2016/02/07 - Homélie - 5e dim. ordinaire

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Vocation missionnaire


Les trois lectures d’aujourd’hui nous parlent de la vocation missionnaire. Aucun des appelés, ne  se sent à la hauteur de cette tâche. Devant une telle invitation de la part de Dieu, ils se sentent tous pécheurs, tous petits, indignes. C’est une manière de dire à Dieu, c’est une erreur d’adresse, il vaut mieux chercher ailleurs. Mais ailleurs c’est pareil. Sauf que ceux qui ne se sentent pas appelés, ils ne ressentent pas non plus le poids d’une telle incompétence.

Avec nous c’est la même chose, nous avons toutes les bonnes raisons possibles pour ne pas répondre à un tel appel. Cependant si nous sommes ici, principe qui est théologiquement fondé, nous sommes déjà quelque part en situation de réponse à cet appel. Nous sommes venus pas conviction, par tradition, par habitude, par gentillesse pour ceux que nous y accompagnons, etc. Et même si l’appel de Dieu n’est pas vraiment à l’ordre du jour dans notre vie, en venant ici nous prenons le risque  tout au moins d’en entendre parler.

Comment donc Dieu nous appelle-t-il ? Comme Isaïe, Paul ou Pierre et tant d’autre ou bien  encore différemment ?
Lorsque j’étais au lycée, dans une ville de province sur la vaste plaine polonaise, le matin, comme beaucoup d’autres, j’avais l’habitude d’aller me recueillir dans la basilique située en face de l’école. Même certains profs y venaient prier. La prière n’a pas toujours été tête en bas, bien recueillie. Regarder autour était bien naturel. Sur la voûte intérieure de la coupole se trouvait une fresque qui représente les charbons brulants dont les lèvres d’Isaïe étaient touchées. Homme pécheur qui entend l’appel de Dieu, j’ai pu méditer sur cela maintes fois. 

Purifié et envoyé, veut dire, conversion profonde pour une telle mission, mais la conversion est une affaire de toute une vie. Il ne faut pas s’en étonner. Les saints ne sont jamais devenus saints d’un seul coup, tout à coup. Même Paul, à qui il a fallu digérer durant trois ans, et par quoi était-il passé, personne ne le sait, pas de témoignage à ce sujet. Ceux qui connaissaient le pape François en Argentine disent que là-bas, il n’avait pas toujours été aussi souriant et affable, que  maintenant.

N’ayons pas peur de ne pas être à la hauteur. Car cela c’est l affaire de Dieu, c’est lui qui nous ajuste à sa mission. Nous n’avons qu’à suivre. Mais cela suppose lâcher-prise, un abandon qui permet de nous laisser plonger dans sa volonté. Comme disait Madeleine Delbrêl, « ça vient, mais c’est long ».


Et même dans nos missions au service de la communauté,  en Eglise, cela vient mais cela prend du temps. Combien de temps faut-il pour constituer l’équipe de catéchistes (hommes et femmes) ? Comme ce n’est pas évident non plus de répondre à l’appel pour proclamer la parole de Dieu. Et quoi dire lorsque certains sont appelés à aider le prêtre comme ministre de la communion. Oser venir devant l’autel, on préfère laisser cela aux enfants dont l’inconscience supposée ou réelle, les fait s’y mouvoir sans gêne et être à l’aise, tellement à l’aise...

Se sentir humble, oui, pour répondre à une telle mission il nous faut de l’humilité. Mais pas forcément celle que nous nous imaginons, comme ceux qui, en observateurs vaillants, restent toujours au fond de l’église pour ne pas déranger Dieu et le laisser à ses affaires ? Humilité spirituellement découverte et assumée, c’est celle qui permet de se sentir doublement tiré du néant. Une première fois par le fait d’exister, et la seconde par le fait d’être sauvé. Dans les deux cas, c’est la Miséricorde de Dieu qui s’exprime à notre égard. Car rien de  plus dommageable que de ne pas exister, et de plus être séparé de Dieu.


Conscient de tout cela, nous ne pouvons que répondre positivement à l’appel que Dieu nous lance. Et il le fait de façon spécifique à l’égard de chacun de nous. Il le fait pour nous mettre là où nous devons être. Le cœur tendre pour aimer et l’âme pleine d’émerveillement devant ce que Dieu dépose comme lumière en elle. C’est notre mission, c’est aussi notre chance pour accomplir notre vie de façon juste et pleine d’amour.

Car, comme dit Madeleine Delbrêl, « il faut à Dieu des coeurs solides, où puissent cohabiter, à l’aise nos sept  misères  en quête de guérison et l’éternelle miséricorde en mal  de rédemption, » Si les deux sont unis, nous pouvons être sûrs d’être sur une bonne voie, celle où Dieu nous attend  toujours et encore pour nous envoyer en mission. C’est ainsi avec nos misères en quête de guérison et la miséricorde en mal de rédemption, que nous accomplissons notre mission pour la gloire de Dieu et le salut des hommes. Amen