2010/11/19 - Conférence à Montmorency - SOUFFRANCE COMMENT S’EN SORTIR ?
I. Etat de lieu : présence, absence, désir.
1. Souffrance comme signe de la vie par la négative
-dérèglement de l'ordre des choses
-tant que je souffre, je suis en vie
2. Absence de la souffrance = synonyme de la bonne santé ?
-non-fonctionnement des récepteurs chargés de détecter le dérèglement (ex. l'absence du goût, de la soif peuvent mettre la vie en danger ; les maladies qui ne déclenchent pas de symptôme sensible)
-la " bonne " conscience
3. Entre le désir de ne pas souffrir et quand la souffrance semble emporter tout.
II. Réactions possibles
1. Lutter contre
-pour la faire disparaître
-ou au moins la faire diminuer
2. Vivre avec
-entre la résignation
-et la complaisance
3. Accepter comme
-sacrifice
-oblation (il m'a tout donné, la joie de la résurrection
III. S'en sortir ?
Suppose une mise à distance, parfois à l'écart
Rôle de l'entourage
Et Christ dans tout cela ?
IV Salvifici doloris 1
1. Présentation de la Lettre : " En expliquant la valeur salvifique de la souffrance, l'Apôtre Paul écrit : " complète en ma chair ce qui manque aux épreuves du Christ pour son Corps, qui est l'Eglise " (1) 2
C'est ainsi que commence le pape Jean-Paul II sa lettre apostolique publiée à l'occasion de " l'Année de la Rédemption, le Jubilé extraordinaire de l'Eglise " 3. Mais comment ne pas penser à son attentat du 13 mai 1981 et de la somme de souffrances ainsi occasionnée. Et en parcourrant toute sa vie il apparaît avec évidence la grande place qu'y tient la souffrance. Ces deux grands traumatismes que furent dans son enfance et son adolescence la mort de sa mère et celle de son frère suivis de ce que la guerre a ramené comme souffrance et mort dans son entourage immédiat, il suffit d'évoquer cette recherche désespérée de son père lors de l'exode en septembre de 1939 ou encore son accident de circulation, et si tragiques déportations des ses amis juifs... Et puis après la guerre nombre de morts tragiques dans son entourage appelé milieu (srodowisko)
Dans l'introduction de la lettre le pape fait un constat qui donne à penser lorsqu'il écrit que " la souffrance semble appartenir à la transcendance de l'homme " (2) Ce constat me semble constituer le centre de son raisonnement, le pivot sur lequel est articulée toute la présentation, car dit-il " c'est un de point sur lequel l'homme est en un sens " destiné " à se dépasser lui-même, et il y est appelé d'une façon mystérieuse " (3). Ce dépassement ne pourra se faire que en Eglise car " L'Eglise, qui naît du mystère de la Rédemption dans la Croix du Christ, a le devoir de rechercher la rencontre avec l'homme d'une façon particulière sur le chemin de la souffrance " (3)
2. Le pape apporte par la suite plusieurs précisions très importantes pour bien comprendre son raisonnement :
- souffrance et maladie (la souffrance est quelque chose de plus ample que la maladie (5))
- souffrance et le mal (dans l'AT la même chose, le grec : pasko, je suis affecté de, j'éprouve une sensation je souffre(7))
- souffrance et le bien (" l'homme souffre, pourrait-on dire, en raison d'un bien auquel il ne participe pas " (7))
- souffrance et conversion (la souffrance doit servir à la conversion, c'est-à-dire à la reconstruction du bien dans le sujet (12))
- souffrance, mal et péché (le péché qui s'est enraciné dans cette histoire [de l'homme]et comme héritage originel et comme péché du monde et comme somme de péchés personnels (15))
- Les souffrances du Christ, ce Fils de même nature que le Père souffre en tant qu'homme (17) en atteignant " une profondeur et une intensité qui, bien qu'humaines, peuvent être également une profondeur et une intensité incomparables de souffrance du fait que l'Homme qui souffre est en personne le Fils unique : " Dieu de Dieu ". Lui seul par conséquent -Lui, le Fils unique est capable d'étreindre l'étendue du mal contenu dans le péché de l'homme : dans tout péché et dans le péché " total ", selon les dimensions de l'existence historique de l'humanité sur la terre " (17)
- " Les paroles de la prière du Christ à Gethsémani prouvent la vérité de l'amour par la vérité de la souffrance (18)
3. Participants des souffrances du Christ (titre du chap. V)
Revenons à la citation du départ (Ga1,24) " L'Apôtre a vraiment expérimenté d'abord " la puissance de la Résurrection " du Christ sur le chemin de Damas, et seulement en suite, dans cette lumière pascale, qu'il est arrivé à " la communion à ses souffrances " C'est donc uniquement dans la perspective de la foi que l'on peut véritablement prendre en considération toute la place de la souffrance comme mystère qui révèle un mystère encore plus grand qu'est celui de la vie. " Souffrir signifie devenir particulièrement réceptif, particulièrement ouvert à l'action des forces salvifiques de Dieu offerts à l'humanité dans le Christ " (23) On comprend alors que " la souffrance est aussi un appel à manifester la grandeur morale de l'homme, sa maturité spirituelle " (22)
4. Et le rôle de l'Eglise ?
" En effet, cette Rédemption, bien qu'accomplie en toute plénitude par la souffrance du Christ, vit et se développe en même temps à sa manière dans l'histoire de l'homme...comme le Corps du Christ -l'Eglise- et dans cette dimension toute souffrance humaine, en vertu de l'union dans l'amour avec le Christ, complète la souffrance du Christ. Elle le complète comme l'Eglise complète l'oeuvre rédemptrice du Christ. Le mystère de l'Eglise - de ce coprs qui complète aussi en lui-même le corps crucifié et ressuscité du Christ -indique l'espace dans lequel les souffrances humaines complètent les souffrances du Christ. " (24)
" L'Eglise qui puise sans cesse aux sources infinies de la Rédemption, en introduisant cette rédemption dans la vie de l'humanité, est précisément la dimension dans laquelle la souffrance rédemptrice du Christ peut être constamment complétée par la souffrance de l'homme. Cela met en relief la nature à la fois divine et humaine de l'Eglise. " (24)
Le rôle de l'Eglise consiste donc à favoriser ce mouvement de " compléter ". C'est sa mission parce que son identité. Combien même la souffrance serait le lieu d'enfermement et anéantissement physique et mental, le devoir de l'Eglise est d'accompagner la souffrance (plus exactement les souffrants) dans la dynamique de transcendisation. Elle s'effectue de manière différente, comme le constate le pape, même si chaque fois la question de pourquoi de la souffrance demeure.
" surmonter le sentiment de l'inutilité de la souffrance " (27) et celui d'avoir la conscience d'être un poids pour les autres semblent les deux défis majeures sur le chemin d'une telle transformation.
Dans la conclusion nous lisons le résumé :
" Tel est le sens, véritablement surnaturel et en même temps humain, de la souffrance. Il est surnaturel, parce qu'il s'enracine dans le divin mystère de la rédemption du monde, et il est d'autre part profondément humain, parce qu'en lui l'homme se reconnaît lui-même dans son humanité, sa dignité et sa propre mission " (31)
Vision profondément chrétienne que celle du pape, exposé avec ses exigences de distinction entre les différents plans de réflexion afin de pouvoir présenter le sens de la souffrance tel qu'il se dégage dans la Bible (Job, Nicodème, le Bon Samaritain) dont le point culminant se trouve dans le Christ lui-même. Ce Christ qui " dans la révélation même du mystère du Père et de son amour, manifeste pleinement l'homme à lui-même et lui découvre la grandeur de sa vocation " (31)
1 Jean-Paul II,11 février 1984
2 Co 1,24
3 L'Année sainte de 1983, comme celle de 1933 (Pie XI), année extraordinaire pour célébrer la mort et la résurrection de Jésus-Christ, donc la Rédpemtion du gendre humain