2010/04/09 - Rencontre des chrétiens divorcés : "Guérisons, chemins d'Espérance"

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Massabielle, Saint Prix.

 

INTRO :

Parler des guérisons, chemins d’Espérance, alors que la souffrance est bien là !
C’est peut être remuer le couteau dans la plaie.
C’est peut-être  ne pas respecter la souffrance du moment, où l’on parle.

Si vous  vous sentez ainsi, veillez m’en excuser, ce n’est pas volontaire, c’est tout au plus maladroit.
Mais, justement, tout en prenant en compte ce qu’il y a à vif en chacun, osons poser un regard confiant sur ce qui est à vivre !
Car la vie n’est pas derrière nous, elle est devant.
Même si elle est avec tout ce qui a été,  les souvenirs  sensibles le disent à souhait. 

Le fait d’en parler nous invite – et c’est le pari de cette soirée- à  voir comment justement le fait d’« en parler »  peut être déjà  un lieu d’espérance.


1. LA GUERISON PERSONNELLE, SPIRITUELE


A. Guérison comme ‘travail’ d’unification.

Comment unifier sa vie alors que  quelque chose de fondamental (sacrement du mariage) est quelque part cassé, fondu, séparé, rompu, lien détruit ?

Comment entendre que sous les décombres de tout cela, subsiste la promesse du Christ.
Comment la respecter dans la foi ? Comment ne pas ne pas la respecter dans la foi ? Et quelle foi ?
Avançons pas à pas !
Quelle foi ? La nôtre, subjective, telle qu’elle est aujourd’hui, telle qu’elle a été hier.
Mais au juste, dans ce mouvement de rupture du lien, qu’est-ce qui est rompu ou plutôt qu’est-ce qui est tombé ?  Certainement quelque chose qui ne pouvait pas tenir, la preuve, ceci est tombé. Et tout l’édifice est ébranlé. Sous les décombres, la promesse du Christ gît et, désormais sous cette forme là, elle continue à être présente. En lui, le gisant, la promesse  du Christ est  ce lieu de guérison, ce lieu où la guérison peut se manifester. Guérison comme dynamique d’unification, de structuration. A partir du Christ et seulement à partir de lui  que le chemin de  guérison  est possible. A partir de ce qui reste et de celui qui reste.   

Car l’autre, l’époux,  l’épouse, n’est plus ! Entendons-nous sur son absence. L’autre n’est plus comme avant, et vous non plus, forcement !   C’est à dire vous n’êtes plus  dans la situation de couple comme avant, tel qu’il existait, dans la mesure où il existait en Christ, puisque le sacrement fut célébré, et à la limite, peut importe le degré de conscience de ce Christ dans votre vie, lui, le Christ, il était présent, nécessairement ! Car, lui,  une fois ainsi invité, il ne pouvait pas faillir à sa présence. Et c’est cette présence là qui gît.
C’est comme dans la vie en général, nous nous rendons compte de la présence de quelqu’un et de la place qu’il occupait dans notre vie, une fois celui-ci parti. Vous me direz, on peut s’en rendre compte en bien ou en mal. Oui, en effet, en bien, en ressentant le manque de son bien, mais aussi en mal, dans un ouf !, de soulagement en se disant, enfin je suis libre. Dans une telle séparation il y a quelque chose de la guérison, car la guérison rend libre en restituant quelqu’un à sa dignité plénière. Et là, je touche à deux versants de l’accession à la guérison.  

B. Deux versants de l’accession à la guérison :

1° guérir de ne pas culpabiliser (culpabiliser au sens morbide du terme) d’avoir ressenti le soulagement d’un mal ou d’avoir ressenti le mal d’un bien qui n’est plus.
2° restauration du lien (sous une forme ou une autre) ne doit pas viser le retour au passé, mais une ‘amélioration’. Guérir de l’idée que les choses vont être ou devraient être comme avant. La guérison n’est pas le retour à la situation précédente, mais une libération ‘supplémentaire’.  Même si ce premier aspect -la guérison n’est pas le retour au passé-  semble communément partagé, le caractère supplémentaire de la libération ne peut être apprécié qu’à la suite d’une expérience réelle d’une telle libération.     

Pour résumé cette première partie sous forme de  trois questions :

Quelle foi ? Qu’est-ce qui est tombé ? Comment suis-je séparé ?

Dans tout ceci  c’est de votre vie et de votre ‘absence’ qu’il est question et de votre guérison éventuellement aussi.         

 

2. LA GUERISON SUR LE PLAN COMMUNAUTAIRE (au sein de la famille, d’un groupe, de la paroisse, dans l’Eglise...)

A. On ne guérit pas seul, Visitation comme point d’appui.

La Visitation comme point d’appui : Marie chez Elizabeth.  L’une chez l’autre, les deux  pour se dire les merveilles de Dieu. La visitation comme expression sublime de la relation, relation qui révèle la guérison. Marie, « Bienheureuse » parce que le salut passe par elle, elle n’en est pas la source, elle n’en est même pas la dispensatrice, mais sans elle rien ne se serait passé de tel. Le salut de quoi et pourquoi faire ?
Nous voyons cela dans tant d’épisodes bibliques qui relatent les rencontres (les visitations) ou le salut s’effectue. Que veux-tu que je fasse pour toi ? Rabbouni ! Que je vois ! Que je marche, Que j’entende ! etc. Que j’aille bien ! Donc mieux qu’au moment où je m’exprime. Et la guérison est immédiate. 
Marie a ‘entendu’ Elisabeth qui ‘désirait’ la rencontre en vue de la révélation.

On ne guérit pas seul, où plutôt pas ‘en soi’, mais seulement à la suite d’une relation. Il n’y a pas de distributaire automatique avec les produits adéquats à disposition en vue d’une telle guérison. Quelqu’un a entendu mon mal-être ! C’est la relation qui est instauratrice de la vie nouvelle. Cette relation peut prendre des  formes diverses et variées. Sans vouloir les énumérer toutes, car la liste serait très longue, je me limiterais à évoquer  deux types de telles relations.

B. Deux types de situations qui peuvent être ce lieu de Visitation.

1° La famille, ce lien naturel de sang ou formel, juridiquement établi (parents, enfants, fratrie, collatéraux) 
2° un groupe d’amis, groupe de soutien (avec principe de démarche informel ou professionnel)

C’est à l’intérieur de ce second type de situations que l’on peut identifier le groupe à caractère religieux (paroissial ou  autre) voir ecclésial.
Comment les relations du premier type sont l’expression et le chemin de guérison ? Cela pourrait être aussi mis ne débat au cours des échanges qui vont suivre.
Comment, ou plutôt, dans quelles conditions se déroule, dans son expression optimale,  le chemin de guérison possible en Eglise ? Je voudrais y consacrer la troisième et dernière partie de mon propos.

 

3. LA GUERISON DES ATTITUDES PASTORALES

A. La religion, en général, a tendance  à masquer la fragilité. 

Et elle le réussit le mieux sous le verni de l’expression religieuse (exemple : la perversion de la phrase de st Paul :  « quand je suis faible c’est alors que je suis fort » en d’autres termes, « souffrez, souffrez, il en sortira toujours quelque chose de bon, et  « si vous ne  savez pas pourquoi ceci vous arrive au moins Dieu le sait ». N’allons pas trop vite en besogne, car des consolations de ce type font briller les discours mais ne garantissent pas la prise sur le réel et donc ne sont pas le chemin de la guérison, du relèvement. » 

B. La fonction de la religion chrétienne c’est exposer la fragilité à la présence de l’Esprit Saint :  

Grâce à la lumière de l’Esprit Saint, la contemplation de la grandeur de la Vie est le chemin de l’accompagnement de la fragilité.  

Le contenu du dialogue entre  ces deux théologiens peut s’appliquer  au sujet de ce soir.

Christian Salenson : On pourrait penser aussi qu’il y a effectivement une action de l’Esprit dans les cultures et dans les religions, puisque « l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon connue de Dieu, la possibilité d’être associé au mystère pascal (GS22,5) et que l’Eglise est fondamentalement au service  de cela. J-P II a même dit que le no 22 de GS était le numéro clé du concile Vatican II. Beaucoup de chrétiens y sont très sensibles, précisément parce qu’ils sont dans la gestion du temporel et qu’eux vivent au quotidien avec des incroyants, des agnostiques, où des croyants d’autres religions.   
M. Vidal : le monde apparaît dans son ambiguïté et ses contradictions, beaucoup moins accueillant aux « anticipations du Royaume »...  L’Eglise service public de la transcendance, est aussi un service public dans la société malade, un service thérapeutique
.      

 In, Maurice Vidal, Cette Eglise que je cherche à comprendre, Les Editions de l’Atelier, Publications Chemins de Dialogue, p. 98

Leur échange pointe sur une triangulaire : foi chrétienne, la non foi et le monde.
Ce schéma de relation peut s’appliquer à notre sujet. Comment ? Par le fait que le chemin de la guérison, du relèvement passe nécessairement par  ces trois pôles. S’y attarder c’est les éclairer d’une lumière qui peut aider à comprendre ce qui se joue dans la guérison chemin d’espérance. 

- Foi :  l’Esprit saint agit dans la situation qui révèle la dignité de toute personne humaine (et de la création avec) et J-P II ajoutera qu’ainsi conduit au Christ reconnu dans sa qualité de sauveur.
- Non-foi :  ce même Esprit éclaire en même temps les zones obscures de notre être, qui, jusqu’à présent, étaient inaccessible à sa lumière. Là encore il ne faut pas s‘étonner, ni culpabiliser, car souvent nous n’étions même pas conscients de la présence d’une telle dimension en nous !
- Monde :  le plus délicat à cerner, car la relation à ce troisième pôle est en interférence la plus subtile avec les deux autres. Le Monde c’est ce que nous sommes, ce qui fait culturellement ce que nous sommes et donc comment nous nous situons (pensée, attitudes, décisions, conscience...)   

C. Les attitudes pastorales à guérir, je n’en vois que  deux sortes :

1° celle qui prétend que  l’on ne peut pas s’occuper de tout ce qui se présente
2° celle qui est le corollaire de la première,  selon laquelle on voudrait s’occuper de quelqu’un jusqu’au bout.

Dans le premier cas  c’est la non assistance à personne en danger. Dans le second, le danger de l’assistance  par asphyxie. L’Eglise et ses représentants n’ont pas à se prendre pour les super héros et il y a peu de risque que sous cette forme le danger apparaisse, car il apparaît plutôt sous forme très nuancée d’un accompagnement  qui ne permet pas grandir l’autre. Et le rappel de la règle ecclésiastique peut produire cet effet, lorsque quelqu’un va s’y plier.
Encore vous me diriez, peu de risque, car nous sommes en France et la conscience de la valeur propre à la liberté de conscience est très forte. Oui ! Sauf que tout comme ce danger de vous faire plier peut venir de l’Eglise, il peut aussi venir de la société ambiante.

 

CONCLUSION :

Et alors la question est : qui écoutons-nous ?
De cette question-là, la guérison ne peut pas s’en passer !

Parce qu’elle, la guérison,  ne peut venir (je ne parle pas des cas de guérisons miraculeuses, comme cette religieuse par l’intercession de J-P II, notre prière peut éventuellement y aider, mais Dieu fait le reste),  que dans le cœur libre, très libre, le plus libre possible, pas seulement apaisée, rassuré, mais vraiment  au sens chrétien du terme, (cf. St Paul) libre.

Si j’attends une telle liberté comme un préalable, je donne l’impression de rêver.  En revanche, je ne rêve pas si je  place un tel constat au sujet de la liberté dans la perspective d’un chemin, chemin, certes ! pas simple (après tout qu’est-ce qui est simple dans la vie), mais possible ! 

Possible au travers trois acceptations, indicateurs d’un lâcher-prise, indispensable sur le chemin de la guérison, dans l’acte de relèvement. 
-Accepter la fragilité comme chemin de la libération.
-Accepter à ne pas resté fixé uniquement sur l’expérience personnelle
-Et si la guérison intervient sans que pour autant vous en soyez conscient,  lorsque la conscience vous en permet de constater les effets, acceptez-la avec joie !