2009/10/10 - Conférence-débat - Pourquoi souffre-t-on au travail
Pourquoi souffre-t-on au travail
La logique infernale de suppression
Intervenants :
- Père Rémy Kurowski
- Corinne Boilley – DRH en entreprises
- Isabelle Pailleau – Médecin psychologue du travail
- Esmeralda et Thierry Funk – Médecins du travail
Thème d’actualité hautement médiatisé, comment, nous chrétiens, pouvons nous être interpellés à la lumière de l’Evangile ? Comment répondre à cette logique : de moins en moins de postes de travail et une pression de plus en plus forte avec pour seul objectif : un rendement maximum.
4 intervenants pour débattre de cette question : pourquoi souffre-t-on au travail aujourd’hui ? ne souffrait-t-on pas également hier ?
Isabelle Pailleau : Se sentir bien ou souffrir au travail. Au travail, nous espérons être heureux, trouver du sens, être utile à la société, combler l’écart entre le prescrit et le réel (faire face à l’inattendu, à l’imprévu et justifier ainsi sa contribution à la bonne marche de l’entreprise). Auparavant, les heures de travail étaient plus nombreuses, mais c’est aujourd’hui qu’apparaissent les pathologies de surcharge (les cadences qui affectent le corps et la pression qui entraîne les troubles mentaux et psychiques). La liste de ces troubles est longue… à quoi est-ce du ?
- aux nouvelles formes de management
- à la peur ressentie, la pression
- aux nouveaux métiers
- aux nouveaux outils
Nous sommes devenus une société de l’urgence.
Le travail est souvent ‘’découpé’’ et la part laissée à l’auto prescription rejetée de ce fait. De plus, en cas de difficulté, vers qui se tourner ?
Corinne Boilley
L’organisation de l’entreprise est en perpétuelle mutation. Le début du 20ème siècle a vu apparaître une industrialisation importante (entraînant souvent des problèmes de santé physique) mais en même temps la législation du travail a évolué.
Après la seconde guerre mondiale, période de croissance et de reconstruction, sont apparus les représentants du personnel. Peu à peu, la complexification des entreprises, des systèmes, a entraîné une accélération des rythmes de travail et c’est alors que le rôle des ressources humaines a pris tout son sens.
Un rôle multiple intervenant
- dans le champ des compétences et de l’emploi
- dans le champ des conditions de travail
- dans le système de reconnaissance (rémunération, promotion, évolution)
Pour la bonne marche de l’entreprise, les responsables des ressources humaines doivent ouvrir un dialogue relationnel avec les hiérarchies (relais managériaux), avec les représentants du personnel.
Thierry et Esmeralda. Le rôle des médecins du travail est complexe : rôle d’écoute, d’alerte, de conseil, d’orientation du salarié vers des soins spécifiques. Toutes les pathologies se retrouvent : du simple symptôme passager à la dépression grave. Il est notoire de constater, au sein d’une même entreprise, le nombre important de visites spontanées, de malaises identiques, mais aussi parfois un grand silence. Comment alerter, faire remonter l’information tout en respectant le secret médical ?
C’est le rôle du médecin psychologue.
Isabelle Pailleau : Il faut remettre le travail au centre, déculpabiliser l’individu, revoir la répartition des tâches, créer un collectif, réamorcer un dialogue souvent interrompu.
A ce moment du débat, le Père Rémy fait remarquer :
- l’importance de l’auto prescription
- la complexification des processus de travail
- la technisation toujours plus poussée
- l’importance des systèmes de reconnaissance.
L’isolement du salarié est le facteur déclenchant de la perte de l’estime de soi. Il faut oser avoir pitié de l’autre ou de soi, mais cette logique ne peut pas être entendue dans notre société actuelle.
Corinne Boilley
Pour que la situation soit satisfaisante dans une société plusieurs critères sont nécessaires. Le rôle du directeur et de son équipe est primordial. Il doit instaurer un dialogue social dans l’ouverture, accompagner ses salariés, porter attention, créer du lien, repérer les signes d’alerte, faire remonter l’information…. Mais est-ce possible dans une société où le rendement est l’objectif premier et où souvent les patrons ne sont que les mandataires des actionnaires ? S’il y a conflit, c’est sur le travail qu’il faut intervenir, et non sur les individus : il faut redonner de la valeur au travail, chaque poste est important. La logique de subordination a tendance à disparaître, avec notre génération. (moins d’obéissance, moins de subordination, plus de liberté c’est parfois dangereux)
La démotivation vient souvent d’un manque de reconnaissance, ou du fait de ne pas atteindre ses objectifs, du sentiment d’inutilité ; d’où l’importance de la co-responsabilité : nous sommes responsables de nous-mêmes mais aussi de notre collègue.
Dans les interventions de l’assistance, reviennent le plus souvent les mots : reconnaissance, estime de soi. Si l’estime de soi est une harmonie dans le cadre de son travail, de ses loisirs, elle doit être sociabilisée : il faut aussi être bien avec les autres. ; nous sommes tous des individualités : que vais-je mettre de moi-même dans mon travail ?
Comment participer à l’harmonie générale ?
La solidarité au travail ne peut apporter une amélioration que si elle porte sur le recentrage du travail : c’est toujours le travail qui doit être au centre.
Conclusion du Père Rémy
La complexification du travail a occasionné une nouvelle réalité avec laquelle nous devons composer. Autrefois, une transmission automatique des savoirs intervenait au sein d’une famille : il n’en est plus de même aujourd’hui.
Nous sommes désormais dans un climat d’insécurité individuelle, de par l’obligation de rendement, de résultats…
L’individu se sent dépossédé de sa propre valeur.
A la lumière de l’Evangile, que pouvons nous faire ?
- réinvestir dans le travail, retrouver notre part de liberté intérieure qui pourra être mise au service des autres et nous protègera d’un zèle démesuré.
- s’auto prescrire le charisme
- redécouvrir notre propre représentation : ‘’qui suis-je’’ ?