2009/04/11, Pâques - Concert-méditation du lundi pascal

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INTRO

Ces jours derniers ont été marqués par les célébrations qui font coeur de la foi chrétienne.
Tout en faisant coeur de la foi chrétienne, ces jours derniers font corps avec nos vies.
D’abord il y a eu trois jours pour plonger tout au fond de l’être chrétien.
Dans la vie puis dans la mort, le corps humain accueille ce qui fait le coeur de sa foi.
Origine et fin s’y confondent au point de ne plus savoir qui alimente qui.

 

Jeudi Saint !

« Ceci est mon corps » mémorial d’un peuple né de sa libération de l’esclavage.
De quel esclavage ce mémorial pourrait-il bien me libérer ? Le voyage au fond de la libération est long, coûteux et périlleux. A force de vouloir faire, ne risque- t-on pas d’aggraver la situation en creusant des galléries des esclavages nouveaux  qui comme des labyrinthes vont être des impasses encore plus  graves que celui que l’on voudrait dépasser ? Là aussi, dans la vie pour le désir de la libération et dans la mort pour le constat d’esclavage, que le corps humain accueille ce qui fait le coeur de sa foi.     

« Ceci est mon corps » le sien, au Christ, pas le mien plein du vide des galléries souterraines de mon être. Son corps vient colmater les galléries souterraines de mon être.  Il ne peut qu’être plein de vie et d’amour, je reçois cela comme un appel à la vie, la mienne, dans la mesure où je l’accueille dans le creux des mes vides.

« Ceci est mon corps »

et cela est le mien.

Ceci est sa vie et cela est la mienne
Ceci est la vie toute donnée et vouée au partage, aussi vouée que  les  mauvais calcules sont vouées à l’échec.

Jeudi saint ne me dit rien de ma sainteté, il dit tout de la sainteté du corps du Christ qui se donne.

Tout amour donné et partagé du Christ prend corps dans le mien.

 

Vendredi saint !

Pas seulement tout amour est donné, c’est tout corps qui est donné.
« Il s’est dépouillé lui-même jusqu’à la mort (Ph 2)
Donné et voué, voué au partage et aussi aux mauvais calcules.
En est né une dévotion morbide : faire des calcules de la somme des souffrances du corps tout donné et dépouillé.   La laideur du dépouillé se confond avec la laideur des dépouillants.

 

Samedi saint

Qu’est-ce que l’on fait d’un corps mort, on le dépose pour qu’il repose et nous laisse en paix.
Qui a peur du tombeau ? Seulement les vivants, or les tombeaux ne sont pas destinés aux vivants (normalement), mais aux morts. Pourquoi avoir peur du tombeau ? Et pourquoi pas avoir peur de l’amour mort avec le corps mort ? C’est l’amour qui est bel et bien mort, ce n’est pas le corps lui qui est voué à porter la mort de l’amour. Rien d’apaisant dans les soins cosmétiques posthumes et leur coût  ne réduit pas le dégoût pour la non-vie que l’amour mort porte dans le corps mort. 

Samedi saint, c’est le jour le plus laid de l’histoire de la semaine  qui se veut sainte. La sainte vie, oui, surtout à cause de la sainteté de Dieu, mais la sainte mort ?  Ce n’est pas dans la tempête que la laideur offre son plus beau spectacle, c’est dans le faut calme de l’après.  Sous la croûte terrestre endormie tout autant qu’endolorie se niche le corps qui accueille la mort. Il accueille la mort, car ne peut plus accueillir l’amour que l’on a enterré dans le corps et le corps dans la terre. Et la terre dans quoi est-elle enterrée ?  Si résurrection il n’y a pas, c’est sans intérêt.    

 

Trois jours sont passés,

le quatrième est aussi arrivé, personne ne l’a vu venir.
Signal trop faible pour les oreilles habituées aux déversements automatiques sur compte de l’abroutissement durable.
Signal trop faible pour les yeux qui ne voient pas ce qu’ils ont l’habitude de voir : du gris et du noir sous le fond des couleurs de l’arc-en-ciel que plus personne ne décode comme bonne nouvelle.
Signal trop faible pour  les coeurs qui battent et se débattent avec  le doute sur la qualité de la voûte céleste qui n’est plus au dessus de nos têtes mais sous nos pieds et se dérobe comme un opprobre jeté sur l’humanité.

Signal trop fort  pour les âmes trop sensibles pour qui  tout et rien est nuisible. C’est par amour qu’ils sont déjà morts.


Trop faible ou trop fort, aujourd’hui le cinquième jour, nous sommes sous un sémaphore.