissés par notre maman tout seuls pour réciter la prière du matin.  Je me souviens de ce moment, car c’est la première fois que nous pouvions, voire devions la dire tout seuls. Alors que les autres fois nous la disions avec son aide. Et j’associe le fait de dire la prière tout seul à la joie de croire. J’ai été très fier de pouvoir la dire presque tout seul, car seulement avec mon frère.

A peu près à la même époque, je me souviens d’un dimanche où ma mère ne pouvant aller à la messe à l’heure, où moi-même étant déjà prêt et désireux d’y aller, elle a demandé à la voisine qui passait devant la maison de m’y amener. La joie de vivre irradiait la joie de croire d’un enfant qui voulait être présent là où les gens se rassemblaient pour vivre des bons moments.

Puis est venu le temps de me préparer à la première communion. La joie de pouvoir la faire était en lien avec la préparation de la fête à la maison. Car c’est à ce moment-là que j’ai appris à faire du vélo, cela m’a servi pour aller faire des courses chaque fois que ma mère me passait une commande. Tout fier, je pédalais  presque un kilomètre sur les routes de campagne et ramenais les  divers ingrédients. A l’église le jour de la première communion, il faisait très chaud (1er juillet) un souvenir plutôt étouffant, mais une belle rencontre à la maison avec ma marraine et mon parrain que je ne connaissais pratiquement pas. Depuis, j’allais quelquefois  chez eux en vacances, surtout chez mon parrain qui était un ami de mon père (amitié nouée durant la guerre, avec la joie d’avoir tous deux survécu), alors que ma marraine étant cousine de ma mère, nous y allions parfois en famille. Durant la semaine suivant le dimanche de la première communion nous allions tous les soirs à la messe. Ma joie de croire liée à la communion s’est vraiment manifestée le lendemain ou le surlendemain de la première communion. Je pense souvent à cette joie intérieure immense qui m’a alors  envahi, qui m’a littéralement irradié ; comme si une boule de feu agréable s’était déposée à l’intérieur. Cela n’a duré que quelques instants, mais ma mémoire a enregistré cela comme un événement majeur de ma vie.


Puis est venue la joie de postuler pour être enfant de chœur. Servir le prêtre lors de la messe n’était pas toujours de la joie, car maladresse, inattention, tout en voulant bien faire... puis je m’endormais pendant les homélies du curé alors que, une fois l’homélie terminée, il fallait être debout pour réciter le Credo et parfois il y avait du retard à l’allumage dans le mouvement et cela se voyait, quelle honte ! Nous avions aussi à assurer le service lors des messes en semaine, mais si ma mère n’avait pas veillé à me le rappeler, j’aurais sûrement été bien souvent absent. Parfois nous étions aussi présents aux funérailles. Cela n’était pas la partie la plus joyeuse, mais cela m’a beaucoup marqué : les larmes, la grande tristesse de gens que je connaissais. C’est alors je crois, que  la tristesse de la vie bousculait beaucoup ma joie de croire. Mais comme tout le monde, j’entendais des paroles d’espérance en la vie éternelle prononcées par le prêtre qui récitait des prières et faisait homélie, là, je ne dormais jamais ! Au service d’enfants de chœur était aussi liée la possibilité d’accompagner le curé dans ses visites pastorales chez les paroissiens à l’occasion de fêtes de Noël. Donc juste après Noël vers la fin de décembre et pratiquement tout le mois de janvier, nous partions par deux en moyenne une fois par semaine pour chanter des chants de Noël ; souvent à la fin d’une telle tournée, nous restions au repas du soir à la maison  chez les gens qui nous accueillaient.


Puis arriva l’adolescence, cette phase intermédiaire vers la vie d’adulte. Et la joie de croire a peu à peu terni, en devenant la tristesse d’exister. De sérieux doutes se sont peu à peu manifestés, la joie de croire cédait la place à la nécessité de ne se fier qu’à la raison seule. Et la raison seule finit par avoir raison de toutes les autres raisons d’exister et de croire. A quoi bon tout cela ? Dieu n’existe pas, les parents qui prient et nous entraînent à le faire ne font que s’imaginer quelqu’un qui en fait n’existe pas, c’est sûr !  J’en étais sûr de cela, une conviction qui me libérait presque de ce sentiment de devoir faire confiance à quelque chose qu‘après tout je connais si mal. Il fallait que je sois libre de tout ce qui m’empêchait de devenir un homme, uniquement avec ce que j’avais  à ma disposition : mes réflexions, les échanges avec mes camarades d’écoles, des lectures etc. 

Cependant, je n’ai jamais cessé d’aller à la messe, impensable de faire autrement,  même pour un athée en herbe ! Pas plus que de vouloir arrêter l’aumônerie, mais là après tout le groupe était sympa, et le prêtre qui nous donnait des cours, on n’était  pas toujours d’accord avec lui, ou alors on le comprenait mal, est-ce qu’il nous comprenait bien ? Et si contradictoire que cela puisse paraître, j’ai le souvenir à cette époque  d’avoir mis le nez dans la Bible, allez savoir pourquoi !? 


2° APPEL 

Ce n’est pas la joie d’être réveillé dans la nuit par une voix qui vous dit « tu seras prêtre, tu seras prêtre », une illusion sonore, ange ou démon, comment le savoir ? Epuisé par le phénomène à répétition, j’ai pris mon courage à deux mains et ne trouvant pas mieux que cela, j’ai  osé parler avec la voix. Si, toi, Dieu, tu existes, - car au fond je savais  que c’était Dieu lui-même, ce qui me terrifiait -   si cela vient de toi, puisque je ne peux pas faire autrement, dépité, je me rends et accepte, mais tout de même avec une condition. Permets que  d’abord je puisse faire  des études normales et après on verra. A la suite de ce traité de non-agression de sa part, suspendu pour le moment, je me suis trouvé dans une paix profonde. Et j’ai continué ma vie…. J’ai pu faire des études normales et m’engager chez les Pallottins en France.


3°Prêtre

Une fois ordonné  prêtre j’ai commencé mon ministère  comme vicaire à Paris. La joie de partager mon temps entre les études et en tant qu’aumônier de scouts essentiellement, le fait de donner la communion, le fait de participer aux veillées autour du feu, de confesser, de préparer les premières communions.

Plus tard, préparer les adultes au baptême, au mariage et même pouvoir être présent dans les moments difficiles de gens frappés par divers malheurs me remplissaient aussi de joie. Joie d’accompagner des gens dans leur chemin spirituel, souvent pour des conversions très profondes, joie du pardon dans  le sacrement de la réconciliation donné aux autres, mais aussi reçu.

La joie de Dieu : lors de mes études à Varsovie, nous ennuyant lors d’un cours, ma voisine m’envoie un papier avec la question suivante « est-ce que tu crois que Dieu existe ? »  Je lui ai répondu du tac-au-tac « oui mais à condition qu’il ait de l’humour ». En effet,  bien plus tard j’ai compris qu’il en a. Moi qui pensais que le « métier » de prêtre était parmi les moins enviables et donc le plus à éviter, je me trouve dans cette situation aujourd’hui ? Et sans regretter un instant svp. Est-ce impossible, non la preuve, est-ce facile, beaucoup plus de joie que de tracasseries  de toute sorte. Et le célibat, me direz-vous ? Bah oui,  en fait je n’ai jamais projeté, sauf peut-être pendant une courte période durant les études à Varsovie, de me marier et fonder une famille. Le célibat est  très beau, car il donne la disponibilité de cœur et d’esprit et de temps et d’attention  à ceux vers qui je suis envoyé en mission, comme  aujourd’hui vers vous.

 


1 François Varillon 1905-78, Joie de croire joie de vivre, 1981