2010/04/01 - Homélie - Jeudi Saint

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La dernière cène, le dernier repas, les derniers instants de convivialité, les derniers moments pour se dire de choses que l’on a jamais dites. Pour Jésus c’est le combat ultime qui se profile déjà, le jardin des oliviers n’est pas loin ! Ne sont pas  loin non plus ces interrogatoires sur sa vie, sa mission, ses visées, ses intentions.

 

Il va devancer ses disciples d’un pas de géant. En entrant dans  cette dernière phase de sa vie, il les initie à être autres, différents, plus comme avant. Les initier, il l’a déjà fait maintes fois, mais cette fois-ci ce n’est plus pareil. Pas le temps de s’attarder sur les détails, il faut aller droit au but. Quelques gestes, quelques paroles et comme on le dirait dans la culture catholique occidentale, la messe est dite, les mystères sont accomplis.

 

« Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant, plus tard tu comprendras », s’entend dire Pierre. Et pourquoi pas maintenant ?

 

C’est agaçant de ne pas avoir de réponse à tout, et surtout à ce qui semble essentiel. Pourquoi pas maintenant ?
 Parce que Pierre n’a pas encore pris pleinement part à sa propre vie. Et donc pas encore non plus à la vie du Christ. C’est-à-dire que Pierre n’a pas encore traîné ses bottes dans la boue de la souffrance pour le Christ. Il n’a pas encore livré de combat ultime.
Pas ses combats quotidiens que tout être vivant relève pour faire face à la vie et ses défis, pas ses petites incompréhensions qui en découlent et nous agacent tant.
Mais ce qui est décisif pour tant de gens si souvent éprouvés dans la fragilité de la vie.  Or, Pierre n’y est pas encore. Il est fort, il est clair dans sa tête et dans ce qu’il veut dans la vie et ce qu’il peut attendre des autres.  
Il n’est pas encore dans le combat à mort ou il va finir par craquer en pleurant amèrement. Mais avec un cœur contrit  (pas orgueilleux pour deux sous), il saura reconnaître son faux pas et finira par marcher sur le chemin du Christ, Vérité et Vie pour de bon. 

 

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Ainsi se profile notre fête, à nous les prêtres, au service de ce Christ dans tous ceux que nous rencontrons dans notre vie. Notre fête d’être appelés et donc attelés à la tâche dont les joies immenses font taire les fatigues et parfois isolement.

 

Notre sacerdoce ministériel (LG10)  nous conduit à deux tâches essentielles : former et conduire.

 

Former, c’est préparer au lavement de pieds, le faire et le faire faire. L’Eucharistie et la diaconie se superposent.  Nous les prêtres, au nom du Christ, nous présidons aux deux. D’une certaine manière, l’on peut dire que nous n’avons pas à nous occuper de la vie entière de gens que nous servons. Nous avons juste à veiller à ce que leurs pieds soient propres. Qu’est-ce dire et comment faire ? Jésus l’a dit à Pierre que  celui qui vient de prendre le bain, n’a pas besoin de se laver, il est pur tout entier.

 

Oui Seigneur, nous sommes purs par le bain de notre baptême qui nous a plongés dans ta vie et dans ta mort et donc dans ta Résurrection. Nous sommes purs dans la mesure où nos intentions sont pures.

 

Quelles sont nos intentions, sinon d’être tes disciples et à ton service ? Et parfois, nous les prêtres nous sommes aussi tentés de faire des choix suivant nos goûts et nos plans d’action.  En lavant les pieds de ses disciples Jésus  veut purifier leurs cœurs. Le pardon, comme geste ultime de la charité, de la diaconie, est au  centre du service.  

 

Seigneur tu me demande de laver les pieds des autres. Je le fais si souvent, enfin, je le crois. Mais ces pieds là, ah, non! c’est trop, je ne peux pas, c’est pas le pied....    Nous aussi, nous confondons parfois le service général, public avec le choix qui nous plaît. Ces pieds-là je veux bien, c’est dans mes cordes, mais ceux-là, non je ne sais pas faire. L’on n’est pas prêtre de par la simple ordination ou plus exactement l’on l’est, mais en devenir. Car c’est en « prêtrisant » que on le devient, comme en marchant qu’on apprend à marcher. 

 

Ce geste, ô combien symbolique de laver les pieds des autres, nous forme. C’est seulement depuis trois ans que je suis capable de le faire et avec quelle  émotion. Notre sacerdoce ministériel nous forme et nous conduit. Et nous les prêtres ainsi marqués, nous avons à former et conduire ceux qui nous sont confiés.

 

Prions pour que ce geste, si fort symboliquement, soit l’expression de l’amour véritable et qu’il nous façonne et nous aide à nous configurer au Christ-prêtre et pasteur par excellence.