2008/11/09 - Conférence-débat- « SŒUR EMMANUELLE, LA FORCE D’AIMER » …YALLAH !

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Cette conférence s’inscrit dans le cycle de conférences débats de la Collégiale de Montmorency. Il s’agit de réfléchir sur les événements en rapport avec l’Eglise et qui ont eu un retentissement médiatique important. Ces rencontres nous permettent d’en faire une relecture selon les évangiles. La conférence débat de ce jour porte sur la figure de sœur Emmanuelle, son témoignage de foi et d’espérance.

 

Philippe Casassus introduit la conférence. Il nous parle des phrases un peu sulfureuses émises dans les médias concernant Sœur Emmanuelle, en particulier sur les tentations dont elle parle dans ses livres. Philippe Casassus nous rappelle une parole de Sœur Emmanuelle :  «  Mes amis me disent que Dieu a eu pitié du mari que j’aurai pu avoir, et m’a donc prise pour lui ! ».
À 22 ans, Sœur Emmanuelle rentre dans la congrégation de Notre Dame de Sion, elle s’occupera de l’éducation des enfants et des pauvres. Elle dira « C’est Jésus-Christ qui m’a gardée jeune et bouillonnante de vie, prête à courir au bout du monde pour venir en aide à un malheureux ». Sœur Emmanuelle a beaucoup étudié Pascal. Par son franc-parler, elle passait très bien dans les médias et s’en servait pour sauver des vies. Elle tutoyait tout le monde. Elle demandait « Que fais tu et non qui es tu ? ». Tout son combat a consisté à  lutter pour la dignité de l’homme. Philippe Casassus précise que pour sœur Emmanuelle, lorsque l’on sait aimer, on fait de sa vie une aventure merveilleuse. « Ma vie a été passionnante….ma vie a été une suite d’actions d’amour… Le monde est un miroir : souris au monde, le monde te sourira ! ». « Vivre ça sert à Aimer…celui qui aime ne meurt pas. ». Sœur Emmanuelle est toujours auprès de nous, car d’autres continuent ce qu’elle a commencé.

 

Ludovic Robert, technicien environnemental, sociologue et anthropologue  a travaillé au centre Salam dans un quartier bidonville du Caire qui a été créé par sœur Emmanuelle, pour la première fois en 2003. Il nous précise que le Caire a une population qui s’élève entre 19 et 20 millions d’habitants. Dans un quartier de  300 000 habitants habitent 10 000 chiffonniers. Le Centre Salam accueille des enfants de ce quartier, complètement délaissés par les autorités égyptiennes. Ce centre est géré par les sœurs. Ce quartier est complètement à part du Caire, il est constitué de cabanes en tôle. Sœur Sarah et le Père Jean travaillent dans un autre bidonville qui possède des habitations en dur.
Les chiffonniers vivent du tri et du recyclage des déchets de la ville du Caire. Des paysans au début du 20 ème sont venus au Caire, ils ont commencé à récolter les poubelles pour nourrir les cochons puis peu à peu ont recyclé tous les déchets. Tout un système s’est mis en place. Avant 2003, ils faisaient du porte à porte et récoltaient tout ce qu’ils trouvaient, triaient, recyclaient et vendaient. 90 % dans déchets du Caire étaient ainsi recyclés, contre 15 à 20 % dans nos pays. Mais les chiffonniers ne nettoyaient pas les rues et la ville du Caire a fait appel à des compagnies qui nettoient la ville et entassent les déchets dans des décharges dont l’accès est interdit. Ce fut une catastrophe pour les chiffonniers. Depuis 2003, la situation est dramatique. Beaucoup de choses sont à mettre en place. Il y a une croissance démographique importante, chaque année, la ville du Caire augment de 500 000 habitants. Les femmes sont mariées à partir de 14 ans. Les enfants travaillent très tôt. Sœur Emmanuelle s’est battue pour que les enfants fassent des études. Les jeunes enfants sont couchés sur les lits surélevés pour ne pas être grignotés par les rats. Le taux de mortalité est très important.
Beaucoup d’associations travaillent encore sur place. Sœur Emmanuelle a eu une très grande influence sur la relation entre les chrétiens coptes et les musulmans qui travaillent ensemble dans l’école  et l’hôpital. Elle voulait à tout prix la paix et le respect entre les communautés.
Au centre Salam, sœur Maria et le docteur Adel continuent l’œuvre de sœur Emmanuelle. Le docteur Adel et Sœur Emmanuelle se sont rencontrés dans l’église de Zeitoun où la vierge est apparue pendant une année, présente tous les soirs sur le dôme de l’église. Différentes associations sont présentes sur place mais il y a encore beaucoup à faire, notamment l’école ne peut pas accueillir suffisamment d’enfants. Les maladies se développent. L’an dernier une association a été créée pour tout centraliser et parler de ce qui se passe là-bas. Cette association se nomme Mahabace qui veut dire « amour » en arabe.

 

Ludovic Robert  a rencontré sœur Emmanuelle l’an dernier. Il a été impressionné par sa vivacité et par sa pratique de l’arabe qu’elle parlait encore couramment à 99 ans.
Son expérience chez les chiffonniers  l’a beaucoup marqué, il trouve  la population très accueillante, malgré la grande misère.  Personne n’est jugé mais accueilli. Ce qui est différent de notre société, c’est que tout le monde est croyant, peu importe la religion, on croit en Dieu.
Pour Sœur Emmanuelle, quel que soit sa fonction, un homme est un homme. Elle mettait en application une phrase de la Bible : « Voyez comme ils s’aiment », nous avons à témoigner et à partager cet amour.

 

Le Père Rémy a remercié Ludovic Robert pour son témoignage d’engagement personnel qui rend compte de la complexité de l’organisation humaine dans son ensemble. Il a précisé qu’en Occident, nous sommes dans l’accueil conditionnel. Les conditions sont diverses et variées, il faut appartenir à la famille, au tissu social ou au réseau d’amis ou d’intérêt, ainsi l’accueil fonctionne. Cet accueil est  très sélectif et laisse de côté beaucoup de personnes. C’est plus simple de se sentir accueilli au Caire qu’à Paris. Le défi de notre communauté chrétienne est là et doit être à la hauteur de l’espérance dont nous avons à témoigner. La force de Sœur Emmanuelle était de ne pas faire de différence entre les hommes.

 

Pour conclure, le Père Rémy Kurowski nous cite quelques citations de Sœur Emmanuelle : « La mort pareille au mouvement de l’enfant qui se jette dans les bras de son père. Je me replace dans cette vérité essentielle de ma foi en le Seigneur. Je suis sa fille, je suis née et j’entrerai dans la mort par ce lien de filiation aimante qui a traversé toute ma vie. Je me prépare à vivre la rencontre filiale avec mon Seigneur. L’amour, dans un face-à-face d’éternité. Enfin. ». Elle dit encore « mourir devrait être le plus beau jour de la vie » et pour terminer « J’aurai du mieux faire, j’aurais dû mieux faire ! Mais j’ai fait ce que mon cœur et Dieu me dictaient ! Si vous le voulez bien, c’est avec lui que j’en parlerai ! »

 

Si vous voulez participer à l’association de Ludovic Robert :
http://www.asso-mahaba.com/