2008, Carême - Méditation collective - Les sept paroles du Christ en Croix : « De l’amour crucifié »

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Méditations pour le Carême 2008.
Quatre mercredis de 19h à 20h à l'église de la Collégiale Saint-Martin (Montmorency).

 

1° « Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. » Lc 23,33



Un cri de cœur,  un cri de Fils qui n’a que son Père pour lui confier son ultime message.

 Un aveu d’impuissance, un aveu de confiance. Confiance, comme une confidence faite à ce  Père si précieux, si lointain et si proche à la fois. Pardonner pour partir le cœur léger ? Partir parce qu’impossible de rester. Lâcher un aveu, puisque que tout lâche ? 

Pardonner pour alléger les cœurs. Les cœurs alourdis par la vie sur terre. Ces cœurs  sont maintenant allégés par la vie sur croix. La croix comme lieu de vie.

 


Père pardonne-leur !

Une demande, un impératif, une supplication, un gémissement ? Oui, un gémissement    inaudible  pour un cœur humain, bien humain, trop humain.  Inaudible pour le cœur humain, car déjà inaudible pour l’oreille,  une oreille bien humaine.

Espère-t-il être entendu pas son père qui est. Où qu’il soit, il EST. Et par la voix du fils qui demande, qui gémit, le Père est et la demande est et tout ceci dans le gémissement.

Il l’a dit à voix haute, la voix que les témoins ont entendu. Qu’est-ce qu’ils ont entendu ?


Un gémissement, une supplique, ils l’ont entendu, clairement, distinctement, comme une demande de pardon.        

 


***

Pour partir ailleurs, il nous faut laisser quelque chose. Qu’est-ce que nous laissons. Les choses inutiles, futiles pour le voyage. Comme on laisse sur le trottoir des objets  qui encombrait les caves obscures et les greniers poussiéreux. Laisser ce qui ne sert à rien. Mais qu’est-ce qui ne sert à rien ? Ce qui encombre le cœur. Laisser pour délester. C’est déjà louable, mais lui Jésus a laissé pour délester les cœurs des autres, et pourtant c’est le sien qui était encombré, affligé.

 


C’est dans la parole « pardonne-leur » que Jésus sauve, car désencombre.
Il sauve tous les encombrés, tous les alourdis, tous les mal-foutus. Il les sauve par la parole. Mais alors, pourquoi avoir attendu ce moment-là pour le dire ? Pour lâcher une chose pareille !?  Il aurait pu le dire bien avant, dès le début, dès qu’il s’était présenté.

Il l’a dit, et de quelle manière, dans son sourire à la vie et à sa mère et son Père. Dans l’accueil des mages dans les noces de Cana, là, il a tout dit. Et combien de fois il l’a dit, par trois fois, qu’il fallait qu’il souffre beaucoup, qu’il soit mis à mort et ainsi de suite…

Plus il avançait dans la vie, dans la vie publique, dans la mission, dans les dires, plus il allait tout droit au but.  Jusqu’à ce moment sur la croix où il a dit

« Père, pardonne-leur, ils ne savent pas ce qu’ils font. »

Il ne manquerait que cela, qu’ils le fassent en le sachant. Sachant quoi ? Qu’ils tuaient un homme, où qu’ils allaient être sauvés ? Certainement, ils pouvaient s’attendre à tout, mais pas à cela. Le salut vient par la foi. Et le pardon accueilli et   donné, les pardons échangés captent et le salut et la foi.


 

2° « En vérité je te le dis, dès aujourd’hui tu seras avec moi dans le paradis. »


 

Pardonner c’est bien beau, mais après tout, cela ne sert qu’à celui qui l’a fait. Mais aux autres, à quoi cela les sert-ils ? D’ailleurs, à quoi bon de le savoir, si l’on peut vivre sans et même tellement mieux, car dans une innocence bien-heureuse du non pardon. Il m’a fait du mal, je lui ai rendu la pareille. Tout va bien, la réparation d’un ressort relationnel, le tort  fut réparé. Quoi de plus humain que de nous occuper des réparations. I y a tellement à réparer, car tellement de choses cassées.     

Pourquoi entendre ce gémissement du haut de la croix : frère, ta foi t’a sauvé, va dans la paix. Le bon larron, ne pouvait qu’aller au paradis, car il n’y avait plus de place pour lui sur terre, pour lui non plus, tout comme pour Jésus et l’autre  pendu de  l’autre côté. 


Quelle espérance, puisque à l’évidence, il n’y avait plus rien à chercher ici sur terre. Ces sont les autres qui sont venus les chercher pour les expulser de la planète terre, en les mettant au dessus des autres, au dessus de la terre, juste avant de les mettre en terre.

Quelle folle idée de vouloir attendre encore quelque chose que mort lente qui lâche ses fauves mordant sans pitié.

Libération, rémission, remise, pardon : tout cela pour signifier gémissement « pardonne »  « dimitte » et « afesis »,
Comme dans  Is 53, 12 :

 « C’est pourquoi il aura sa part parmi les multitudes, et avec les puissants il partagera le butin, parce qu’il s’est livré lui-même à la mort et qu’il a été compté parmi les criminels, alors qu’il portait les péchés des multitudes et qu’il intercédait pour les criminels. »

Il ne pouvait pas remettre à plus tard, ce qui était à vivre pour vivre sa vie et celles de deux larrons crucifiées et en train d’être  déliées.


 

3° Il dit à la mère : femme voici ton fils, ensuite il dit à l’adepte : voici ta mère 19, 26/7

Traduction de Chouraqui.

 

Double foyer : comme dans une ellipse, un pour la mère un pour le Fils et à l’intérieur de chacun une dimension spirituelle et une charnelle.

  Quand le regard est posé d’un peu plus loin, la profondeur du regard fait que les deux foyers se superposent et donnent  une image unifiée.  D’abord voyons ce qui les distinguent, car en effet dire femme voici ton fils n’est pas symétrique avec voici ta mère.  L’un conduit à l’autre, mais l’un n’est pas réduit par l’autre. 

 D’abord,  dans cette priorité donnée à la mère, il y a de l’héritage humain très humain, l’on ne laisse pas la mère seule sans ressource ni protection. Cet héritage tout humain conduit à l’autre spirituel. La mère continuera à exercer sa fonction  maternelle auprès des fils que sont et seront les disciples, les adeptes du Crucifié.

 Puis les choses deviennent logiques. Si la mère a des fils, alors les fils doivent aussi avoir une mère.   C’est dans l’accueil de la mère par le fils, par tout fils, par les fils que naît Eglise.   

 Regardons  quelques  détails :

Il dit à la mère : « Femme voici ton fils ».

Il dit cela à la mère. Dans le texte, en grec, il n’y a pas de pronom personnel possessif, alors que habituellement cette langue  en use abondamment. Il dit à la mère, pas à sa  mère. Puis il dit « femme ». Femme des noces de Cana, une très respectueuse adresse, pleine de reconnaissance de  dignité, pleine d’identité de femme et donc de mère, de mère parce que femme. Tout s’inscrit dans la longue durée de l’annonce de la seconde Eve, celle qui allait  terrasser la tête du dragon (Gn 3,20 et    ). Ce qui est arrivé par une Eve est dépassé par une autre. La création se plie heureusement sous le poids  de la gloire de Dieu manifestée dans le salut offert à tous.    

« Qui est ma mère et qui sont mes frères ?» «  et il tend sa main vers ses adeptes et dit « Voici ma mère  et mes frères. Oui, quiconque fait le vouloir de mon père des ciels est pour moi frère, sœur, mère »   (Mt 12, 48-50).

A-t-il oublié, ce Jésus sur la croix, ce qu’il avait dit un jour, lorsqu’elle, sa mère, était venu le chercher pour le sauver de la dérive supposée par ses frères ? Non, certainement pas, mais dans ces paroles il a tout enfermé, tout compris, afin que tout soit accompli. Maintenant il n’a que ces deux pour le  dire d’une façon nouvelle ; nouvelle, car dans une étape ultime de sa vie.    


Il lègue un héritage, un double héritage, comme un double foyer d’une ellipse. Depuis la mère au fils et depuis le fils à la mère. Dans chacun de ces  deux cas, un héritage d’en bas et un autre d’en haut. Ne pouvant, d’aucune manière d’ailleurs, donner primauté à l’un plutôt qu’à l’autre,  il s’adresse à ceux qui sont au pied de la croix, sur terre, alors que lui est dressé sur la croix élevée au dessus de la  terre.

Un double héritage mais pas forcement là où on l’attendrait.
Ce n’est pas seulement sa mère biologique qu’il confie à son fils spirituel.
C’est plutôt, ce qu’il y a de charnel est confié à ce qui est spirituel et ce qui est spirituel est configuré dans la vie charnelle. 

La structure sociale et familiale n’est pas abolie, elle est transcendée. La mère  a maintenant un autre fils et le fils a désormais une autre mère. Les dimensions charnelles et spirituelles s’entrecroisent sans pour autant s’entrechoquer. La mère reste protégée par un fils d’adoption et le fils adepte, s’occupera de la mère.

La mère perd un fils et le fils adepte perd une mère (peut-on avoir deux mères à la fois?). Mais chacun d’eux perdant trouvent à la fois l’équivalant de ce qu’ils sont en train de perdre et en même temps autre chose, quelqu’un d’autre l’un dans l’autre. La mort d’un fils entraîne l’adoption de l’autre. L’adoption de celui-ci entraîne l’abandon de sa propre mère.


***

Au contact avec le Christ il y a toujours de la richesse nouvelle qui s’offre au prix d’un abandon. Un trésor  nouveau plus important que tous les autres fait bousculer les petits trésors acquis au prix d’efforts de constructions d’une vie sur terre. Le trésor transmis par le fils à sa mère et à son adepte, ce trésor est à vivre sur terre. Lui, le Crucifié, il la quitte, elle, cette terre, eux vont devoir y vivre sans vouloir échapper à l’emprise de cette vie terrestre tout en comptant sur la parole dite du haut de la croix : « Femme voici ton fils,… voici ta mère ».

Et depuis Marie est l’icône de l’Eglise, l’héritage bienheureux du Fils. « Et depuis lors, l’adepte la prit chez lui »


 

4° « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonné ? »

par François Marq


Il faut bien réaliser que les dernières paroles de Dieu sur la croix restent dans le droit fil de toute son existence terrestre. C’est le même esprit qui les anime, c’est le même verbe qui s’exprime et toutes les paroles de Dieu sont prophétiques, toujours tournées vers l’avenir en particulier les quatre dernières.
Ces paroles s’inscrivent dans une perspective eschatologique, c’est à dire qu’il s’agit de l’histoire du salut pour l’humanité de tous les temps. Elle s’adresse non seulement aux quelques personnes qui vont les entendre au pied de la croix mais prioritairement aux hommes de tous les temps donc à nous aujourd’hui pour leur annoncer le salut du monde et demander aux hommes de bonne volonté de poursuivre l’œuvre de l’esprit malgré les difficultés, les angoisses, les doutes sachant que Jésus est là à nos côtés pour qu’à sa suite désormais, nous en témoignons à nos frères désemparés. Ecoutons donc le Christ sur la croix dans des paroles, on devrait dire dans des cris qui embrassent la totalité de l’histoire du monde valable pour toutes les générations jusqu’à la fin de temps. Quand nous disons à la fin des oraisons, « pour les siècles des siècles », il ne s’agit pas là d’une parole en l’air à dire distraitement, mais à chaque fois de l’histoire du salut. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as tu abandonné » c’est bien sûr le cri de la souffrance de Dieu tel qu’exprimé dans le psaume 21. Ce cri est suivi v 2 et 3  « J’ai beau rugir, mon salut reste loin. Le jour,  j’appelle, et tu ne réponds pas, mon Dieu ; La nuit, et je ne trouve pas de repos. » . v 8 et 9 « tous ceux qui me voient, me raillent ; il ricanent et hochent la tête : « Tourne toi vers le Seigneur ! Qu’il le libère, qu’il le délivre, puisqu’il l’aime ! » ». v 15 « comme l’eau je m’écoule ; tous mes membres se disloquent. Mon cœur est pareil à la cire, il fond dans mes entrailles ». Le v18 « je peux compter tous mes os » sera suivi d’une prière dans une confiance totale, nous le verrons plus loin. C’est aussi et d’abord dans la bouche de Dieu, le cri de la souffrance du monde, c’est le cri de tous les torturés, de tous les innocents massacrés, de tous les enfants exploités et martyrisés. C’est le cri d’un Dieu impuissant devant le déchaînement de la violence et du mal, un Dieu qui n’est qu’amour absolu, qui meurt d’amour en étant totalement du côté des victimes. N’oublions pas Jethsémani où Dieu lui-même va jusqu’à l’extrême limite de l’acceptation et du don de soi. « Père si c’est possible, éloigne de moi ce calice, mais non pas ce que je veux, mais ce que tu veux ». Sur la croix, par dessus tout nous dit Benoit XVI, Dieu se révèle tel qu’il est, cloué sur la croix, il n’est pas du côté des puissants et des faiseurs de prodiges comme le lui demandent ceux qui se moquent de lui « si tu es le fils de Dieu, descends de la croix et nous croirons en toi ». Que serait-il arrivé s’il les avait écouté ?
Cloué sur la croix par la haine des hommes et donc aussi par la haine des hommes d’aujourd’hui, par notre propre haine à nous, hélas quand elle est présente dans notre cœur. Dieu ne peut que répondre en s’associant aux victimes de tous les temps, en s’unissant cœur et âme à la solitude de leur souffrance et à l’abandon apparent de Dieu. Je cite Benoit XVI dans la dernière encyclique sur l’espérance : « maintenant Dieu révèle son propre visage dans la figure du souffrant qui partage la condition de l’homme abandonné de Dieu, la prenant sur lui. » Spe salvi n° 42. Le cri d’un Dieu qui affirme que l’amour est plus fort que la mort, qui affirme sa confiance absolue dans le Dieu de la miséricorde. Je reviens au Psaume 21 qui se termine par une prière « tu m’as répondu, je vais redire ton nom à mes frères et te louer en pleine assemblée » et v 25 « Il n’a pas rejeté ni réprouvé un malheureux dans la misère ; il ne lui a pas caché sa face ; il a écouté quand il criait vers lui ».

Nous le disions au début, c’est le cri d’un avenir et en terminant, je m’inspire de Benoit XVI « ce qui caractérise les croyants, c’est qu’ils ont un avenir et pas seulement un avenir pour l’au-delà mais un avenir à vivre maintenant chaque jour parce que le Christ mort sur la croix est venu apporter la rencontre avec un Dieu vivant et une espérance plus forte que toutes les souffrances. Le ciel n’est pas vide, la volonté de l’esprit créateur se révèle comme amour, alors par-delà les souffrances, les échecs, les guerres, les tortures physiques et morales. Il y a l’espérance, en Jésus Christ, l’amour s’est montré le plus fort « courage, je suis vainqueur du monde ». Il y a la joie de la certitude du salut. « la joie que je vous donne, personne ne pourra vous la ravir ».


 

5° « J’ai soif »

par François Marq


Jn 19, 29 : « Il y avait là une cruche remplie de vinaigre. On fixa une éponge imbibée de vinaigre au bout d’une branche d’hysope et on l’approcha de sa bouche ». Auquel fait écho le Psaume 68, « A mon pain, ils ont mêlé du poison, quand j’avais soif, ils m’ont donné du vinaigre ».
Oui Seigneur, tu avais une soif ardente après tous les sévices que tu as subis. La soif physique d’un corps meurtri et complètement déshydraté. Mais je crois qu’il y a aussi, qu’il y a surtout tout autre chose dans ce cri « j’ai soif ». Ecoutons Luc au chapitre 12 : «  je suis venu apporter le feu sur la terre et comme je voudrais que déjà il fut allumé, je dois recevoir un baptême et quel n’est pas mon angoisse jusqu’à ce qu’il soit consommé. » Ce cri est le cri d’un homme et c’est le cri d’un Dieu et c’est parce qu’il est pleinement Dieu qu’il est lui seul pleinement homme. Ayant créé l’homme à son image et ressemblance, il n’y a que le Christ en tant que Dieu qui  peut être l’homme parfait. Dans l’amour absolu, c’est impossible de tricher. Dieu ne triche jamais. Il ira donc jusqu’au bout de son amour, c’est à dire jusqu’au don plénier qu’il fait de lui-même.
On va partir du dialogue avec la samaritaine au ch 4 de saint Jean « J’ai soif, donne moi à boire », et v 14 « celui qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif, au contraire, l’eau que je lui donnerai deviendra en lui une source jaillissante en vie éternelle. »
C’est la première fois que Jésus dit « j’ai soif » dans l’évangile et c’est normal puisque le texte précise que c’est à l’heure chaude du jour. L’ensemble de ce passage montre que c’est Jésus qui désire ardemment donner à boire sa parole et l’amour du père à tous. Et c’est ce qui se passe sur la croix. Dans ce cri « j’ai soif » où Jésus endure la méchanceté des hommes qui le font taire. Alors il crie : « mais vous n’avez donc pas compris, vous êtes en train de tuer la source, j’ai soif moi même de la source vive que je vous ai donnée durant toute mon existence, hommes insensés, vous tarissez la source en tuant votre Dieu. J’ai tout donné et au seuil de ma mort, il faut que ma soif devienne votre soif. Il faut que maintenant, sans attendre, mes apôtres et hommes de bonne volonté, vous deveniez source à ma place pour que le flot de mon amour ne se tarisse pas. Rends nous Seigneur, assoiffés de ta parole, donne nous ta soif de révéler l’amour de Dieu et d’apporter ta parole autour de nous.
Psaume 41 : « comme une biche se tourne vers les cours d’eau, ainsi mon âme se tourne vers toi mon Dieu, j’ai soif de Dieu, du Dieu vivant ».
Psaume 62 : « Dieu, c’est toi mon Dieu, dès l’aube je te désire, mon âme a soif de toi, ma chair languit après toi dans une terre desséchée, épuisée sans eau ».
Seigneur, tu as soif de ton Amour, donne nous d’avoir soif de toi.


 

6° « Tout est consommé. »

par François Marq


Plus que jamais encore, plus que les autres, ce cri du « Tout est accompli »  est à entendre dans une perspective eschatologique, c’est à dire qui embrasse toute l’histoire de l’humanité jusqu’à la fin des temps. Nous ne pouvons pas voir dans cela notre temporalité d’aujourd’hui pas plus que celle d’il y a 2000 ans, c’est toute l’histoire du monde qui reçoit cette « parole » et à qui elle s’adresse pour les siècles des siècles.
 Jésus va librement vers sa mort, sachant qu’elle apporte le salut définitif à l’humanité de tous les temps. Ce cri veut dire « Tout est parfaitement accompli ». Désormais à ma suite, la vie de ceux qui croient et qui croiront en Moi révèle l’amour infini de Dieu pour sa créature. Ainsi prend naissance, ce que nous appelons la communion des saints, cette foule immense de tous les hommes de  bonne volonté et de tous les témoins qui vont annoncer le mystère de la Croix et de la Résurrection. Depuis Adam et Eve jusqu’aux enfants qui, en ce moment reçoivent le baptême, se réalise continuellement la communion des saints, dans une perspective qui embrasse toute l’histoire de l’humanité.
 « Tout est accompli » nous renvoie au silence du samedi saint entre la mort de Jésus et le matin de sa résurrection. C’est ce que nous appelons dans le symbole des apôtres, la descente aux enfers. C’est le moment où le Christ vient donner la main à Adam pour le faire remonter avec toute la création dans la lumière définitive du salut.
Je cite la 1er épître de St Pierre : « C’est ainsi que le Christ est allé proclamer son message à ceux qui étaient prisonniers de la mort, car si la Bonne Nouvelle a été portée aussi aux morts, c’est afin qu’ils aient eux aussi par Dieu, la vie selon l’Esprit. » Le Christ fait descendre le ciel aux profondeurs des enfers et vient soulever, vaincre définitivement l’univers du péché et de la mort et le faire comme « exploser » pour lui rendre la joie première en l’offrant à Dieu son Père. Ainsi se réalise en Jésus Christ la parfaite unité entre le ciel et la terre dans la communion des saints.
Dans l’épître aux Ephésiens : « En lui, par son sang, nous avons le rachat, le pardon de nos péchés ; Il nous dévoile ainsi le mystère de sa volonté, selon que sa bonté l’avait prévu dans le Christ pour mener les temps à leur plénitude : récapituler toutes choses dans le Christ, celles du ciel et celles de la terre ».
Alors oui, toute la création totalement réconciliée retrouve son unité première et le matin de Pâques peut laisser éclater la résurrection du Dieu vivant.  Tout est remis d’aplomb, toute la création est remise dans son essence primitive, « tout est accompli ». Il ne s’agit pas de quelque chose qui se termine, au contraire, il s’agit de l’histoire du salut qui commence confiée aux hommes de bonne volonté qui vont prendre le relais sous la conduite de l’Esprit. Je voudrais pour terminer sans vous donner deux exemples car il y a des personnes qui, comme Jésus, réalisent au moment de leur mort que dans leur vie « toutes choses sont parfaitement exécutées ».
Quand un Maximilien Kolbe donne sa vie en toute liberté au camp de concentration d’Auschwitz où il est déporté, quand il va mourir dans les conditions atroces que l’on connaît, il crie aussi à la face du monde « Tout est accompli, Père entre tes mains, je remets mon esprit ». Il y a en lui une espérance totale, la réalisation plénière de la promesse divine, l’alliance portée à son aboutissement, comme dans la Croix du Christ.
Quand je pense à cette femme morte l’année dernière, terriblement marquée dans son corps par une longue maladie, et qui déclare « je vis dans la misère physique permanente, mais je ne suis pas révoltée ; je n’ai pas peur de la mort. Pourquoi aurais je peur du Bon Dieu, il n’y a que Lui qui m’intéresse ! » et sa dernière parole, quelques jours avant sa mort « il ne me reste plus qu’à donner la main au Christ en croix ! ».
Tant que nous avons l’assurance qu’à la suite du Christ, les saints rejailliront toujours selon le mot de Charles Péguy que chaque génération trouve chez tous les humiliés, les martyrisés, les torturés, des hommes debout qui donnent leur vie pour leurs frères. Oui, la croix du Christ est la plus forte, oui, « Tout est accompli ». Moi, le vivant, j’ai vaincu le monde du péché et de la mort et désormais je reste avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde.


 

7° « Père entre tes mains je remets mon esprit. »

      Et Poussant de nouveau  un grand cri, Il rendit  l’esprit. 

par François Marq


Cri de victime, cri de vainqueur.

Cri de victime parce que le cri de Dieu impuissant devant le mal, devant la haine, devant son peuple assassiné durant la shoah, devant les persécutés de tous les siècles.
Ce n’est pas un cri de désespoir, c’est un cri de détresse, nous l’avons évoqué dans la Parole « j’ai soif ».
O hommes insensés, vous tarissez la source en tuant votre Dieu. Vous étouffez le message d’amour, vous asphyxiez la parole. Vous ne voulez pas vous détourner de vos idoles que sont le chacun pour soi, la consommation effrénée, le cœur rempli de vos soucis et de vos préoccupations où il n’y a pas de place pour Dieu.
Mais c’est aussi, et surtout le cri du vainqueur qui sait, nous venons de le voir que tout est parfaitement accompli, que l’amour de Dieu a été entièrement offert à l’humanité.
Le cri du condamné qui meurt en donnant sa vie en plénitude et qui sait, en dépit des apparences, que l’Amour est le plus fort, comme le dit Jeanne d’Arc de Paul Claudel, que l’espérance est la plus forte, que la joie est la plus forte.
Quand les asphyxiés dans les chambres à gaz du nazisme meurent en priant le Shema Israël, leur vie donnée, en fin de compte sera victorieuse de tous les crimes du monde.
Jésus sur la croix ne nous révèle pas autre chose que d’être associé jusqu’à la fin des temps à tous les torturés de la terre. C’est cela l’amour infini de Dieu pour sa créature. Chaque homme a à conquérir sa liberté, à faire son chemin personnel vers Dieu dans une entière liberté.
C’est la gloire de Dieu vue par Saint Jean sur la croix elle-même.

En conclusion, j’ajoute que les cris du Christ sur la croix, dans les sept paroles, sont dénuées d’aigreur. Même s’il y a de la détresse, il n’y a que des cris d’amour.
Saint Jean (Jn 5, 4) nous dit « Tout ce qui est né de Dieu est vainqueur du monde et la victoire qui a vaincu le monde c’est notre foi ».