2012/01/08 - Conférence-débat - Le Blasphème

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Père Rémy : Cette rencontre se place dans le cadre de nos conférences débats qui ont comme caractéristiques de traiter de sujets d’actualités, à résonnance très médiatique, qui secouent les consciences (chrétiennes en particulier).


L’idée est de voir comment éclairer un tel sujet qui a eu des répercussions dans les médias, par l’Evangile, autrement dit comment se laisser guider par la lumière de l’Evangile quand on est interpellé d’une manière ou d’une autre, et ce soir, nous avons à faire avec un seul mot : un seul mot mais qui a une puissance incroyable au point de susciter énormément de réactions.


C’est un mot bien connu qui existe dans la Bible (Ancien et Nouveau Testament), c’est un mot qui a été utilisé aussi bien pour des raisons purement religieuses que pour des raisons moins clairement définies dans le champ socio politique, et donc, il nous est apparu intéressant de nous y arrêter.


Le premier point de cette rencontre consistera à discerner ce que l’on peut dire sur le mot blasphème, à partir de ce que l’on trouve dans les textes du Nouveau Testament uniquement et sera conduit par le Père Damien Noël, bibliste, professeur à l’Institut Catholique de Paris. Il se basera sur les textes du Nouveau Testament uniquement pour déterminer comment le mot blasphème y apparait.


Le second point de la réunion sera le débat où chacun pourra faire part de ses impressions, réactions et sentiments.


Père Damien Noël : Nous nous limitons au Nouveau Testament parce que dans l’Ancien Testament, il y en a beaucoup. Le mot blasphème est un mot grec.


Vous avez l’essentiel sur votre feuille (télécharger) : le comptage des mots.


Il est toujours important de voir à qui on a affaire avec le mot blasphème et ensuite on est plus à l’aise pour aller chercher dans les textes. Cette nécessité de se mettre devant des chiffres est scientifique, non pas savante. Les premiers débats entre l’Eglise et la science sont venus à partir de chiffres, des mesures, d’observations, d’hypothèses.


Aujourd’hui, nous avons les moyens de nous rendre compte quels sont les mots employés par un auteur dans un livre ou un ensemble de livres.


Pour le blasphème dans le Nouveau Testament, nous avons trois termes :
- Blasphémer ( le verbe, le plus employé)
- Blasphème (l’action)
- Blasphématoire ou blasphémateur (propos ou personne qui blasphème)
(voir la ventilation sur la feuille)


On peut distinguer un usage proprement religieux et un usage plus séculier ; d’ailleurs, cela pourrait aider à mettre de la discipline dans le vocabulaire.


Dans l’usage proprement religieux, on traduit par blasphème toutes les offenses à Dieu ou aux dieux, aux choses saintes et sacrées, ainsi qu’aux personnes qui sont auteurs ou cibles de ce blasphème (usage typiquement religieux qui vise les choses sacrées)


Pour l’usage séculier de ces termes, il vaudrait mieux en préférer d’autres pour ne pas confondre les domaines ; le verbe ‘’blâmer’’ est très proche de blasphémer, et ses synonymes injurier, insulter…


Le Nouveau Testament montre la violence qui peut se déchaîner contre des personnes qui affichent publiquement une différence par rapport à un milieu, des usages, des manières de penser, etc., une différence significative en matière de foi, de religion de morale, éventuellement d’idées politiques.


Cette différence peut susciter des réactions hostiles plus ou moins violentes et c’est le cas de Jésus et des chrétiens comme on le voit dans le Nouveau Testament.
Sur la feuille, j’ai indiqué 3 rubriques


1 – Jésus accusé de blasphème
2- les chrétiens exposés au blasphème
3- le blasphème contre l’Esprit (qui n’a pas de rémission possible)


1 – Jésus accusé de blasphème.


Quelques exemples dont certains parfaitement connus :


Mt 9,3 : les scribes considèrent Jésus comme blasphémateur parce qu’il s’arroge le droit de remettre les péchés : Seul Dieu peut le faire
Mt 25,65.65 : devant le Grand prêtre
Jn10,33.36 : Jésus est mis en cause


2 - Les chrétiens exposés au blasphème : on voit apparaitre différents types d’enracinement du blasphème. (Paul dans les Actes)


Ac 13,45 Paul commence à rencontrer de l’opposition parce que sa prédication attire les gens qui le contredisent et le blasphèment. Paul marque une différence et suscite jalousie et blasphème.
Ac 18,6 Paul se comporte comme un Juif (en secouant ses vêtements). Il raconte sa conversion et dans le chapitre 9 des Actes, il évoque le persécuteur qu’il a été : or le but de sa persécution était d’amener les Chrétiens à blasphémer, à rejeter leur croyance
1 Tm 1,13.20 ‘’blasphémateur, ….’’
Rm 14,16 il s’adresse aux chrétiens et donne ses consignes
Jc 2,7 : le nom de Jésus
1P 4,4 ‘’ils vous blasphèment’’ (ce n’est pas juste un usage séculier du verbe, mais c’est bien une différence religieuse qui est prise à partie)


3 – le blasphème contre l’Esprit


Mt 12,1.32 (voir le commentaire sur la fiche)
Quand Jésus parle d’un blasphème non rémissible, il parle d’une attitude qui, tant qu’elle est posée, tant qu’elle dure, est une opposition à Dieu, et donc Dieu ne peut pas passer outre la liberté des gens : c’est le cas du blasphème contre l’esprit.
‘’C’est par Belzébul qu’il chasse les démons : c’est ce qui s’appelle le péché contre l’esprit. Jésus réplique : Satan est il divisé contre lui-même ? S’il était divisé contre lui-même, il irait à sa perte. Or il ne va pas à sa perte, au contraire.


RK : je propose dans un premier temps de rester encore uniquement avec les notions bibliques, sans références à l’actualité, afin de bien percevoir la sève biblique. Je serai le premier à poser une question : par rapport au fait que Jésus chasse les mauvais esprits, cela provoque quelque chose de blasphématoire : j’étais très interpellé par cette citation. Contre l’esprit, on ne peut pas remettre un péché, est-ce que cela veut dire dans la Bible, en l’occurrence, quelqu’un qui a un refus obstiné d’un bout à l’autre, en connaissance absolue de cause ou est-ce que cela se mélange et il croit bien faire à l’image de ceux qui prennent à contre pied, la culture dominante et chrétienne.


DN : c’est un problème de théologie et de morale. Effectivement Dieu connait la détermination de chacun et connait l’engagement de la liberté de chacun. Il est seul juge. L’homme a aussi une liberté et nous devons prendre en compte la position des gens, les respecter : de toutes manières, nous avons déjà notre propre cas à gérer : c’est suffisant.


On est devant quelque chose qui nous échappe. Si Jésus dit cette parole là, c’est parce qu’il se trouve devant des gens qui ferment les yeux sur une évidence et qui préfèrent s’enfermer dans un raisonnement absurde et accuser Jésus de chasser les démons au nom du Prince des Démons. C’est le refus de voir Dieu en Jésus. Alors le dosage ne dépend pas de nous mais nous avons entendu : ‘’Quiconque prononce une parole contre le Fils de l’Homme cela lui sera remis’’, donc les contradicteurs de Jésus, de son vivant, peuvent avoir une dose de rémission possible dans leur engagement, dans la mesure où cela vise le Fils de l’homme, maintenant, si c’est contre Dieu, c’est Dieu qui gère.


RK : cela fait penser à d’autres paroles dans l’Evangile de Jean : ‘’si vous ne croyez pas, croyez en moi à cause des oeuvres’’ C’est un prolongement.


Un intervenant : ma question est sur le dénombrement : il y a 2 façons de blasphémer, blasphémer contre Jésus et blasphémer contre le Dieu juif : les juifs accusent Jésus de blasphémer contre Dieu.


DN : pour l’univers de l’Evangile, Jésus et les juifs ont le même Dieu : c’est justement pour cela qu’il y a blasphème. Il ne faut pas croire que l’esprit de Dieu n’existe pas avant Jésus. Ouvrez la Bible, 1er verset : ‘’l’Esprit de Dieu planait sur les eaux’’ L’esprit est tout au long de la bible, il n’attend pas Jésus. Voyez Isaïe : l’Esprit de Dieu m’a envoyé proclamer…


Cela vient peut être d’une carence que nous avons-nous les chrétiens, une carence biblique, mais en même temps nous pensons que nous avons une dogmatique qui tient toute la vérité et qui est en fait très desséchante. J’ai discuté avec mes jeunes collègues dogmaticiens de la Catho, de la Trinité et de la Christologie : ‘’Quelle place laissez vous dans vos cours au Dieu Père ?’’ le Dieu esprit. La filiation est déjà dans l’Ancien Testament. Cela prépare la Christologie ; la Trinité et la Christologie, c’est pareil, mais nous avons l’Esprit Saint, le fils de Dieu et tout cela, c’est déjà dans l’Ancien Testament, sauf que tout cela vient se cristalliser d’une façon particulière dans la personne de Jésus.


C’est à cause du même Dieu qu’il y a blasphème parce que Jésus ne se présente pas à son compte au nom d’un autre Dieu, quand il dit ‘’Tes péchés sont pardonnés’’, c’est entendu par tout le monde comme étant un blasphème, dans la mesure où Dieu seul remet les péchés. Alors, si un homme dit cela c’est une atteinte à Dieu, mais c’est bien du même Dieu qu’il s’agit.


Un intervenant : Quel est le terme de liberté que l’on peut avoir en refusant l’Esprit de Dieu, qu’est-ce que signifie cet aspect. Le mot blasphème a été repris dans des termes juridiques. Où se trouve la liberté de quelqu’un ?


DN : ce n’est pas simple : il y a des entrées différentes sur le problème de la liberté : les juristes, au point de vue juridique, la liberté, la responsabilité, on n’en sortira jamais…


Une intervenante : Comment Jésus réagit-il quand on le blasphème, lors de la passion, sur la croix ?


DN : vous connaissez. Dans la passion ‘’si j’ai mal parlé, montre moi en quoi j’ai mal parlé et si je n’ai pas mal parlé, pourquoi me frappes-tu ? Sur la Croix, dans l’Evangile de Luc, le seul évangéliste à le rapporter : les deux larrons, l’un blasphémateur, et le second qui lui dit tais-toi, tu ne comprends pas.


RK : nous pouvons maintenant passer à la seconde partie concernant l’actualité et plus particulièrement les spectacles Golgota picnic et sur le concept du visage du Christ. Ce sont des évènements à caractère culturel qui ont déclenché toute une polémique et même des réactions de la part de différentes confessions chrétiennes – et pas seulement -.


Je n’ai vu aucun des deux spectacles et je préfère que nous parlions à partir de ce que nous avons vu et compris à cette occasion sans pouvoir vraiment statuer puisque nous n’avons pas vu. Nous ne pouvons rien dire sur le contenu de ces deux pièces, en revanche nous pouvons débattre sur ce qu’évoque le mot blasphème, après avoir revisité le mot dans le Nouveau Testament. La question juridique par exemple : c’est quelque chose qui est à la fois simple et complexe.


Un intervenant : je ne suis pas juriste ; les textes du 18ème siècle reprennent ce que vous avez dit dans la définition du mot blasphème. On revient toujours à la question de la liberté d’où la complexité du texte de Matthieu qui renvoie à la question du jugement.


RK : sur le plan juridique, c’est assez intéressant ; C’est St Louis qui introduit, qui légifère sur le blasphème de façon officielle. Contre le manquement de respect vis-à-vis de Dieu, la punition à l’égard de la personne est dans un premier temps, une marque au fer rouge sur le front, et s’il récidive, on lui perce la langue. En conséquence, il est exclu de la communauté chrétienne et interdit de culture chrétienne. C’est sur le plan purement juridique.


Pourquoi St Louis réagit-il comme cela ?


Dans le livre d’Alain Cabantous ‘’Histoire du blasphème’’ publié en 1998 (ce qui montre que la question n’est pas si récente), la question est posée et d’après les historiens, ce serait parce qu’il y a un mécanisme qui est mis en place et qui permet d’interdire la nuisance possible de la part de Dieu à cause du blasphème. Si quelqu’un blasphème, ce peut être très mauvais pour le Royaume parce que cela peut empêcher Dieu de bénir le Royaume et donc de continuer à proférer de bonnes grâces à l’égard du royaume. Là on touche au politique, tout en restant dans une sorte d’interprétation religieuse.


Dans les territoires concordataires (Alsace/lorraine) il y a une loi qui permet la punition contre le blasphème toujours en vigueur ; elle n’a jamais été activée depuis 1954 mais elle existe. En Irlande, elle a été activée en 1910 C’est pour dire la complexité.


Une intervenante : ce n’est pas seulement une question de complexité ; c’est le fait qu’il y a une évolution de la mentalité sur la question de la liberté personnelle.


En Arabie Saoudite, une jeune femme est menacée de mort pour s’être convertie Actuellement le blasphème n’est plus considéré de la même manière, du moins n’est plus puni physiquement, parce que l’on considère que l’homme a le droit d’avoir une opinion.


DN : on va reparler de la laïcité et de la liberté d’expression…


Une intervenante : actuellement il y a un courant de christianophobie tout à fait certain, et on se permet tout et nimporte quoi vis-à-vis des catholiques alors qu’il ne serait jamais question de faire cela vis-à-vis des juifs ou des musulmans.


Nous acceptons beaucoup de choses : les chrétiens se défendent très mal.


Un intervenant : si j’ai bien compris, il y a blasphème contre Dieu mais contre Jésus, il n’y a pas de blasphème,


DN : non, ce n’est pas cela. Jésus dit dans le passage de Matthieu : ‘’tout blasphème contre le fils de l’homme peut être remis, mais contre l’Esprit, cela ne peut pas être remis’’, c’est la différence


C’est difficile à comprendre et c’est pour cela que nous sommes là ; il faut essayer de manoeuvrer pour trouver les raisons qui sont derrière cela.


RK : ces paroles sont mises directement dans la bouche de Jésus.


Je voudrais vous donner quelques synonymes du mot blasphème : profanation, affront, impiété, injure, juron, offense, outrage : c’est très varié


Les sociologues des religions insistent sur cela en disant que dans la société actuelle la puissance évocatrice du mot blasphème prend des formes différentes et n’atteint que ceux qui se sentent concernés dans le cadre de leur croyance.


Un intervenant : Si on réagit sans violence, les gens extérieurs à notre religion, pensent que nous ne croyons pas vraiment… Quand il y a dérision vis-à-vis d’une religion, c’est un blasphème. Jean Michel Ribes dit qu’il n’y avait dans la pièce aucune intention blasphématoire à l’égard de Jésus, mais que c’était une façon de s’interroger sur la figure de Jésus, alors que l’autre spectacle avait une volonté délibérée d’insulte.


Un intervenant : ce sont des jeunes qui sont allés manifester par la prière et le mouvement était très calme. La meilleure réaction à la provocation était la veillée à ND de Paris ; l’église a été entrainée par les jeunes.


Une intervenante : le blasphème peut prendre différentes formes ; il y a une volonté de s’affirmer publiquement.


Un intervenant : le premier exemple a été le tableau du Christ, il y a quelque temps et qui était très choquant ; mais je pense qu’il faut dépasser cela et se demander pourquoi est-ce que cela choque, qu’est-ce que cela me dit, qu’est-ce que cela veut dire.


Si on ne peut pas interpréter un blasphème, il ne faut pas l’appeler blasphème.


RK : donc, pour pouvoir parler du blasphème, il faut savoir l’interpréter : c’est le discernement


Un intervenant : on a parlé des intégristes, mais y a-t-il une réaction officielle ?


RK : au début effectivement, il n’y a pas eu de réaction coordonnée par les porte parole de l’Episcopat. Ensuite il y a eu une ou deux réactions d’évêques ¸avant que Mgr Podvin donne une réaction officielle et que soit organisée la veillée à Notre Dame avec Mgr Vingt Trois ; A ce moment là, on a vu l’Eglise s’organiser en reliant cette veillée avec l’adoration de la Couronne d’épines.


Comment discerner justement le blasphème et la réaction au blasphème, c’est la question à voir et c’est pourquoi, j’ai organisé cette réunion. Qu’est-ce qui est acceptable ou non, et au nom de qui ou de quoi ?


On observe, à l’occasion de ce débat, un déplacement des interdits parce que le blasphème, c’est une sorte d’interdit ‘tu ne prononceras pas en vain le nom du Seigneur’’. On est autour des interdits, autour de choses que l’on ne va pas faire, que l’on ne va pas formuler de cette façon et donc, à cette occasion, des journalistes ne se sont pas privés de dire que les interdits n’ont pas disparu, mais qu’ils se sont déplacés. Ce travail de déplacement se fait sur un long temps peu à peu, et finit par se cristalliser sous forme de quelques leaders d’opinion et se présente comme une proposition de loi… C’est un déplacement, mais il n’y a pas effacement.


Des souffrances ont été générées par ces spectacles, et le débat sur le blasphème nous met au coeur de ce problème. Les pièces de théâtre ont causé des réactions de douleur. On parle là de la douleur au niveau symbolique, qui n’est pas comparable avec d’autres situations de souffrances concrètes (persécutions etc). Mais cette différence étant établie, est-ce que cela nous laisse libre de continuer à méditer uniquement sur un terrain sans prendre en compte l’autre ?


Un intervenant : la persécution des chrétiens dans le monde s’accentue de plus en plus : nous sommes encore dans un état de droit, mais ces manifestations de blasphème peuvent remettre en cause la liberté religieuse d’un pays. Si on tolère ces manifestations artistiques, on peut déplacer les interdits et s’attaquer à l’intégrité des personnes.


RK : il est difficile de statuer juridiquement sur quelque chose qui semble tremper dans des dimensions transcendantales (démoniaque ou esprit saint)
Cela échappe à la possibilité de légiférer.


DN : Il est possible que la chose nous échappe mais cela ne nous est pas étranger. Le blasphème, ce n’est pas simplement quelque chose qui est proféré contre une divinité, un symbole : cela atteint le vivre ensemble, le fait de vivre avec des différences. Il faudrait voir ce qu’est une théocratie, ce qu’est une laïcité pour comprendre cela.


RK : la lenteur dans la réaction de l’Episcopat provient en partie du rapport à la laïcité à la française qui est un rapport très particulier, notamment en ce qui concerne les Chrétiens et plus particulièrement les catholiques.


A propos d’identités religieuses, il faut noter des différences générationnelles ; Les jeunes d’aujourd’hui forment de nombreux groupes qui n’ont pas peur de s’afficher, et d’affirmer leur identité chrétienne, alors que leurs parents et grands parents sont dans une autre équation. On leur a appris à se taire, à être discrets. On peut mesurer l’évolution en cours. La nouvelle génération entre dans le débat de la présence d’identité chrétienne.


Un mot sur la dimension historique : après 1870 et jusqu’à la première guerre mondiale, les caricatures étaient beaucoup plus violentes et blasphématoires : ce n’est rien aujourd’hui.


Il faut remettre un peu les choses à leur place…


Un intervenant : le mot blasphème est ambigu par rapport à la souffrance


RK : derrière le blasphème qui est ressenti comme une souffrance par la personne elle-même, se cache la symbolique divine parce que cela renvoie à la dimension transcendantale Qui souffre ? c’est là la question. On a l’impression que dans ce geste à caractère purement blasphématoire, on veut contredire la valeur positive de la symbolique religieuse. Il y a quelque chose du dévoilement de la souffrance quelque part de la part de ceux qui agissent de la sorte. Ce n’est pas par pur jeu que l’on blasphème.


Quand dans nos discussions avec des personnes qui nous titillent sur notre religion, ce n’est pas un jeu complètement dénué de tout sens, mais cela exprime quelque chose de leur propre état d’esprit. Je l’ai expérimenté, et quand on arrive à percevoir cela, le sujet disparait et les raisons pour lesquelles on s’est heurté ont disparu.
Un intervenant : celui qui blasphème a une souffrance, une recherche. Au niveau orchestré du blasphème, il peut y avoir une volonté de puissance…


Une intervenante : le Christ a été maltraité et nous a dit que nous le serions aussi, alors cela continue…


Une intervenante : un artiste n’a-t-il pas le droit d’exprimer sa souffrance sur une toile par exemple même si cela nous choque ?


RK : effectivement, on constate dans le Christianisme que nous sommes par rapport à la symbolique religieuse, face à une vraie représentation ; Le fils de Dieu a pris chair, il a un visage concret et donc ce visage est soumis à des interprétations et donc à la critique.


Dans le judaïsme, il est interdit de représenter la divinité et même de prononcer le mot.


Autrement dit, les Chrétiens sont dans une équation particulière par rapport au judaïsme et par rapport à l’Islam. Dans l’Islam, la seule représentation d’Allah, c’est son prophète, donc personne n’a le droit de faire une représentation du prophète car on atteindrait Allah ;


Nous sommes dans une équation différente à cause de l’incarnation puisque le Fils de Dieu nous donne à la fois la possibilité de nous représenter ce Christ sous forme iconographique et en même temps cela soumet à la critique.


Pour terminer ce débat : les réactions contre le blasphème peuvent être doubles ; je vous en laisse juges, soit en expiant, soit en purifiant.


On expie le blasphème (un mal qui a été fait) mais pour nous les Chrétiens l’expiation a déjà été accomplie une fois pour toutes par le Christ sur la Croix, alors que nous, nous continuons l’oeuvre de la purification. Donc nous sommes invités à la lumière de l’Evangile à entrer dans cette dynamique pour pouvoir continuer à respirer librement dans l’espérance du Salut pour tous. Bien que ce blasphème contre l’esprit saint soit frappé d’une irrémissibilité mais cela, on le laisse : heureusement que l’on n’a pas tout à gérer dans notre situation ici-même.
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