2012/10/30 - Homélie

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I.
Après avoir entendu toutes ces lectures, on pourrait se demander quel rapport y a-t-il entre  la première et la dernière ? Car, nécessairement, il y en a un,  tout au moins celui, voulu par ceux qui ont décidé de les mettre ensemble, pour ce dimanche. En fait, depuis la réforme liturgique impulsée par le dernier Concile, une part importante est donnée aux lectures de l’Ancien Testament qui sont mis en regard, en vis-à-vis, avec un extrait de l’Evangile. Quant à la deuxième lecture, celle-ci suit sa propre logique durant plusieurs semaines, comme actuellement, depuis quatre dimanches, nous entendons un extrait de la lettre aux Hébreux. Alors, quel rapport y a-t-il entre le retour des exilés de la première lecture, dont le psaume se fait écho à sa manière, et la guérison d’un aveugle de Jéricho ? 


Curieusement, je dirais que ce rapport s’éclaire justement grâce à la seconde lecture qui semble cette fois-ci résonner en lien avec les autres. En effet c’est la figure du Christ, présenté,  comme un grand prêtre par excellence,  qui permet de le comprendre. Voyons donc comment.



II.
Tout d’abord, il nous faut rappeler comment la Bible   présente la révélation de Dieu. Dieu se révèle en rejoignant l’histoire des hommes. Il le fait à travers un petit peuple, qui deviendra peuple de promesse. La promesse portée par ce peuple sera celle d’une vie nouvelle, vie autre,  par rapport à celle connue depuis la nuit des temps chez les hommes. Une vie nouvelle parce que  marquée par une nouvelle liberté à laquelle l’homme sera appelé. De quelle liberté s’agit-t-il donc? De la liberté intérieure, que Dieu, peu à peu,  met dans le coeur de l’homme. Liberté, vers laquelle l’homme pouvait, d’une certaine façon, aspirer  de lui-même, mais sans cependant savoir comment y parvenir. Une fois  l’appel  à une telle liberté entendu, les hébreux feront (tout ?),  tant bien que mal, pour y parvenir. Et leur vie ne sera pas  pour autant plus facile. A certains égards, ce sera même plus difficile. Pourquoi ? Parce que, en plus de leur propre instinct, il va falloir obéir à une loi. Et dans l’obéissance à une telle loi, ils ne verront pas toujours ni la force bénéfique, ni même le bien fondé, en tout cas pas immédiatement...  Abraham, Moïse et le peuple tout entier, en feront l’expérience.


Les joies, d’être croyant de la sorte, vont s’entremêler avec les tristesses de la vie soumise à des mouvements de l’histoire et des  règles de la loi du plus fort. Et en ceci la nature humaine semble invariable. Aux joies de l’installation sur la Terre promise,  succède l’exil, évidemment forcé,  entraînant un nouvel esclavage. Mais un jour, le retour est possible, et alors quelle joie ! Et à la limite, qu’est-ce que cela peut faire que ce n’est qu’un reste, une poignée de rescapés, qui y parviennent. Au moins eux, ils vont porter les espoirs des autres, qui n’ont pas pu parvenir à cette joie, joie à partager tout  au moins sur cette terre. Ce ‘reste’, qui deviendra une catégorie de la théologie biblique, est présenté dans la première lecture en terme d’une grande assemblée. Grande, non pas par la taille, mais par le fait de se retrouver et dans quelle joie ! grâce à Dieu, qui, de plus est, se révèle comme un père désireux de rassembler ses enfants. Les juifs vont faire cette lecture et ils vont en célébrer la vérité. C’est dans une telle joie que leurs yeux s’ouvrent sur la place que Dieu peut tenir dans leur vie et comment il peut tenir sa promesse.



III.
L’aveugle de Jéricho guéri, représente toute cette promesse de joie. Ni sa cécité, ni le lieu ou il vit, n’ont rien de banal dans l’histoire. Sans voir clairement dans sa vie physique, il voit bien intérieurement. En effet,  il crie ‘fils de David’, c’est-à-dire,  reconnaît en Jésus, l’objet de la promesse d’un messie. Jéricho où il se trouve, est la première ville dont s’emparent les hébreux arrivant de l’Exode en Egypte. C’est à la vue de la plaine de  Jéricho, que Moïse depuis le mont Nébo va fermer les yeux. Moïse n’y entrera pas, comme si la promesse était donnée aux uns et se réaliserait ailleurs, chez les autres, plus tard. C’est ainsi que l’on peut comprendre l’explication donnée  par la Bible (cf. Livre des Nombres 20, 7-13) Dans la mort de Moïse qui intervient juste avant l’entrée en Terre promise, l’auteur  y voit un effet du péché frappant  Moïse qui  n’accordait pas toujours une totale confiance en Dieu. Le peuple conduit par Josué  va entrer à Jéricho  et ses yeux s’ouvriront devant les prodiges dont Dieu les comblera en faisant tomber  les murailles de la ville. 


L’aveugle n’est pas seul non plus. Avant même d’accéder à Jésus, le fils de David, comme il l’appelle, Bartimée est fortement encouragé par les autres ‘confiance, il t’appelle !’ Comment, nous dans notre vie quotidienne, nous encourageons-nous les uns les autres ? Comment, en voyant les attentes des uns et des autres, sommes-nous de bons transmetteurs des encouragements des contemporains de Jésus ? Comment par nous, mais toujours grâce à Dieu, se propage une présence bienfaisante de Jésus qui nous désire frères, car en ayant, tous, un même père Dieu des cieux ?


   
IV
Le texte aux Hébreux, parlant de Jésus, l’appelle  grand prêtre, qui,  en même temps, est  l’envoyé direct de Dieu le Père ‘tu es mon fils, moi aujourd’hui je t’ai engendré’.  Le retour des exilés et la guérison de l’aveugle, sont liés par la figure de Jésus. La joie de voir, de revoir, de voir d’une manière nouvelle, se cristallise dans la personne de ce Jésus qui  nous accueille. En nous accueillant, il nous aide à voir, car en sa présence tout est lumière. Il nous aide à voir y compris, et peut-être surtout, dans les angles morts. Là, où, naturellement, à vue humaine, on ne voit pas et où on ne comprend pas, non plus. Laissons-nous envelopper par cette belle et pleine de douceur phrase que Jésus prononce sur l’aveugle, ‘va ta foi t’as sauvé’.