2008/01/06, Épiphanie - Concert-méditation - Dialogue entre Bouddhisme et Christianisme, une rencontre entre chercheurs de Dieu

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Concert-méditation à l'église de la Collégiale Saint-Martin (Montmorency).
Musique : Yannick Daguerre. Texte. Rémy Kurowski.

Introduction Père Rémy
- Le partage avec les chrétiens du Laos à l'occasion de la fête de l'Epiphanie est l'occasion d'engager un dialogue entre le christianisme et le bouddhisme. Cette petite Eglise, 1,5 % de la population du pays, vit en effet en milieu majoritairement bouddhiste, rassemblant les deux tiers des laotiens. 
- Christian Taillard qui accompagne cette Eglise depuis quarante ans et qui a contribué, après le concile Vatican II, à animer un dialogue entre chrétiens et bouddhistes dans ce pays, nous aide, dans cette méditation dialoguée, à percevoir les analogies et les pratiques qui rapprochent ces deux grandes traditions spirituelles.
- La méditation proposée s'organise autour de trois rapprochements : détachement bouddhique et conversion chrétienne, compassion et charité, illumination et espérance en la résurrection.

1-Détachement bouddhique et conversion chrétienne comme chemin d'accomplissement.

Le détachement bouddhiste :
- La voie vers l'illumination (le nirvana) passe par une triple prise de conscience pour les bouddhistes : tout est souffrance, impermanence et non-substantialité. Le bouddhiste cherche à se détacher de cette finitude par une expérimentation personnelle, guidée par un maître en méditation. Celui-ci, ayant fait lui-même l'expérience de la voie bouddhique, sert à son tour d'accompagnateur pour celui qui choisit cette voie.
- Ainsi chacun peut faire l'expérience que tout est souffrance : cf. l'enseignement d'un bonze, maître en méditation dans une pagode de forêt à Luang Prabang lors du carême bouddhique.
- Chacun peut aussi  pratiquer les deux techniques de méditation bouddhistes : la vipasana fondée sur le contrôle du souffle et la sanathi sur le contrôle des mouvements. Elles permettent de progresser sur le chemin du détachement qui ouvre la voie vers l'illumination, vers l'accomplissement-fusion de l'homme dans l'Absolu.

Analogie avec la conversion chrétienne
- Christian Taillard: Le renoncement aux valeurs matérialistes qui passent, le choix des valeurs spirituelles qui ne passent pas, et la pratique de la méditation de l'Evangile sont autant de jalons qui permettent au chrétien d'approfondir la bonne nouvelle de l'incarnation, mort et résurrection du Christ. Cette bonne nouvelle nous ouvre le chemin de l'Amour sans limite qui est l'accomplissement de l'homme en Dieu.

Mise en perspective

- Père Rémy :la Bonne Nouvelle : c'est d'espérer la vie pleine. Mais qu'est-ce et comment l'espérer pleinement ?
- La vie pleine de bonheur (SPE SALVI de Benoît XVI) ; 1Th 4, 13 : "Vous ne devez pas être abattus comme les autres qui n'ont pas d'espérance ". Ce n'est pas informatif sur le fait de devoir ne pas être abattus et encore moins sur le manque d'espérance chez les autres, ceux qui n'ont pas cette espérance. C'est performatif pour les chrétiens, eux, qui apprennent  ce que c'est que d'avoir de l'Espérance.
- L'Espérance renvoie aux biens que l'on espère. Les biens partagés par tous les terriens (plutôt mal que bien distribués par ailleurs) ces biens-là sont " abandonnés "  au profit de plus grands encore. Cet abandon passe par le détachement qui suppose une maîtrise de soi, de ses sens et de sa sensibilité. Cet abandon est motivé chez le chrétien par l'obtention d'un bien supérieur  et ceci sous une forme " personnifiée ". La souffrance et la mort  ne sont pas seulement à fuir, elles sont aussi le lieu où la vie  se révèle, la vie avec ses limites, la vie avec ses contraires.    


2-Compassion  bouddhique et charité chrétienne, l'accomplissement par le don

Compassion Bouddhique
- Selon le bouddhisme canonique, celui de la réflexion métaphysique contenue dans les textes, personne ne peut vous contraindre d'emprunter la voie vers l'illumination car c'est un choix éminemment personnel.
- Selon le bouddhisme populaire, celui de la pratique spirituelle, il existe cependant un rite de transmission des mérites aux vivants mais aussi aux morts. Ce rite qui conclu les célébrations, a pour but de les aider à progresser dans le cycle des réincarnations et de s'approcher de l'illumination finale.
- Ainsi, avant de se marier, le fils entrera un temps à la pagode pour transmettre des mérites à ses parents, et les remercier pour le don de la vie et l'éducation reçue. De même ils prendront à nouveau la robe de bonze, lors du décès de leurs parents, pour les aider dans la poursuite de leur chemin vers l'illumination.
- De plus, le terme " mérite ", boun en laotien, désigne à la fois au Laos le bien spirituel produit par le don, et la fête qui permet de l'obtenir. Ainsi, en faisant des offrandes à la pagode qui seront redistribuées à l'ensemble de la communauté, la pagode est le lieu de conversion des biens matériels en biens spirituels. Le don permet donc de faire progresser; chacun séparément comme la communauté toute entière, dans la solidarité matérielle mais aussi spirituelle.

Charité chrétienne
- L'amour qui est l'attribut que Dieu partage avec les hommes, est au cœur de la pratique chrétienne. Si je ne pratique pas l'amour, malgré les autres œuvres accomplies, je ne suis rien dit saint Paul dans son hymne à la Charité. De même, la seule question qui vaille sera celle du Christ lors du grand passage, assimilant tout ce que nous aurons fait pour nos frères à un acte d'amour envers Dieu. Le don est donc bien le signe indissociable de l'amour.

Mise en perspective.

Père Rémy : L'amour du Christ est un don. L'amour du Christ est un chemin, est une invitation. Tout ceci est donné gratuitement, ce qui ne veut pas dire que cela n'a pas coûté à quelqu'un. Ce qui est gratuit, soit n'est rien et est considéré comme un rien car pas " marchandable ", soit au contraire est  plus que tout, car invitant au dépassement  de soi et ouvrant une dimension peut-être secrètement désirée, mais rarement vraiment espérée.


3-Illumination bouddhique et espérance en la résurrection

Réincarnations et illumination bouddhique
- Le cycle des réincarnations, n'est pas conçu par les bouddhistes comme un enfermement dans un éternel retour, comme une dynamique circulaire ramenant sans cesse au point de départ. C'est plutôt, selon une conception du temps très asiatique, une spirale qui élève et rapproche progressivement de l'illumination.

Illumination et résurrection
- L'image du Bouddha renonçant, au dernier moment, à l'illumination, pour enseigner à ses frères les hommes la voie qu'il a découverte vers l'Absolu, rappelle pour moi la vocation de Jésus. Fils de Dieu fait homme, Jésus donne sa vie pour tous les hommes pour qu'ils puissent l'avoir en plénitude et partager totalement l'amour de Dieu. Il y a donc une analogie profonde entre l'illumination espérée par les bouddhistes et la résurrection attendue par les chrétiens.
- J'y vois une même quête de l'humanité, que les chercheurs de Dieu interprètent chacun dans leur propre culture, vers un accomplissement de la vocation d'homme. En invitant à dépasser nos propres limites pour atteindre un absolu qui les transcende, cette quête nous fait vivre, aujourd'hui et nous l'espérons, demain, dans la vie après la mort.
- Ainsi, cette expérience partagée peut aider les chrétiens comme les bouddhistes à progresser sur la voie qui est la leur, tout en tirant partie de l'expérience de l'autre. Ce dialogue fonde donc une véritable solidarité et fraternité, inscrite dans une même espérance.

Mise en perspective.  

Père Rémy : Jésus n'a pas usé de sa divinité pour échapper au pire, à la souffrance évitable  et à la mort regrettable. Il a assumé l'une et l'autre.
Illumination est un terme connu en théologie chrétienne :
" Grâce propre du baptême  qui, en donnant la science de la foi, éclaire l'intelligence "
Dans le sens spirituel : grâce qui éclaire soudainement l'intelligence ;
Dans le sens mystique : un regard très simple de connaissance de type intuitif, qui dépasse  les procédés discursifs habituels à l'esprit humain.

Bouddhisme et christianisme fondent leur expérience religieuse sur les mêmes bases humaines : les mêmes manifestations d'ordre psycho-spirituel. Mais cela conduit dans le cas du christianisme à la reconnaissance d'une vie personnelle plongée dans " l'océan d'amour infini de Dieu " (selon l'expression de Benoît XVI dans  " SPE SALVI ") qui se manifeste à l'homme croyant comme quelqu'un  et non pas comme quelque chose. La relation personnelle dans l'au-delà du croyant avec son créateur fondée sur la relation trinitaire indique de manière performante la qualité des relations d'ici bas.