2009/10/21 - Comment la vision trinitaire a façonné l’Occident ?

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Exposé du Père Rémy à l'occasion de la soirée œcuménique du 21 octobre 2009 à Ermont.

 

 1. Introduction :

« Une des particularités du christianisme est de jouer sur les rapports complexes entre  trois personnes en une étrange relation trinitaire et entre cette Trinité mâle et un personnage féminin (la Vierge Marie) qui entretient à son tour, avec chaque personne trinitaire, une relation qui ne se laisse pas facilement décrire »,  Mircea Eliade, Dictionnaire des religions, Plon 1990 p. 125

 

Premier millénaire

 

2. Quatre défis :

Trithéisme............................unitarisme

Subordonationisme...............modalisme

 

3. Deux décisions majeures :

- Nicée (325) : Fils homoousios, d’une même substance,  contre l’arianisme  qui tend à relativiser le Fils et l’Esprit, ils semblent être en trop, donc on va les reléguer au rang de créatures. L’infiltration corrosive et généralisée en Orient et en Occident.

- Constantinople I (381) contre les pneumatomachiens qui croient que l’Esprit Saint est inférieur au Père et au Fils.   

 

4. St Augustin :

- Dieu est la charité : « tu vois la Trinité quand tu vois la charité »
- L’analogue de la Charité concerne surtout l’Esprit Saint.  

« Dieu est donc charité. Mais est-ce le Père qui est la charité, est-ce le Fils, est-ce l’Esprit Saint, est-ce la Trinité – car la Trinité, elle non plus, n’est pas trois dieux, mais un seul Dieu, voilà ce qui est en question. »

« je ne sais pas pourquoi on n’appellerait pas charité et le Père et le Fils et le Saint-Esprit, tous ensemble n’étant qu’une seule charité, comme on appelle sagesse et le Père et le Fils et le Saint-Esprit, tous n’étant ensemble qu’une seule et non pas une triple sagesse. ... Et cependant ce n’est pas sans raison que dans cette Trinité, on appelle Verbe de Dieu le Fils seul, Don de Dieu le Saint-Esprit seul, et Dieu le Père celui-là seul de qui le verbe est engendré et de qui procède, comme de son premier principe (principaliter), l’Esprit Saint. Je dis ‘comme son premier principe’, car il est prouvé que l’Esprit Saint procède aussi du Fils » De Trinitate XV, XVII,  27, 28, 29, in : Marie-Anne Vannier, St Augustin et le mystère trinitaire,  Foi Vivante no 324 Cerf 1993, p. 126-9

 

5. Trois pommes de discorde entre l’Orient et l’Occident :

- Substance,
- Filioque,
- Epiclèse
(René Laurentin, La Trinité mystère et lumière, Dieu est Amour, Relation, Societé, Fayard 1999, p. 205.

 

Deuxième millénaire   

 

6. Joachim de Flore (+1202)

L’idée du progrès de la liberté en trois temps :
- l’ère du Père,
- l’ère du Fils,
- l’ère du Saint Esprit  préludée par st Benoît, le fondateur du monachisme (cf. Benoît XVI discours aux Bernardins), st François le nouvel élu, « instauration de la liberté spirituelle » (Laurentin, p. 276)

 

7. Renaissance :

Passage progressif du réalisme philosophique de Thomas d’Aquin (accordé sur l’Incarnation, réalisme personnaliste et non pas essentialiste) au nominalisme, puis à l’idéalisme avec son essor  rationaliste. Conséquences :
- coupure du réel au profit du langage qui entraîne la séparation avec  sagesse et  objectivité
- bonjours idéologies !
(Laurentin, p. 300)

 

8. Réforme :

La Trinité économique comme conséquence de l’insistance sur le vécu.
- fonction vitale de la Trinité selon l’Ecriture, car elle n’enseigne pas  la Trinité  en soi mais en nous et pour nous
- Dieu à la mesure de l’homme,  et donc de manière anthropologique (Gn 1, 27) : Dieu a fait l’homme à son image et l’homme est appelé à connaître Dieu à partir de cette image.
(Laurentin p. 302-303)

 

9. Hegel :

Raison et salut ne font qu’un, la Trinité : facteur du dynamisme et du dépassement pour nourrir et enraciner la lumière  universelle qu’il veut apporter dans l’ordre intellectuel, social et religieux.
Dans cette perspective unitaire qui sécularise le christianisme,
- Dieu est la substance vivifiante, originelle qui se constitue elle-même
- le Fils surgit comme l’être autre de Dieu, son altérité, le Fils n’est pas distinct de la création, mais il en est un prolégomène.
Nous sommes dans le  panthéisme où  la transcendance est dépassée par l’immanence.

La circularité suivant s’en suit :
l’Absolu : le principe de tout être et de toute pensée, existe pour soi de tout temps en tant que raison infinie avant de s’aliéner dans la nature en un « autre être » pour finalement revenir à «l’être en soi », en prenant  conscience de soi dans l’Esprit :
- Dieu le Père : l’Absolu,
- Fils : l’idée du monde,
- Saint Esprit ; l’absolu se connaît à travers ses choses finies
(thèse, antithèse, synthèse : cycle de la Révélation  où tout vient du Père et lui revient accompli, par l’Esprit ;  processus logique contraire à la Révélation où Dieu est Amour, donc diffusion).
« Cette métamorphose contrastée de la communication  trinitaire était si fascinante  pour la culture  allemande que même Hans Urs von Balthazar  en subit l’influence (contrôlée) jusqu’à voir dans la génération éternelle du Père  une kénose, c’est à dire un dépouillement aux limitations de son être comme s’il le perdait  en quelque manière en le donnant au Fils » (Laurentin, p. 316-9)


 
10. Ernst Bloch (1885-1977)

Le Christ est l’homme parfait
- Le Dieu Père éternel et immuable fait place à l’homme,
- la foi au Christ fait place à la volonté de transformer l’histoire,
- le Paraclet est le processus historique.
(Laurentin p. 324)


 
11. Jacques MONOD

La dialectique du hasard et de la nécessité reflète en quelque manière les fonctions du Fils (Parole et image du Père qui structure l’ordre du monde) et de l’Esprit (donne aux êtres selon leur diversité)