2009/03/29 - Conférence-débat - " LE RESPECT DE LA VIE, DU PRINCIPE UNIVERSEL DE L'EGLISE À LA RENCONTRE DES VIVANTS "

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Le Père Rémy Kurowski a introduit la conférence en rappelant le principe de ces rencontres. Il s'agit de s'appuyer sur l'Evangile pour comprendre un événement qui touche l'Eglise et qui a eu un retentissement important dans les médias. Ces conférences-débats se déroulent dans la Collégiale de Montmorency, là où l'Eucharistie est célébrée, dans la charité du Christ. Le sujet traité est délicat puisqu'il s'agit du problème de la vie et la mort.

 

Philippe Casassus expose les thèmes de réflexion de cette conférence.  Il s'agit d'abord de se pencher sur le cas d'une fillette brésilienne de 9 ans, violée depuis l'âge de 6 ans par son beau-père, sa grossesse est découverte à l'hôpital où l'a conduite sa mère suite à des douleurs abdominales. L'équipe médicale décide alors de la faire avorter avec l'accord de la mère. Suite à cet événement, l'archevêque de Recife  confirme l'excommunication automatique des médecins et de la mère de la fillette, dès lors qu'il y a mort et avortement.
Les évêques français se sont beaucoup exprimés sur cette affaire. Ils rappellent notamment ce qui a été dit à la fin du concile de Trente précisant que les évêques devaient se comporter comme des pasteurs, c'est-à-dire comme des pères aimants au cœur empli de compassion tout particulièrement envers ceux qui sont éprouvés. L'amour et la miséricorde parlent toujours plus fort dans les évangiles que la condamnation et l'exclusion. Il s'agit dans ce cas du rapport entre la lettre et l'esprit, et de l'application d'une loi canonique.
Philippe Casassus nous présente les intervenantes qui sont Isabelle, son épouse, gynécologue libérale depuis plus de 25 ans, Pascale Poussy, également gynécologue et membre de l'association " Mère de miséricorde " ainsi que Marie-Christine Bardin et Agnès Ollivier, toutes deux membres de l'association AGAPA.

 

Isabelle Casassus, gynécologue libérale soumet à l'assistance quatre cas vécus où s'expriment la détresse et le refus d'une grossesse annoncée.

 

Marie-Christine Bardin et Agnès Ollivier nous présentent l'association AGAPA dont elles font partie. Créée en 1994 par le diocèse de Paris. Les membres de cette association accueillent, écoutent et accompagnent toute personne exprimant une souffrance à la suite d'une interruption de grossesse, que ce soit d'ordre volontaire, accidentelle ou suite de la perte d'un enfant à la naissance. Tous sont accueillis, chrétiens ou non. Elles précisent que l'IVG est banalisé dans notre société, mais ne laisse pas les femmes indemnes. Il s'agit pour elles, d'exprimer leur souffrance avec des mots. Les accompagnantes sont bénévoles chrétiennes, elles sont accompagnées par un prêtre et un médecin psychiatre. Il s'agit essentiellement d'écouter sans juger et d'accompagner la personne dans le respect de leur histoire unique. Le but est de les amener à un apaisement. La personne est prise dans sa globalité. Cet accompagnement consiste en une vingtaine de rencontres hebdomadaires. Il s'agit d'entamer un chemin de deuil et de réconciliation, de passer de la culpabilité à la responsabilité.

 

Pascale Poussy, gynécologue, s'intéresse particulièrement à la bioéthique, elle appartient à l'association " Mère de Miséricorde " dont les membres  prient et jeûnent pour les femmes qui sont dans la période de pré-avortement. Elle ne pratique pas les IVG mais accompagne les femmes en pré- ou post-avortement. 
Pascale Poussy soulève le problème de statut juridique de l'embryon.
Il y a une confusion entre la " personne " et la " personnalité juridique ". Le droit français ne connaît que deux catégories, les choses et les personnes, il existe aussi le statut  de personnalités juridiques pour les associations. Il n'existe  pas d'intermédiaire. L'embryon n'est pas un animal, il est clairement humain. Comment considérer l'embryon qui n'est pas défini ? Sur quoi se base-t-on pour réviser la loi de la bioéthique ? Sur la science ? Est-ce que le raisonnement philosophique peut être basé uniquement sur la science ? La vraie question est celle-ci: " qu'est ce que l'embryon ? " Le législateur veut laisser chacun libre de répondre. Le ministre de la santé l'avait clairement dit : " cette loi reflétera notre conception de l'homme…Nous en resterons à la définition de potentialité de personne " Ne pas prendre partie sur la nature de l'embryon est déjà une prise de position. Un être est une personne par nature, la personnalité juridique est une qualité attribuée. Il y a toujours confusion entre ces deux mots. Le sujet est " l'embryon est-il une personne humaine ? " Sur le plan scientifique, il n'y a aucune interruption entre l'œuf fécondé, l'enfant qui naît et l'adulte qui va mourir. Il contient en lui-même tout son " programme " de développement. Pour aller plus loin sur le statut juridique de l'embryon  Pascale Poussy nous invite à lire la revue :  Permanence N° 449, Aude Mirkovic.

 

Philippe Casassus  revient sur la définition de l'embryon. Actuellement la loi française définit la personne humaine comme une personne viable par ses propres moyens d'où le fait que l'embryon n'est pas une personne humaine, ce qui choque les chrétiens que nous sommes.

 

Le Père Rémy Kurowski précise qu'en ce qui concerne l'affaire qui s'est passée au Brésil, l'évêque s'est finalement rétracté. Le président de la conférence épiscopale du Brésil a assuré que l'évêque en question n'avait excommunié personne mais seulement rappelé que de tels faits étaient susceptibles d'entraîner cette sanction et qu'il avait agi en fonction de sa sensibilité. L'excommunication était automatique et ne devait pas être rendue publique. En France, précisément en Ile de France, suite à la mise en place de l'association AGAPA, les prêtres ont eu la permission de remettre le péché de l'avortement ce qui était auparavant réservé à l'évêque. Au Brésil, en principe, seul l'évêque en a le pouvoir. Si l'évêque l'a rendu public c'est en fonction de sa sensibilité, alors que sa parole est autorité.
Il s'agit de la question du rapport entre l'opinion et l'autorité. Actuellement, on assiste à un déchaînement vis à vis du Pape, on est encore en train " d'achever le Père ", l'autorité, au sens freudien du terme. Pourquoi tant de réactions lorsqu'il prend la parole ? Le degré de l'agressivité ressentie est à la mesure de la réaction.

 

Comment définir l'homme, l'individu, au sens politique, selon quel référentiel, lorsque la société rejette le référentiel religieux ?

 

Le Père Rémy Kurowski ajoute qu'on est dans une équation presque impossible entre la vision politique de la gestion pour définir ce qu'est quelqu'un : citoyen, individu, personne…et le terrain. Seul le réservoir symbolique religieux quel qu'il soit, semble être le plus  fécond, car fournit des éléments qui ne sont pas réductibles à notre seule pensée humaine pour y fonder l'autorité. Le philosophe athée, Luc Ferry a parfaitement compris cela et défend le pape. Du point de vue politique, parce que nous avons besoin d'une régulation sociale politique, le seul réservoir qui peut définir la dignité dans son ensemble est le référentiel philosophique. Et du point de vue de la laïcité française on comprend pourquoi l'on ne veut pas entrer dans le référentiel religieux. Alors que, à son avis, seul le référentiel religieux peut fournir des bases véritables pour définir la dignité, mais à condition qu'il soit nourri philosophiquement. Donc, même insatisfaisante, la décision politique est importante, mais elle ne statue pas sur la valeur propre de la position religieuse.  

 

Les assises sur l'éthique appellent les différentes sensibilités religieuses à s'exprimer. Le référentiel religieux est expulsé du champ politique mais ce dernier ne peut pas résoudre les problèmes à lui seul. Quelle autorité religieuse va-t-elle s'exprimer ? Vers quelle vision de l'homme s'oriente-t-on ? Derrière tout cela, il y a l'enjeu de construction de la société. Comment entrer dans une réflexion d'ordre publique en faisant intervenir la dimension religieuse. Le Père Rémy soulève également le problème de gestion de la technique médicale.

 

Les gynécologues précisent que beaucoup de personnes utilisent des moyens de contraceptions naturels et que la technique n'est pas toujours un bien pour les personnes. Souvent les femmes méconnaissent leur corps et les pratiques naturelles lorsqu'elles sont bien utilisées peuvent être très utiles.

 

Une personne de l'assemblée remarque une incohérence : il y a un débat chez les catholiques de France à chaque fois qu'un nouveau projet de loi dénie davantage l'humanité de l'embryon et même du fœtus mais on ne remet jamais en cause la transgression initiale qu'est l'organisation de l'avortement en service public.

 

Une autre a évoqué la prise de position de Benoît XVI au sujet des préservatifs et de l'éducation à la vie affective sur le continent africain à l'occasion du voyage du pape en Afrique.

 

Une auditrice lui répond, le Pape a dit que le préservatif n'est pas le seul moyen de lutter contre le sida. Le même préservatif est utilisé dans certains pays jusqu'à cinq fois parce qu'on pense que c'est la solution, cela ne fait qu'amplifier le problème. Or, il s'agit d'humaniser la société. Les médias présentent le préservatif comme l'idole du jour, le tabou auquel on n'a pas le droit de toucher. Les catholiques ont à rétablir la vérité sur la nécessité de l'éducation affective. Les médias déforment constamment les propos du pape.

 

Pascale Poussy, précise que le professeur Montagnier qui a découvert le virus du sida avait déclaré que si chaque personne n'avait que trois partenaires dans sa vie, le virus du Sida s'éteindrait. L'épidémie du Sida ne pourra être arrêtée que par la fidélité et la chasteté, des mots que même les catholiques n'aiment pas entendre.

 

Le Père Rémy Kurowski précise que le problème vient aussi  de la communication interne à l'Eglise. Il n'existe pas de " conseil des ministres " au Vatican. Les personnes responsables rencontrent le pape séparément. Le texte écrit du pape n'aurait pas été transmis aux journalistes avant son interview donnée oralement dans l'avion. Dans sa prise de parole, le pape n'a pas été fidèle au texte qui fait foi, forcement. Au Vatican, personne n'a réagi dans les 48 heures qui ont suivi. Il aurait fallu reconnaître " l'erreur " rapidement. Dans la communication, il faut de la bienveillance. Il faut que les journalistes respectent la dignité humaine, en fonction des droits de l'homme. On n'a pas le droit de frapper quelqu'un qui ne pourra jamais rendre la pareille.
Dans un discours qui touche la vie, il y a trois niveaux de discours, universel, singulier et particulier. Le pape se situe au niveau universel. A l'autre bout, il y a le niveau singulier, qui concerne la personne en question. Au milieu, il y a le particulier et ce qui pèche aussi bien dans la société civile que dans l'Eglise, c'est la dimension particulière. C'est le principe d'interprétation qui est en jeu, que l'on appelle discernement. Ce discernement  ne peut se faire qu'au cours d'un processus d'accompagnement respectueux et attentif. Ainsi l'intelligence de la foi est au service de la conscience éclairée. Comment appliquer ce principe que je considère comme bon dans ma propre vie ? Dans l'Eglise, ce sont ceux qui sont dans la proximité qui vont pouvoir agir. Dans la résonance médiatique, ce niveau particulier n'a souvent pas assez de consistance, il est ramené le plus souvent au niveau universel ou singulier. Il arrive souvent que le niveau de conseil soit réduit à l'identification au niveau singulier. Mais, heureusement qu'il n'y a pas que l'image que les uns et les autres donnent.  Même si le principe universel ne semble pas bien fonctionner, beaucoup d'hommes et de femmes sont engagés dans un tel accompagnement.

 

Pour conclure, Pascale Poussy invite à lire (Donum Vitae, l'encyclique de Jean-Paul II sur l'embryon).
Pour terminer, chacun des intervenants prend la parole  pour rappeler que l'espérance est plus forte que tout, que l'Eglise accompagne chaque souffrance dans la compassion et que nous sommes engagés à travailler l'intelligence de notre foi.