2020/03/14 - Chemin de croix

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Première station: Jésus est condamné à mort.

Cela se tramait depuis déjà bien longtemps, mais maintenant c’est décidé; il n’y aura qu'à suivre le protocole qui n’a rien d’un parcours de santé, voire même d’un check up aux premiers signes inquiétants pour vérifier si tout va bien. Santé, il en avait; jeune, robuste (peut-être pas trop, normal) il était.  Certes, il n’a pas passé son temps libre dans des salles de musculation, mais la nature l’avait sans doute doté d’une bonne santé, de bonnes conditions physiques; pour l’hygiène de vie, cela devait être pas trop mal non plus.  

Tout cela c'était le passé, là au moment  du verdict, il  n’est même pas la moitié de lui-même. Depuis qu’il avait attrapé ce virus de vérité (depuis quand? depuis toujours, non!?) pour y être fidèle coûte que coûte, en prétendant que l’amour était à ce prix, il n’était pas au bout de ses peines. Ce qu’il a dû endurer jusqu’alors aurait déjà été bien suffisant pour pouvoir le dispenser du reste. 

Hélas, le calice, il va falloir le boire jusqu'au bout, et au fond qu’est-ce qu’il y a, le poison ou le remède? Vu de l’extérieur, même si l’on pencherait plutôt côté poison,  finalement qui pouvait le savoir?  Vu de son intérieur, qui peut se mettre à sa place? On peut seulement constater, qu’à travers cette opacité qui nous sépare de lui, que génère cette mise à distance entre nous et lui, c’est finalement pour nous mieux accompagner. 

C’est pour nous protéger, pour nous donner à  boire, à petite dose, juste ce qu’il faut pour exciter notre espérance. Est-ce que cela marche? Pas toujours, mais sa pédagogie est ainsi, elle est dynamique et la patience est de mise. Là aussi l’espérance est le maître mot. 

L’espérance, la sienne, elle est condamnée à se faufiler à travers les mailles du filet de l’espoir qui ne fait plus vivre, qui ne donne plus à vivre. Juste de quoi avoir ce qu’il faut pour arriver au bout du chemin, comme prévu dans le protocole. Oui, il sera dans la vie, pleinement, totalement, jusqu’au bout. 

La condamnation change tout, mais tout aussi continue comme avant, c’est le paradigme de rupture qui se trouve à l’intérieur d’un paradigme de continuité. Et les deux paradigmes se confondent désormais dans une même seule vie, vie d’un condamné à mort qui ne lâche pas la vie. Cette ténacité, il ne l’exprime pas par l’intense désespoir d’un guerrier qui sait qu’il est perdu, il la porte gravement et depuis cela se fait ressentir  jusqu'à chez nous. 

Deuxième station: Jésus est chargé de la croix

Prendre sur soi, rien qu’une seule poutre pour la traîner dans l’ultime course de sa vie, dans sa situation, cela n'a rien d’enviable. Ceci ne se déroule tout de même pas dans le cadre d’un concours entre les plus robustes gaillards, qui, lors d’une fête foraine, montrent leurs muscles pour savoir qui, chargé d’un tronc d’arbre, arrivera le plus vite à l’autre bout de la course. Lui aussi est exposé aux regards du public, mais y a-t-il dedans des supporteurs (d’ailleurs, où sont-ils ses tifosis?), lui, surveillé par le staff d’une drôle d’écurie. 

Et quand on est chargé, on est chargé, c’est pour que cela pèse et cela pèse bien  lourd, très lourd. Le poids de l’amour se mesure à l’échelle de la vérité dont il ne peut pas dévier, et il y a des moments où cela pèse des tonnes, tellement l’attraction  dans le sens opposé comme par un aimant est forte pour contrer le désir d’aimer.  

C’est un travail titanesque qu’il s’apprête à faire encore, comme au désert, mais là-bas, il n'y avait que les forces spirituelles du mal engagées en direct, et il y avait sa solitude. Ces forces contraires et sa solitude, ensemble le mettaient au défi de sa relation au père. Ici, c’est dans un corps à corps que se déroule le combat bien incarné des deux côtés, dans les cadres d’une mécanique judiciaire en marche avec les gros muscles des exécutants. 

Sont-ils pire que les autres, leurs contemporains, leurs semblables? Difficile de savoir, tellement leur vie physique est mélangée à tout cela. Difficile aussi de savoir s’ils sont pires que les forces du désert, on pourrait risquer de dire qu’à enjeux égaux, les poids sont pareils. Jauger c’est mesurer, pas juger.

Le tentateur est tout près, mais il se fait très discret, comme si c’était  pour endormir  la vigilance de tout le monde, et après tout pour lui se servir de la faiblesse humaine c’est tout gagnant. Pendant ce temps là, il se “repose” pour préparer d’autre coups foireux, tordus, comme il sait le faire. Lui, qui s’était interdit d’aimer un autre que lui-même, et qui pour se maintenir en bonne condition pour être dans la course contre son adversaire, a besoin de dépraver l’amour des autres pour qu’ils lui deviennent des semblables, se trouvants du même côté du miroir.

La croix, il va falloir la porter pour ne pas se laisser déporter. Il va falloir la trainer pour ramener au point culminant de l’horizon tous ces poids du passé, de notre passé, de notre présent et  de notre avenir, et de ceux de tous les autres. Une gigantesque benne à ordure bien qu’invisible, mais au combien réelle, qu’il traîne avec toutes les casseroles de l’humanité en déréliction depuis que le paradis s’est perdu, s’est évaporé, comme s’il n’avait jamais existé, détecté par quelques rêveurs isolés comme un signal faible, très faible. 

Aucune piqûre de rappel, ni autre vaccination jusqu’à lors ne suffisaient pour enrayer l’épidémie qui continue à bousiller le corps et l’âme. Sera-ce différent après? Ce n’est pas à l'ordre du jour de ses préoccupations du moment, il a juste à traîner cette foutue potence, loin d’un amour hiératique d’iconographies qui consolent. 

Troisième station: Jésus tombe pour la première fois. 

Tomber, et alors quelles en sont les retombées? Cela arrive à tout le monde, cela nous console plus que cela ne nous désole. Et quant à l’esthète en mal d’être, il pourrait se saisir de cette question, lui, avide des sensations artistiques pour se faire admirer à  travers son oeuvre, en se faisant liker de millions de fois, en créant un buzz. Peu probable, il y a d'autres voies plus sûres pour mettre au défi la grandeur de Dieu dans le corps d’un homme crucifié.  Il y en a qui n’ont pas trop mal réussi dans ce domaine, comme dans des domaines semblables, que Dieu leur pardonne, car  ils ne savent pas ce qu’ils font et à quoi ils s’adonnent. 

Si on peut méditer sur tout,  est-ce que l’on peut rire de tout? Est-ce que Jésus a ri? Question signée Au nom de la rose qui s’est fichée dans nos mémoires. Alors que le diable ricane, faut-il le rappeler? C’est dans ce sarcasme nonchalant de beaucoup que le condamné à mort tombe alors qu’il est en route vers le lieu de son supplice. Mais il se relève pour les relever eux aussi. Méditer à partir de ce qui lui arrive, c’est méditer sur notre propre  vie marquée de hauts et de bas.

L'endurance est bien nécessaire pour une vie bonne, droite, juste, digne d’une vie. Et elle s’apprend, et Jésus l’apprend aussi, toujours et sans cesse, lui qui a déjà appris tellement de choses sur la condition humaine, durant une bonne trentaine d’années, ce qui est déjà pas si mal, surtout à l’époque. Pour essayer d’apprendre la même chose, nous avons besoin de plus de temps, car nous avons étalé l’essentiel de notre vie dans le temps, comme de la confiture sur la tartine, tout de l’essentiel, car pour le reste, nous sommes de speedy Gonzalez pour profiter de la vie à tout va. 

Est-ce que l‘on profite de la vie comme un virus profite de la nôtre? Cela n’est pas à l’ordre du jour, car cela n’est pas profitable. Jusqu'au moment où nous sommes contrariés dans nos plans bien établis. Il paraît qu’on fait rire Dieu lorsqu’on lui présente nos plans d’actions pour savoir comment réussir dans la vie; et réussir la vie, c’est quoi? Comme disait un missionnaire au soir de sa vie: Dieu avait un plan pour moi et moi en y croyant obéir, j’ai mené ma vie. 

La croix de nos vies est si souvent lourde, que nous serions parfois tentés de la laisser tomber, mais cette croix c’est notre vie, et notre vie est portée dans la sienne. Et le savoir, cela change quoi? Le cordon ombilical entre lui et nous est traîné dans la boue de sa chute; pas facile de le voir exister concrètement et alimenter notre vie comme dans une perfusion qui permet de bien s'en aller. 

Si souvent nous sommes asymptomatiques; chez moi tout va bien, aucun besoin d’une telle connection et d’une routine pareille, ça c’est pour les faibles. Seigneur, protège moi de tels forts! Mais, as-tu protégé ton fils de ses bourreaux? 

Quatrième station: Jésus rencontre sa mère. 

La route sera longue, où puiser des forces nécessaires pour rester dans l’action qu’un condamné doit accomplir en creusant sa tombe. Les derniers jours étaient déjà épuisants, et les nuits sans sommeil ne fournissaient pas le repos nécessaire; une vie  sans répit. C’est la vie d’un condamné à aimer, sans répit.

Sous l’ombre de sa couronne bien plantée sur son crâne, sa passion lui fait dégouliner comme dans un pressoir le jus de son corps, en donnant à son visage cet air de supplicié enveloppé d’une lumière blafarde. Il a encore la capacité à voir ce qui se passe autour de lui. Sa mère le sait, il faut se dépêcher, il faut être dans la trajectoire de sa route pour pouvoir croiser son regard. 

Pour sauver sa progéniture, une mère ne recule devant rien.  Mais le sauvera-t-elle? Et de quoi? De la mort certaine? Raté d’avance. D’overdose de souffrance alors? Comment savoir quelle est la dose prescrite jugée comme acceptable, et où mettre le curseur qui indique qu’au-delà c’est l’overdose? Sauver de quoi? Du désespoir, serait-il mal à ce point? Elle est là pour souffrir avec lui, c’est pour cela qu’elle veut croiser son regard.

Ce n’est pas certain qu’elle voulait le sauver de quoi que ce soit, puisque c’était à lui de la sauver et nous avec. En plongeant son regard dans le sien, elle lui est ce reflet du ciel compatissant pour son corps terrestre en pleine démolition. 

La mère, il y en a qu’une, même et surtout peut-être quand elle vient du ciel, alors que les autres la pensent de la terre, peu-importe, et si elle venait de deux? Comment, c’est pour une autre fois. Croiser son regard c’est vivre dans son corps ce ciel dont est pétri tout son être. Il y a des regards qui en disent infiniment plus que les mots ou les gestes. Il y a des regards qui sont le remède à bien des maux. 

Son mal à lui c’était être mal, point à la ligne, rien d’autre que d’être ainsi. Aurait-il voulu lui épargner le croisement des regards chargés d’une telle souffrance partagée? Comment le lui interdire, puisqu’elle est sa mère et qu’elle sait ce qui est bon pour son fils. 

Non, ils n'ont pas honte l’un de l’autre, ils ne sont pas dans une fausse pudeur de regards volés à l’attention de l’autre; voir sans être vus, rien de tel chez eux. tout y est clair, limpide, personnel, intime et qui n’a pas peur d’être public, appréciera qui pourra. 

Cinquième station: Simon de Cyrène aide Jésus à porter la croix.

 A la grande émotion générée en nous par le regard de la mère sur le fils, succède un coup de pouce inespéré sans doute, mais surement bien apprécié. Un type quelconque se trouvant sur le chemin, il est pris de force pour l'aider. Le staff peut s’inquiéter de ne pas arriver à amener le condamné au point d’arrêt final par ses propres forces. Donc on trouve un moyen d'à côté, juste ce que l’on a sous la main, on ne va toute de même pas l’aider avec des gros muscles, ils ne sont pas destinés à une aussi basse besogne. Eux, ils ont d’autres tâches à accomplir, plus nobles, plus dignes de leur statut de cols blancs de clercs et de leurs associés de l’époque. Les bouchers en cols blanc, ça alors!, Peut être nous regardons trop les films qui en parlent, mais ils doivent tout de même refléter tant soi peu la réalité. 

Si quelqu'un est déjà bien chargé de fatigue comme ce pauvre Simon, pourquoi  ne pas lui en ajouter? De toutes les façons les conditions de vie difficiles, il les connaît et puis ils ont les moyens de le faire obéir, de le faire se soumettre à leur volonté. Tirer les salaires les moins payés encore plus  vers le bas, c’est pour permettre une consommation de masse à bas prix, un jolie stratagème dont nous nous accommodons tous, si bien que par rapport à cela nous dormons tranquilles. Oublier de payer les heures sup, c’est connu de toutes les époques. Et comment reconnaître le travail du corps médical et de leurs associés  à leur juste valeur, surtout dans  les temps comme les nôtres?

Simon a bénéficié d’une reconnaissance divine, nullement enregistrée dans les cahiers de félicitations des premiers de la classe, ni répercutée sur ses avoirs terrestres en nature sous quelque forme que ce soit.  Il n’était pour rien dans cette histoire, un parfait serviteur quelconque qui n’a fait que ce que les autres lui ont demandé. Et Dieu dans tout cela? Qu’il n’est pas été vu en Jésus, c'est  plus que normal, mais que Dieu pouvait se cacher  derrière une telle décision exprimée par les staffs de service, c’est difficile à concevoir. Quoi  qu’il en soit, il l’a fait, puis c’est tout, on ne va tout de même pas triturer dans sa subconscience pour y voir les traces de Dieu et de sa volonté.  

Est-ce que c’est facile de se faire aider, et puis même si cela soulage, est-ce que cela permet de reprendre des forces? Certainement un peu, mais pour quoi faire, pour gagner quelques centaines de pas? Au point où l’on est, c'est peu et c’est beaucoup à la fois. Simon a fait ce qu'on lui a demandé de faire, Jésus aussi: les deux ont obéi à la volonté des autres. Aidés, mais restez enfermés, c’est pour votre bien, le confinement est nécessaire pour votre survie. Jésus le sait, il accepte le sien. Mais isolé n’est pas synonyme de séparé de tout. Simon et Jésus unis par un bout de bois mort, drôle d’histoire de vivants, que sont ceux deux-là. 

Sixième station: une femme essuie le visage de Jésus.

Les uns sont pour déshumaniser, les autres pour réhumaniser, et à ce jeu la nature participe à sa façon sans le savoir. La nature humaine, quand à elle, elle le sait d’une manière ou d’une autre, elle n'a que pour excuse la lenteur de l’intervention divine pour le lui révéler.

Cette femme vient du fond d’un mythe légendaire archi connu, né dans la piété populaire qui lui réserve une place de choix dans ce chemin fondé sur les récits bibliques dont elle s’autorise à s’écarter parfois. Ce n'est pas pour être à l'écart, mais c’est pour être encore mieux dedans. 

Un peu d’humanité dans ce monde de brutes, ne fait pas de mal. Mais ce n’est pas pour cela qu’elle est là, surgissant d’un subconscient chrétien en mal de vérité.  Elle enchaîne quelques gestes bien précis dans une technicité à couper le souffle, dont le résultat étonne encore aujourd’hui. Un portrait,  comme une photo sur la serviette avec laquelle elle venait d’essuyer le visage. 

Une fois le geste accompli, est-ce que le condamné était plus beau à voir? Pas sûr, car les effets positifs ne durent pas bien longtemps, il y a tant de sueur mélangée avec le sang qui la couvre, alourdis par toutes les particules de poussière et autres crachats qui s'agglutinent et s’y déposent pour former ensemble comme une couche de protection contre la possibilité de pouvoir reconnaître le beau visage du Fils de l’Homme. La nature fait bien les choses; elle prend en charge ce que l’homme ne réussit pas toujours, couvrir la honte, certes elle le fait à sa manière, comme elle peut, mais c’est efficace. Ce n'est pas un masque de protection, c’est une empreinte de révélation.

Le négatif de la photo est déjà prêt, il suffit de le faire révéler dans un liquide spécial et la photo apparaîtra positive. Le négatif est nécessaire pour que le positif apparaisse, gare aux techniques qui se dispensent de passer par cette phase préparatoire et intermédiaire. Heureusement que la matière noire et l’énergie du même nom sont irréductibles pour le moment, à l’investigation scientifique. Une fois le mystère percé, il y aura d’autres négatifs qui vont apparaître pour chercher à le révéler.  C'est une course entre ce que l’on peut et ce que l’on accueille. 

Véronique nous poursuit de son geste gardant le secret d’une audace pour approcher de la vérité, son secret est celui de l’amour. Véronique de la Véritas, Véritas de l'Aletheia,  cet Émet dans la langue de Jésus que l’on aime, cela nous met déjà en joie. C’est comme pour un tableau, il faut accepter les contours pour apprécier le sens du dedans.

Septième station: Jésus tombe pour la deuxième fois

Protège moi de l’habitude d'être faillible. Car si une fois, pourquoi pas deux et trois. Anticiper ne sert à rien, il faut juste endurer et se relever. Chaque fois? Ou alors changer de fusil d’épaule, fuir. Non, tu n’échapperas pas à toi-même, vous pouvez vous y perdre tous les deux, toi et ta vie, mais vous ne pouvez pas y échapper, c’est écrit, c’est cela le destin, pas sa trajectoire dans une direction ou une autre, jugée bonne ou mauvaise, mais le fait que l’on n'échappe pas à la vie qui nous porte et si souvent nous cloue au sol, c'est cela le destin, juste cela.

Est-ce un  temps de repos pour récupérer des forces, est-ce le temps nécessaire pour se dire que se relever c’est pas seulement possible (on verra dans les faits), mais déjà souhaitable, alors pour qui et à quel prix? Mais, on a déjà compris tout cela depuis longtemps. Il reste à présent à ramasser le morceau de croix qui lui tient en une seule poutre et le caler entre les morceaux du corps déjà bien disloqués, prêts à partir dans tous les sens, alors que de sens, il en a qu’un seul: aller toujours plus haut, mais la tête en bas. 

Le cadre de sa vie est maintenant celui d’une croix et son corps va se confondre avec ce cadre là, crucifiant, cruciforme, crucial, cruel. Mais cela c’est pour plus tard, pour le moment il s‘agit de devoir se relever, car tant qu’on bouge on montre aux autres que l’on est en vie. Mais il y a des mouvements de paupières que l’on ne voit pas facilement; paupières, ce voile qui couvre le coeur encore en vie, encore dans l’élan d’aimer.  

Peut-on se relever seul? est-ce possible, aucun soutien par les aisselles, oui probablement, faut-il essayer encore? Mais c’est perdu d’avance, car ce qui se joue là, c’est que l’on finira par être cloué pour du bon. Est-ce déjà? Qui frappe, ma mort? Est-ce déjà? Non pas encore, presque le regret se profile dans ce qui reste de la conscience qui capte encore quelques bribes de la réalité le concernant. Tout se  voile même son désir d’aimer jusqu'au bout et si le bout était avant l’arrivée au bout? 

Est-il est au bout? Non, pas encore! Nous avons tellement de ressources en nous que cela nous surprend dans les situations exceptionnelles qui appellent à y puiser. Surprenante est aussi la demande d’aller au bout, réalisée par des offrandes qui étaient déjà totales, sans condition, que ta volonté soit faite et pourtant il y a encore à offrir et encore, une longue agonie dans ces préliminaires, dont plus d’un amour se passerait. 

Huitième station: Jésus console les femmes de Jérusalem. 

Quand est-ce que nous sommes des meilleurs consolateurs, n’est-ce pas lorsque nous sommes en situation d'en avoir besoin nous-mêmes? Pas tant sur le plan psychosomatique, pas tant dans le passé dont nous sommes déjà consolés, mais maintenant,  au moment même où nous avons besoin de consoler les autres. De quoi alors avons-nous besoin d'être consolés? De notre misère qui nous pend au nez à tout moment que l’on appelle l'état de péché qui enferme sur soi et son malheur. Et dans le même élan consoler ceux qui sont en situation du plus grand stress et de difficultés matérielles psychiques et spirituelles pour vivre. Vous pouvez inverser l'ordre de ces trois types de difficultés, cela doit revenir au même suivant l’importance que l’on leur accorde.

La consolation que Jésus retourne à ces femmes, que l’on appelle filles de Jérusalem, elle est d’un ordre tout spirituel. Toujours amener la guérison  au point central, aller à la racine, comme dans la recherche du virus qui est en train de faire des ravages dans les corps que nous déplorons. 

A-t-il respecté l’expression de leur compassion? Sûrement, mais passant très vite à l’essentiel, pas sur moi mais c’est sur vous et vos enfants qu’il faut pleurer. Est-ce que nous pleurons sur nous-mêmes lorsque nous envahit la prise de conscience d’erreur, due à la futilité qui était devenue le centre de la vie, et nous a ainsi excentrés, déportés du vrai centre. Alors que la loi de la gravité de la vérité, elle ne change pas, mais change seulement notre tolérance à l’accepter comme déportée, d’elle-même, et nous avec. 

C’est gênant, car tout le centre de gravité en nous est ainsi troublé, et aucun kiné ni autre yoga master n’y pourra remédier. Et c’est grave, grave d’une même gravité que celle du centre qui pèse le poids de la vérité fondée en Dieu avec la portance qui nous permet de nous laisser emmener vers lui. Et nous laisser emporter avec le poids de ce qui est tordu, c’est très lourd, comme la croix de ce pauvre Jésus que nous essayons de suivre et qui le cloue depuis si longtemps. 

Ne fallait-il pas laisser tomber tout cela depuis bien longtemps, élever le poids de ce corps qui est en tel désaccord avec l’esprit qui, lui désire s'élever. Nous sommes tentés de le laisser partir tout seul, car, tout compte fait, cela fera l’affaire de notre vie. Sauve toi toi-même et nous avec se bouscule déjà aux lèvres de ses suiveurs en mal de poids de la vérité. 

Ils ne sont ni hédonistes, ni jemenfoutistes ou d'autres artistes du futile de ce genre. Ils sont sérieux et travaillent comme des brutes pour avoir enfin la paix en trouvant leur hutte de bonheur sur terre. Ils se consolent, mais le temps passant, ils deviennent de plus en plus sensibles aux besoins des autres.

Grave erreur! crie le corps qui reçoit la consolation. Car il veut la recevoir là, où elle doit arriver, au coeur de ses suiveurs éplorés sur le monde qui va si mal. De son coeur à leur coeur de femmes, c’est encore possible, l’échange se fait, mais est-il efficace? Se souviendront-elles plus tard, lorsque elles se remettront de cette émotion plongées de nouveau dans une vie ordinaire? Vie, si pleine de vacarme, qui de toute velléité à être de nouveau dans une telle écoute (si toutefois!), vacarme qui si facilement désarme.

Neuvième station: Jésus tombe pour la troisième fois.

Encore une, ouf! c'est la dernière. Stop! ça c’est pour le film, devant les caméra, pour faire joli, un, deux, trois, et c’est fait,  comme avec  les trois cochons nouf nouf, nif nif et naf naf ou trois ours bruns, mais pas comme Jésus, ni comme vous et moi. Cela ne nous ressemble pas. Troisième fois c’est comme le début d’une série qui peut être ne s’arrêterait jamais. C’est comme le serpent de mer qui ondule et on ne voit pas la fin. C’est comme le dragon chinois qui fait pareil, comme s’il voulait créer une impression que l’on est dans la mer sous l’eau. Les illusionnistes de tout poil ont cette faculté de nous faire croire à ce que nous voyons, tout au moins de nous  émerveiller devant leur art et les admirer pour leur savoir faire. Pas de mal en soi.

Rien de tel dans la vraie vie, les chutes à répétition  sans filet de protection, elles n’ont que pour protection la confiance que l’on pourra se relever, jusqu’à la prochaine fois. Toutes les addictions obéissent à la même loi, celle de la répétition de la chute.  Les plus dangereuses sont celles qui se faufilent entre les récepteurs de la conscience pour échapper au contrôle de qualité. Sont alors bonnes toutes les stratégies de contournement et autres stratagèmes semblables que l’intelligence humaine ainsi mobilisée peut produire et mettre en place, d’une efficacité qui  endort l’entourage et permet à soi-même de dormir sur ses deux oreilles.

Quand on n’a pas envie de se faire attraper, on fait tout pour échapper au cordon sanitaire. Il y en a qui réussissent et cela fait des dégâts pas seulement en eux, mais également autour d’eux. En résultent des gueules cassées par toutes sortes de guerres qui font mal, car elles défigurent le beau visage, le délit de faciès est un sport favori des escadrons de la mort. Combien de morts aujourd’hui? Les a-t-on tous ramassés? Non! Au moins répertoriés? Non plus! Manque de crayons et le papier est déjà tout froissé pour écrire lisiblement. Des rapports faussés, forcément ou pas,  mais la fosse commune recouvre tout, y compris les rapports. La seule chose qui soit commune à toutes les chutes, c’est le spectre de la fosse commune. Du fond de l’enfer, il y en a qui ricanent dans une solidarité faussement commune en se croyant être des détenteurs d’un, si faussement, bien commun. Le mal isole, le malin est là.

Quand on tombe à répétitions, comme d’autres vont au puits plusieurs fois par jour, ou d’autres encore serrent les boulons d’une société nouvelle faite de lingots d'or et d’acier, de quoi est-on alors dépouillé? De ce qui n’est pas nécessaire dans une fosse commune où on est accueilli par le ricanement en guise de welcome, qui aurait dû s’appeler ‘badcome’. Le spécialiste du fake, le falsificateur à l’échelle universelle devant l'Eternel n’est pas loin, il est aux aguets, il n'oublie pas, il veille. Ce n’est pas encore son heure, mais elle n’est pas loin, à quelques pas, l’affaire est pratiquement pliée, mais on ne sait jamais, la vigilance est toujours de mise; c’est qu'il a appris depuis si longue, car si douloureuse éternité. 

Dixième station: Jésus est dépouillé de ses vêtements. 

De quoi peut-on encore dépouiller quelqu’un qui a déjà tout perdu? Le dépouiller pour abréger les souffrances. Que l’on abrège ses souffrances! Stop!, laissez le mourir vite, aider-le à achever la course de sa vie c’est de la vraie humanité, vous voyez bien qu’il n’a plus en lui aucune ressource. A la guerre comme à la guerre, le butin est toujours bon à prendre, dépouiller quelqu’un c’est de le rembourrer de sa propre existence  d’une aussi piètre revanche sur la vie. Mais qu’est-ce qu’on en a   à faire, d’une échelle de vie digne, l’échelle qui permet d’atteindre la potence suffit, car tout se mesure à une telle échelle, celle de l'efficacité en toute chose.   

Ce n’est pas la peine de rêver comme Scorses et tant d’autres avant lui et tant d’autres après, en s’imaginant, en lui souhaitant qu’il descende de la croix. Ce n'est pas la peine qu’il y monte même, car actuellement nous disposons de moyens biens plus humains pour remplir le contrat. L'humanisation par la guillotine était un progrès toutes proportions gardées, mais le côté barbare restait insoutenable pour des coeurs sensibles à qui on demandait de s’abstenir. 

Il y a mieux, restons zen, tout en gardant le coeur sensible pour faire appel à votre générosité quand on vous le demandera.  Et le comble de la réussite, c’est de se servir de cette sensibilité pour abréger les souffrances. Qui n’est pas sensible à la douleur, et qui ne la cherche? Des palliatifs sont-ils suffisants pour la faire taire, non, tel n’est pas leurs objectifs, ni celui de la vie digne. Nécessaire mais pas suffisant, car si la souffrance éloigne, elle est un cri à soulager dans une relation qui ainsi se noue encore et encore. 

C’est comme avec les trains, la souffrance peut en cacher une autre, encore plus profonde, totalement solidaire avec celle-ci qui elle est bien physique et doit être soulagée autant que cela se peut. Mais une souffrance ne peut pas cacher l’autre, elle la porte dans un écrin qui contient un trésor encore plus précieux ce qu’elle dit de la vie digne. Elle le montre en criant, qui entendra sa plainte?

Voici l’homme dépouillé de sa dignité, dignité qui lui collait tant à la peau et malgré tout le protégeait comme sa couronne des coups tout en faisant mal, de plus en plus mal au point que la sensibilité n’est plus au rendez vous. Fatalement, nous  essayons de nous convaincre, une sorte d'anesthésie se met en place, au moins cela comme solution pour abréger ses souffrances et porter à nu notre innocence. 

Maintenant, il est détaché de tout ce dont on a pu le spolier avec efficacité, conformément au protocole accompli avec zèle, scrupuleusement appliqué pour l'attacher au néant, d’où il est sans aucun doute venu. Vive le progrès! et qu’il soit béni celui qui le permet pour se faire le bon berger d’un nouveau troupeau à paître. 

Et pour les déguisements on a ce qu’il faut, venez fêter:  halloween! fête des morts pour se faire peur en restant persuadé que ce n’est qu’un jeu innocent, digne des enfants à qui on apprend à se familiariser avec la peur de la mort, pour l’exorciser, pour se laisser convaincre de l’innocence d’un jeu. C’est admirable comme jeu d’inconscient dans le temps d’accalmie, mais pas dans les temps de la mort, celle autour, sans parler de la nôtre.

Onzième station : Jésus est cloué à la croix. 

Ca fait mal, très mal, encore plus mal que ce qu’il  avait enduré jusqu'à maintenant. Là, c’est  le compostage de billet  one way qui  est en train d’être effectué avec la même technicité, celle de la performance qui perfore des trous dans sa chair, comme par le poinçonneur des Lilas, pour le bien attacher à la croix qui l’expédiera à la mort. 

Désarticulés l’un par rapport à l'autre, dès à présent ils vont être bien articulés l’un à l’autre; mieux, ils vont être configurés, telles deux figures de la mort.  La sienne dans un corps défiguré pour se rapprocher de ce bout de bois mort. Lui, le moribond accueilli par la mort naturelle déjà bien présente dans son support qu’il a porté jusqu’à maintenant, désormais va se laisser porter à son tour. Même si elle ne le sait pas encore,  la mort portera la vie, ça c’est dans les rêveries chrétiennes. 

Alors que l’on sait que la mort portera, on peut se demander mais pour aller où? Bah, à plus de mort, c’est l’évidence même. Plus de mort c’est quoi? C’est l’oubli, même du néant qui l’a accueillie, car même cela c’est trop.  Rien c’est rien, et c’est tout. Tout de rien,  c’est rien du tout. Pourquoi seulement après, mais peut-être aussi avant, après tout, de notre vivant tout n’est-il que la grande farce des illusionnistes qui manient les machines à produire du fake. Mais si il y a du fake, il doit y avoir aussi du contraire. Tout est décevant. Il vaut mieux ne pas être qu’être. A chacun son chemin de croix et à chacun son dépouillement de la dignité, et à chacun  son droit à une onction de vérité. 

Enfin, revenons à lui qui est toujours là. Lui, ce qu’il désirait tant se réalise maintenant, il voulait voyager retourner vers le Père, qu’il  aille au diable, c‘est pareil. Ils ne sont que des exécutants de sa volonté, après tout, cette situation, il l’a bien cherchée et puisqu'il n’a rien fait pour en échapper, le voilà dans le pétrin. On fait pour lui ce qu’il n'aurait pas pu faire tout seul, puisqu’il ne voulait pas se suicider, on le fait pour lui, on le fait à petit feu. Le résultat est le même, peut-être pas, mais qu’est-ce que l’on en a affaire de tout cela, c’est son problème, nous avons les nôtres. Ils sont de bons auxiliaires de sa vie, enfin, de ce qui lui en reste. 

Pour mettre les clous, ils savent le faire, ça fait mal, évidemment, après tout il y en a d’autres qui souffrent pour des causes bien plus nobles qu’une rêverie fanatique. Mais ce n’est pas leur problème, ils sont là pour bien faire leur travail. C’est relativement facile, ce sont des experts, tant de collines du monde moderne de l’époque sont jonchées de croix. Une de plus, mais comment faire comprendre aux gens qu’il faut obéir aux ordres? Quand ils n'obéissent pas, voilà ce qui arrive. 

Tous les ordres des puissants de ce monde ne sont pas mauvais, même si l’intention qui les accompagnent n’est pas forcément ce à quoi l’on aurait pu s’attendre. Obéir aux ordres pour enrayer l’épidémie en cours, oui, pour protéger la vie, oui. Cela sera-t-il suivi par d’autres consignes claires pour savoir comment enrayer d’autres maux qui infectent et tenaillent notre monde? Toujours pour protéger la vie. Sauf que Jésus n’a pas trop réussi, dans son propre cas, cela interroge. 

Quelle étrange douceur que celle qui vient d’une telle union. Il est livré comme l’agneau à l’abatoire et les silences des agneaux ne sont pas forcément là où on le penserait. Il fait corps allongé, docile, que peut-il faire autrement, ni forces, ni conscience, juste un coeur qui bat encore et qui envoit par des ouvertures faites par les clous des filets de sang. Une fois posé à la vertical, ces filets de sang vont continuer à s’étirer en coulées doucement stagnantes dans une rencontre avec le monde extérieur qui fige. Le sang n'est pas pour être dehors ou alors comme signe de la vie, mieux pour donner la vie.

Douzième station : Jésus meurt sur la croix.

Les coulures de sang maintenant sont bien à la verticale. C’est une sorte de peinture vivante qui s’anime devant les yeux invisibles de ceux qui y cherchent encore de la vie. C’est un tableau vivant, un de plus au côté de tant d’autres, comme ceux des prostituées de Bruxelles, exposition vivante, exposition universelle. Quel succès, de la performance exhibée dans les workshops pour savoir comment vendre un savoir faire d’un art de vivre. Art de vivre qui, si souvent, s'apparente à un vaste champs de défouloir.  Quel succès dans les salles d'expositions des pavillons qui battent les records d’affluences. Et les contrats signés par la suite, champagne s'il vous plaît! 

Pardon, je me suis un peu emporté, c’est de Jésus mourant sur la croix que j'aurais dû continuer à parler. 

Bah voilà, il meurt, on attend en silence pour recueillir son dernier souffle. Mais que s’est passe-t-il? Il parle, c’est presque inaudible tellement sa voix est étranglée par tant de déconvenues qui lui sont arrivées ces derniers temps. Il force sa voix, et comme dans son dernier râle, il semble dire;  pardonne leur. On connaît la suite, car ils ne savent pas ce qu’ils font. 

Bienheureux ceux qui en effet ne savent pas ce qu’ils font. Ceux-là peuvent dormir sur leurs deux oreilles, surtout ne les réveillez pas. Par mégarde, ils feront grossir le rang de névrosés mystiques qui dorment mal, car ils savent ce qu’ils font, ce qu’ils faisaient, et probablement, d’une autre manière, mais tout de même savent ce qu’ils feront: la volonté de Dieu qui coûte cher à la volonté humaine. Et même s'ils ne savent pas vraiment, ils le pressentent au plus profond d’eux mêmes et vont, dans cette  direction.

Le blasphème suprême n’est pas tant dans les mots qui sont censés le véhiculer. Il est dans cette incapacité de l’homme à se dire pleinement ce qu’il veut être. Il est dans cette incapacité à construire ensemble. Construire aux pieds de toutes ces croix, sans bannière (sinon c’est la croix et la bannière!) de toutes les souffrances qui conduisent à la mort. Construire aux pieds des toutes les souffrances qui peuvent être entendues comme des cris de la vie. 

L’art de mourir ne  consiste pas à tout dire, qui peut le prétendre. Il consiste à dire l’essentiel, à se dire au creux de l’âme qui elle seule est capable de recueillir l’indicible, audible seulement par les oreilles avisées d’une sublime force divine, force capable d’en faire l’art de vivre. Et ceci est  recueilli dans les alvéoles de la mémoire des héritiers qui ne peuvent pas s'en passer dans leur vie. Vie qui désormais n’est plus comme avant, mais comment concrètement? Dans la mort consommée, y compris.

Treizième station: Jésus est enlevé de la croix. 

Voilà un enlèvement réussi, il est pris en charge désormais par ceux qui, eux encore vivants, le portent et déposent sur les genoux de sa mère. Pietà que l’on  embrasse, et que l’on polisse, pietà que l’on ne piétine pas, trop grande est la marche pour se mettre au-dessus. Ces deux là, on n’a pas fini de découvrir ce qui les unissait, ni comment, dans la vie, dans la mort, dans la mort, dans vie, tout s’y tricote en lien toujours, pour le meilleur, en passant par le pire, pour demain en passant par hier, et surtout toujours au présent. 

La vie et la mort sont bien là liguées  dans une  même étreinte que rien ne pourra  séparer, car c’est pour la vie et non pas pour la mort qu’ils sont un. Elle le sait, elle le comprend, elle le signe par toute sa souffrance depuis  tant, depuis toujours, qui maintenant devient si unique, si singulière que rien ne pourra contredire d’aucune manière. Lui ne souffre plus, c'est un soulagement pour elle, sans doute c’est comme dans le cœur de toute mère, même si le chagrin est immense, mais qu’est-ce devant l’immensité de la vie que cela ramène, ce chagrin est sans importance. 

Il y en a d’autres qui vont la chagriner bien plus que ce qui est arrivé là.  Elle le dira à qui voudra l’entendre, que pour être sauvé, ce qui veut dire être en vie, c’est accueillir la vie sans attendre. Et elle en sait quelque chose par où parfois, souvent toujours ne faut-il pas passer pour y être vraiment, jusqu’au bout de l’amour qui ne semble pas avoir de bout. 

Mais ces messages délivrés dans tant d’apparitions sont recensés dans les registres d’interventions surnaturelles. Les institutions chargées d’en capter le contenu participent de cette activité scientifique qui depuis des temps immémoriaux se charge de la météo humaine. On y vérifie les humeurs des dieux et les nôtres pour savoir s'ils peuvent correspondre, pour le meilleur, évidemment le nôtre. 

Ces institutions sont toujours là pour mesurer l'impact des météorites (crashes financiers dans les dernières formes qui nous sont connues) qui nous tombent sur nos têtes. Elles sont là sous formes des instituts de sondages divers pour savoir si  par malheur, oui ou non, elles finiront par nous écraser totalement. Ou tout au moins nous anéantir partiellement (ouf c’est encore pas moi, car j’ai espoir de pouvoir y échapper). Comme cette épidémie qui sévit et dont on ne voit pas encore bien ni fin ni leçons à en tirer. 

La météorologie mariale semble variable suivant les époques et les endroits et les messages, à ce qui paraît, ne semblent pas toujours concorder entre eux, où plutôt la monotonie de leur répétition des appels à la conversion assaisonné des variantes locales dont la valeur théologique peut échapper et la concordance avec. Les prétentions universalisantes de leurs contenus se font nécessairement concurrence, comme si Marie voulait échapper à la simplification de sa place universelle tout autant qu’à l’identification trop facile dans un seul lieu. 

Au lieu et place de ce qui agitent les esprits des canonistes, censeurs de la vérité, la Vierge déverse sur ceux qui veulent l’entendre des paroles qui attirent l’attention, interroge et conduisent  par elle à lui, son Fils, dont les paroles “ils ne savent pas ce qu’ils font”, retentissent comme un appel à la conversion, la vraie, celle qui conduit à devenir frères car fils. Mes ces paroles furent en fait suivies par d’autres prononcées de façon déchirant le ciel au-dessus de la terre, car il s’écria d’une voix forte : entre tes mains je remets mon esprit. 

C’est la signature divine d’une origine d’outre tombe, d’outre mer, d’outre ciel. Le bleu de ce deux derniers est là et il absorbe tous les bleus de nos batailles qui ecchimosent notre peau, peau que nous ne voulons pas vendre à bas prix. Comme lui ne voulait pas non plus, lui condamné à mort, pour mourir d’amour  dont Marie sa mère recueille son corps et ses dernières paroles.

Quatorzième station: Jésus est déposé dans le tombeau. 

Qu’est-ce? Un corps mort. Celui de qui? De Jésus de Nazareth, roi des juifs. Où est Jésus, ce roi? il est mort! Où alors est-il? Il est mort là-bas, voici son corps. Voici l’homme qui fut, et qui n’est plus. Il est disparu, il s’est évadé de lui même, évaporé. Voici sa dépouille mortelle, car lui, il est dépouillé de sa vie, c’est plus facile pour une toilette mortuaire. Si toutefois quelqu’un en aurait l'idée, mais est-ce nécessaire? Ah, vous voulez prendre ça? Oui, prenez et qu’on n’en parle plus, on n’a pas que ça à faire. 

Le corps, son dernier avatar de sa trace sur la terre, n’aurait-il pas mieux fallu le faire brûler, et répandre les cendres, que l’on aurait pieusement déposées sur la tête des pénitents d’un Mercredi d’un même nom sur les têtes de tous ceux qui sont en mal de gestes forts qui leur parlent enfin. Ou, mieux encore, les disperser au dessus du Golgotha à partir d’un zeppelin new style, chauffé à blanc prêt au décollage. Ou alors dans la mer morte dans laquelle la vie flotte, mais la mort règne.... Non, en fait, dans les deux, sans doute  ce serait le mieux, car un peu à la terre et un peu à la mer, un peu à Uranus et un peu à Gaia, qu’elle belle distribution des rôles comme dans un casting bien réussi. 

On procédant ainsi, on aurait mieux réussi la fin, avec le corps qui  n’aurait pas été volé, car ce corps qui ne serait plus un corps. Mais l’histoire humaine ne s'écrit pas avec les si, même si messie est hypothétique, peut-on hypothéquer notre vie sur un désastre pareil. Car s’il y a une chose qui est sûre, c’est que son échec était total.  Y compris dans le fait que son message s'écoulait de ses plaies comme une consolation pour mieux vivre entre frères? Qui se souvient alors de sa verve messianique qui n’avait rien d'hypothétique?

Dieu écrit droit sur les lignes courbes de nos vies, les accompagne ainsi, mais sait-on le reconnaître dans ceci? Quand le fils de l’homme reviendra sur terre, trouvera-t-il la foi? C’est pour un autre jour, c’est une autre affaire. Pas si sûr, mais nous sommes si limités et puis là, nous sommes face à un corps que l’on met en terre. L'affaire déjà est close avec les coups de tonnerre qui du respect devant la nature de choses impose. 

Mais en fait, circulez, il n’y a rien à voir! Que tout redevienne normal, comme avant cet incident si mineur, si banal. Demain, pour ceux qui ont dû s’en occuper, on va se reposer. On va se reposer pour reprendre les forces nécessaires afin de continuer notre vie. Avec la vraie prière qui reste collée aux lèvres qui donnent des baisers sur la peau de nos vies: que ma volonté soit faite, en fin ce qui en reste. Comme tu le veux! du jardin des oliviers j’entends la voix. 

Avant que l’on  ne tombe tous en hypothermie, pour moi c’est fini! Merci pour votre patience! Ainsi s’achève le chemin de croix sur la colline de Golgotha.