2020/01/06 - Journal - South Africa

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Boers, les laboureurs;


Après la découverte de l'or (ramené par un astéroïde entré en collusion féconde avec la planète Terre il y a quelques milliards d’années), à la fin du XIX siècle la guerre des Boers contre les Anglais éclate. La première messe sur le sol de South Africa avait été dite par les Portugais quelques siècles auparavant... A cette époque personne n'était  intéressée par le continent noir, l'objectif des navigateurs de tout poil étant celui d’aller en Asie, le canal de Suez n’existant pas encore, il fallait contourner le continent noir en s’y arrêtant pour reprendre pied sur terre ferme, question de ravitaillement, ni tourisme ni colonisation. Mais à force de faire escale, on finit par s'installer pour du bon. Et même aller à l'intérieur, bien plus tard les missionnaires de la congrégation des Missionnaires d'Afrique vont compléter la carte d'Afrique noire des missions chrétiennes au Soudan, Malawi....  La  belle rencontre avec l'un d'entre eux m'initie aux rudiments de la compréhension de ce qu'est l'Afrique dans son ensemble et l'Afrique du Sud en particulier.


Comme le dit la pub locale "Understand today, create tomorrow", en passant dix jours dans ce pays, à quoi suis-je donc appelé? Créer des ponts sûrement, en favorisant la solidification du réseau des communauté catholiques francophones du monde. Après tout je me suis trouvé ici grâce à la bienveillance de l'aumônier et d'une famille déjà rencontrée à New Delhi. Quelle n'était pas ma surprise de voir parmi les francophones venus à la messe de l'Épiphanie aussi des anciens de Pékin rencontrés lors de ma visite de la communauté catholiques francophones de la capitale chinoise.  Sans parler des connaissances communes trouvées lors du réveillon de Nouvel An ou à d'autres occasions.


Mon temps fut partagé entre plusieurs objectifs : passer du temps à découvrir le pays, son histoire et sa situation actuelle. Le faire dans une immersion à la fois ecclésiale et simplement familiale, le tout saupoudré de repos sous forme de randonnées et courses à pied. Tout fut au rendez-vous assaisonné de quelques rencontres uniques à l’image d’un arbre fougère, une originalité parmi d’autres du pays, ou encore des Rhinocéros dans la réserve vus pour la première fois ...


A l'arrivée, déposé chez les missionnaires d'Afrique, sans tarder, je me trouve chez les missionnaires des Foccolari. Une communauté internationale, l'un d'entre eux partant quelques jours plus tard pour Fidji, le barbecue était organisé en son honneur.


Dimanche deux messes avec homélie en anglais. À Yeowelle (je ne suis pas certain de l’orthographe) se trouvent les soeurs de la Miséricorde, l'assistance surtout non chrétienne est composée des pensionnaires,  mères avec enfants; la grâce de tant de bénédictions dispensées à l’occasion de Noël sûrement agit à sa façon. Puis une autre messe chez les sœurs qui jadis dirigeaient une école; communauté par la force d'âge transformée en maison de retraite, les vocations spécifiques se faisant rares partout. Mass with the  sisters of Rosary school founded in 1940 as it was for Rosary Hill school in Hong Kong, the communion between me and them grounded on such coincidence.


La troisième messe prévue en français à Rivonia (magnifique grande église flambant neuve) finalement n'aura pas lieu; le 5ème dimanche est la cause d'un trouble dans les calculs.


Suit la visite de Sandton, quartier moderne avec une statue de Mandela qui trône sur la place et lui est consacrée. L'architecture hybride, comme la société du pays est marqué par le communautarisme, très peu de métissage, les séquelles de l'apartheid sont encore visibles. Soweto, mythique, s'en sort pas trop mal, visité le premier janvier, la ville de quatre millions offre une image un peu forcée d'un état de d'ébriété dans certains quartiers, état souvent joint à celui de la veille. Personne ne paye l'électricité, tout le monde se branche sur les poteaux qui traversent la ville; vivement le partage, mais entre l'économie du marché et la paix sociale dont le prix à payer est celui assumé par la collectivité (?), le cœur en  balance.


C'est ainsi aussi pour la violence y compris celles liées aux vols et cambriolages, que les consignes que l'on délivre aux nouveaux arrivés sont très claires: ne jamais regarder l'agresseur de peur qu'il ne soit reconnu lors d'une hypothèque confrontation menée par la police, ce qui est moins hypothétique c'est le fait qu'une fois l’agresseur regardé, il ne semble n’y avoir d'autres choix que tirer à bout portant.


Un habitant sur trois milles est mort dans le pays chaque année, il l'est d'une mort violente, par criminalité, comme.... en Russie. La sécurité, tout le monde en parle. Mamba est une  société de sécurité florissante sur le terrain si instable.


Nous traversons un de ces quartiers de Johannesburg pour aller dans une maison de retraite. Claude-Monique, petit sœur  de Jésus, est dans la maison de retraite tenue par une autre congrégation. Nous nous retrouvons ensemble chez un autre pensionnaire, un sud africain, catholique engagé dans le mouvement Justice et Paix. Je lui pose la question pour savoir comment résonnent ces deux mots dans le pays d'aujourd'hui. Il y a 40 ans c'était mieux que depuis 20 ans. La corruption s'ajoute à la violence.  


Sur la route du retour nous passons à côté d'une église “the all nations”, avec la croix sur la façade, mais de style musulman ? Nous parlons de” Liberal Catholic Church” qui pratique la  théosophie en référence à  la pro-cathédrale de st Albans à New york. Nous parlons de Maria (femme allemande) assassinée quelques jours avant Noël; funérailles lundi 11h, j'y suis avec p. Christophe qui l'avait vue deux heures avant le drame, il est très ému, il y a de quoi, son supérieur de communauté a partagé le même sort une dizaine d'années plutôt.


Agapanthes violettes pour fleurir l'autel dressé dans le jardin, mais en attendant la messe, nèpes et neuroptères  sont introuvables dans notre minitel personnel;  je passe du bon temps en famille en jouant avec les enfants; on apprend toujours, comme en lisant ce livre pour enfants sur une fille dalite qui voulait aller à l'école. Il y en a qui voudraient y aller mais souvent ne peuvent pas,  et il y en a qui peuvent mais c’est dur la vie où on peut apprendre tant de choses sans aller à école et s’amuser à l’occasion. 


Johannesburg aux allures de la st Sylvestre dans une famille connue naguère à Delhi en présence d'autres qui ont de la famille à Hong Kong.


La lecture du livre de Valérie Hirsch, Les Sud-Africains, (photo de couverture par Cécile Boyer, parente du  missionnaire qui m'accueille fraternellement) sur l'évolution de la société post apartheid me fait méditer sur l'arc-en-ciel et sa capacité d'accueil de  deux couleurs emblématiques apparemment opposées par l'illusion optique que sont noir et blanc, pour finir par me poser la question sur la nature du gris qui résulte du mélange de deux pour  savoir si trop noir ou pas assez blanc peut valoir trop blanc ou pas assez noir.


Le métissage est un art que même l'architecture bigarrée d'un nouveau centre économique de la ville de Sandton n'arrive pas à rendre autrement que par la juxtaposition de différents styles, tout un programme sur la voie de la construction commune d'une société qui se souvient, chaque composante humaine pour sa part, de ce que la mémoire sensible transmet de génération en génération: le pardon et la guérison comme clef d'un avenir possible, en attendant, aux tentatives timides déjà entreprises sur un tel chemin s'entremêlent les crimes excités par la guerre de gangs et mandrax.


Les arbres  non natifs du pays sont mangés par une mystérieuse maladie, est-ce un oracle sur la non assimilation humaine? La science n’a pas encore dit son dernier mot, ni sur les arbres ni sur les humains, la souffrance causée par le déracinement requiert toujours une attention particulière, propre. 


Hiking avec Carol, Mathew, Essen, and co, tous Afrikaners, dans la montagne au-delà des mines de platinium où a eu le dernier bain de sang contre les grévistes. C'est là que je vois pour la première fois de ma vie une fougère arbre.


Pretoria, nous visitons le musée de la lutte contre l’apartheid. Une vidéo  magnifique en couleurs et mouvements relate les origines de l’espèce humaine qui génétiquement a pris naissance dans cette partie du continent. Cela complète bien la visite d’un autre musée, lui, entièrement consacré au berceau de l’humanité, Cradle of humankind.  Puis nous nous laissons guider par les explications devant les murs sur lesquels des noms des victimes de l'apartheid sont inscrits. Y dominent des noms de Cubains... La polémique est ouverte pour savoir s’il faut y inclure aussi des mineurs grévistes tués il y a quelques années. J’étais pour, mais mis en minorité sans pouvoir préciser les raisons d’une telle opinion, car le peu d’ombre à l’heure de midi ne favorisa pas les grands développements touchant à la stratégie socio-politique de l’usage de la mémoire résumée par : souviens-toi!


Puis Edenglen et la communauté de missionnaires d'Afrique, au-revoir! Mais Pilanesberg samedi, je me remémore sinon j'apprends les noms des animaux, d'oiseaux : Impala par-ci, gnous et zèbres par-là, ces derniers se tenant compagnie dans la savane qui telle une mamma peut nourrir pacifiquement les girafes et éléphants aussi, mais pour ce qui est des lions et les crocos de toutes sortes, les malheureux, ils sont obligés de livrer bataille pour se faire place au soleil. Ce n'est plus très à la mode d’être carnivore. Deux libertés s’affrontent alors, dont une est toujours restreinte, mais après m’être laissé égarer par une telle réflexion qui m’a mise dans un état momentané de torpeur, je retrouve kudu et rhinocéros qui complètent la liste.


A la vue de la vie de la savane, nous sommes tous zebrifiés, la fascination devant les zèbres et leur codage sur la peau est comparable à celle que nous avons à l'égard des girafes tachées;  dans les deux cas se fait admirer la dignité d'une élégance qui vient d'ailleurs, mais qui a choisi la savane pour demeure, ils ont vraiment cela dans la peau, voire même sûrement?


Messe de l'Épiphanie dans le jardin avec un chien sous la table qui fait office d’autel (comme s’il avait compris qu’il allait être question des rois et de leur galette) et un autre devant la chaise faisant office de siège du célébrant : plutôt que de m’en servir comme d’un marchepied j’opte pour la station debout à côté, ce qui ne nuit pas au recueillement et à la prière. Et après avoir partagé la galette dans le salon (les chiens à côté pour veiller au bon déroulement de la distribution des morceaux) la discussion sur l'idée de la feuille commune en Asie et une autre sur la formation des prêtres indigènes pour les comptes des CCF accompagnent le café qui ne semble pas nuire à la santé des convives. Mais des devoirs divers les appellent, qui devoir scolaire, qui missionnaire, et il me reste à boucler la valise, ramasser quelques idées en guise d’un bouquet mal fagoté de remerciements, poser pour la dernière photo en  famille et dire au chauffeur de taxi: it was lovely time, the traffic is still light, et lui de me repondre, it is, it is still a time of holidays. It is, it was, it is.... 


L'Afrique du Sud inspire, expériences acquises lors des séjours dans  d'autres pays donnent des idées, amour de Dieu, le souci pour la foi et l'amour de l'Eglise sont au cœur de tous ces échanges et de  toutes les actions menées souvent en microforme. Le monde est vaste, mais ces sont des actions concrètes dans un endroit donné qui montrent que l'on est de quelque part pour quelqu'un. Les trois chiens dans la famille qui m'a accueilli, moi aussi, en sont une belle illustration.


Dans l'avion de retour je regarde deux filmes polonais, c’est une première en vol depuis je crois toujours, mais sûrement pas une dernière visite au berceau de mon humanité, ni au berceau de  l'humanité dans son ensemble.

Saga Africa se poursuit et je la suis.