2016/02/28 - Homélie - 3e dim. de Carême

Imprimer

                                              Miséricorde-conversion.


Jésus, Paul, Moïse : trois témoins de la Miséricorde de Dieu ; l’année jubilaire oblige que l’on s’y arrête. Pour savoir ce qu’est la Miséricorde, il suffit de regarder le Christ-Jésus. Il reflète la Miséricorde de Dieu, il est son visage. Il reflète  la perfection divine par son enseignement et par son engagement. Alors que  Paul et Moïse le font comme ils peuvent, poussés par la grâce divine, ils finissent par ne plus résister. C’est leur conversion à Dieu et sa Miséricorde.

Nous sommes des Paul et des Moïse qui apprennent à vivre en une telle présence de Dieu. Comme pour eux, cela ne nous a pas été donné de le faire en toute tranquillité ni facilité. Nous sommes bousculés, titillés, parfois, presque mordus. Par rapport à Moïse nous avons en plus  la connaissance du Christ-Jésus qui est le cœur de notre foi.

Jésus est le témoin de la miséricorde de Dieu par le fait qu’il reprend les vieux thèmes que les prophètes ont déjà formulés : il invite à la conversion, tout en clarifiant le rapport à la souffrance.

D’une part, Il reprend après Job : il n’y a pas de lien direct entre la souffrance et le péché (Galiléens assassinés par Hérode et la tour de Siloé tombés sur les gens).

D’autre part, Jésus rappelle que le péché est une absence de vie féconde. Le péché est comparé à un figuier qui épuise le sol, sans porter du fruit. Dieu est bien plus patient avec nous que nous entre nous, voire pour nous-mêmes. Par cette image du figuier stérile que nous sommes pour une bonne part et de la patience de Dieu à notre égard, Jésus nous fait comprendre l’infinie miséricorde de Dieu. Et la seule réponse à une telle attitude de Dieu est la confiance sans chercher à comprendre le reste.

Jésus j’ai confiance en toi !, avez-vous déjà essayé de répéter cette phrase, rien que dans votre tête, puis à voix haute, (c’est une étape), et puis en présence des autres, (c’est une autre étape). Répéter avec toute la force de conviction. Quand nous ne sommes pas convaincus à l’intérieure de nous-mêmes, nous ne le prononcerons même pas. C’est comme pour certains enfants, une purée de carotte ou d’épinard qui ne passe pas, c’est bloqué. Comme dans cet échange : ‘Vous avez dit que vous allez à la m...esse ???’. Quelle horreur ! Rien que le mot, ça ne passe pas, tellement c’est bloqué à l’intérieur. Mais pour ces horreurs-là, plus exactement pour ceux qui en parlent ainsi, il faut aussi beaucoup de patience et surtout de tendresse et de la simplicité à en témoigner.

La conversion commence là, dans la conviction profonde de pouvoir dire des mots qui font du bien, Jésus j’ai confiance en toi !, ou bien d’autres, et la conversion s’exprime déjà là. Mais alors pourquoi vivre la conversion ? Pourquoi ne pas rester comme on est, après tout nous faisons de notre mieux, c’est jamais vraiment méchant etc…

Regardons Paul qui s’adresse aux Corinthiens, noyés dans une ville cosmopolite, où s’afficher chrétien n’était pas du tout facile, pas plus qu’aujourd’hui à HK ou ailleurs. Paul leur demande de cesser de récriminer, comme le faisaient les Hébreux au désert, une fois sortie d’Egypte. Car de fait, les jeunes chrétiens de Corinthe jouent  aussi un  peu les enfants gâtés. En matière de la religion ils ne sont  jamais contents, la loi est trop dure, les obligations insupportables... Toujours une bonne excuse pour ne pas avancer dans la foi par la bonne porte, celle de la tendresse de Dieu qui les accompagne. En revanche, eux, ils sont contents de ce qu’ils ont, ils se croient même forts, parfois imbus d’eux-mêmes, comme cet homme que j’ai croisé il y a quelques jours en allant au consulat de France pour renouveler mon passeport. Quelle tristesse de voir les gens qui se croient si supérieurs aux  autres, alors qu’ils sont au service des autres. Paul les prévient, qu’ils fassent  attention, car ils pourront bel et bien un jour tomber. Prions pour que l’orgueil ne nous fasse pas trébucher sur les obstacles que nous ne voyons pas, tellement notre regard est ailleurs. Quand l’orgueil n’a que trois ans, il peut évoluer en bon rapport avec la vérité par une bonne éducation, mais quand il a 15 ans c’est un peu plus complexe, car on est livré surtout à ses semblables qui s’alimentent de la même nourriture, et que dire quand on est un bon, grand adulte ?

Nous sommes tous quelque part comme cela, des fuyards devant la réalité de la vie. Certes le Christ, par sa mort et sa résurrection nous a libérés de l’essentiel, c’est-à-dire de la mort éternelle, en nous introduisant par le baptême sur une terre de liberté. Mais qu’il est long, ce chemin qui y mène jusqu’au bout, bout que souvent on ne voit pas. Que de difficultés à être chrétiens ; combien de fois avons-nous obéi au réflexe de la fuite, plutôt qu’à celui de l’obéissance à Dieu ? Fuir plutôt que marcher derrière Dieu qui conduit. Comme à Corinthe à l’époque, afficher le comportement  chrétien relève  du courage.

Courage de s’avouer pécheur et courage d’avouer la source de notre libération. C’est entre ces deux points que tout se joue. Car l’un conduit à l’autre. Le Carême est pour cela, pour retrouver le courage de ces choses-là. Avoir la conscience du péché va de pair avec la conscience d’être accueilli dans les bras d’un Dieu des miséricordes. Avec la Miséricorde de Dieu nous ne sommes plus dans le rapport comptable : donnant-donnant, mais celui du don gratuit que nous accueillons avec gratitude. Il dépend de nous de savoir si nous voulons l’accueillir ou pas, la reconnaissance est  la conséquence de son accueil. 

Moïse est le premier bénéficiaire de la révélation d’un Dieu de Miséricorde. Devant le buisson ardent, il a en effet entendu que Dieu est tendresse et pitié, car Dieu a entendu les cris de la souffrance de son peuple et il a vu sa misère. Moïse peut entendre cela car lui-même est en situation de misère et de détresse. Ni dans la grâce de Pharaon, ni dans la bonne relation avec son peuple, Moïse fuit au désert pour échapper aux deux. Lui, autrefois élevé à la cour de Pharaon, devient misérable comme ses confrères. La solidarité humaine qui se met en place entre Moise et son peuple, malgré tout, devient le métier à tisser entre les mains de Dieu qui exprime ainsi sa compassion et sa proximité. Car ce Dieu lointain que l’on craint se rend si proche que l’on peut se blottir dans Ses bras. Mais pour cela, il faut le courage de s’avouer vaincu par la Miséricorde de Dieu et sa tendresse.  AMEN.