2018/10/14 - Homélie - « Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle. »

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« Que dois-je faire pour avoir la vie éternelle. »


La question est sûrement mal posée, mais, telle qu’elle, elle mérite que l’on s’y arrête. Jésus est interpellé alors qu’il est en route. Imaginons que vous êtes en train de charger la voiture pour partir en vacances, ou pour l’enterrement de votre parent. Et, pendant ce temps là, votre voisin vous parle d’une chose très importante pour lui. Vous ne lui dites pas, je n’ai pas le temps. Mais vous laissez tomber le chargement, prenez tout de même le temps qu’il faut pour l’écouter. Jésus, sans répondre tout de suite, noue le dialogue en posant une  autre question.


Il fait une sorte d’enquête personnelle pour être au plus près du réel de son interlocuteur. Il a en face de lui un homme scrupuleux, certes. Mais c’est un homme désireux d’aller jusqu'au bout de la bonne logique de sa vie. Les commandements c’est bien, mais il y a mieux. Et surtout il y a mieux dans le fait de suivre Jésus. Nous pouvons nous contenter de respecter la loi, ce que nous faisons de notre mieux. Mais pour suivre le Christ il ne s’agit pas d’abord de faire. Il y a surtout à être. Vient en écho l’histoire de deux sœurs, Marthe et Marie. 


Pourtant, l’homme cherche sincèrement un sens à sa vie. La question révèle son inquiétude, mais aussi son désir. Tout en étant un homme de bien, il ne se sent pas comblé. Il lui manque l’essentiel mais quand Jésus lui montre la direction pour voir l’essentiel, il s’en va tout triste. « Car il avait de grands biens. » Nous aussi, nous avons envie de bien faire. Nous aussi, nous avons envie d’écouter Jésus, de comprendre ses paroles qui sont paroles de vie, paroles de vie éternelle. 


Mais il y a des limites qu’il nous semble impossible de franchir. Quels sont ces biens, nos biens, qui nous empêchent d’accéder à l’essentiel de notre vie ? Quels sont ces biens qui nous attachent tellement à la vie sur terre que nous ne pouvons pas quitter ? Quelques exemples très simples. 


Dans nos agenda il y a pleins de choses qui sont déjà notées ou imaginées comme à faire. Au point que d’accepter un appel de Jésus (sous une forme ou sous une autre) suppose chambouler ma manière de m’organiser dans mon agenda, dans ma tête, et donc dans ma vie. C’est ce que m’ont dit il y a pas longtemps des fiancés au sujet de la messe de dimanche et désirant profiter de la préparation au mariage pour renouer avec cette pratique. Mais cela va chambouler leur agenda, pas forcément bien rempli des choses à faire, par ailleurs, car c’est surtout dans la tête. 


J’essaie de m’exercer à quelque chose de semblable à la situation de Jésus. Quand je suis bien pressé, c’est alors que souvent quelqu'un vient de me demander quelque chose d’urgent. Nous connaissons tous cela. Et nous le gérons selon le degré d’urgence ou de gravité que nous avons ressenti. Mais dans ces moments j’essaie de ralentir et vraiment écouter. Et par expérience je sais que ce sont les moments de qualités rares, même si je me suis  fait un peu violence, sans le montrer (mais ce n’est pas toujours possible, il y a encore du chemin à faire). Une satisfaction profonde d’avoir lâché, laissé tomber un peu mon agenda, pour remplir la relation d’une vraie rencontre. Un autre exemple vient de la catéchèse. Cette année nous mettons en place une nouvelle manière de l’organiser dans quatre endroits différents, le plus près de là où habitent les familles concernées. Et ces séances se dérouleront au même moment, samedi matin. Cela suppose que les familles s’organisent en conséquence. Cela fait violence dans les agendas, parce que dans les têtes, etc. Mais on y souscrit dans la mesure où on voit l’intérêt, pas seulement pour nous même mais aussi pour les autres. Faire samedi matin, c’est beaucoup mieux pour les enfants qui dans la semaine sont surchargés par d’autres activités, fatigués et par conséquent peu réceptifs. Samedi matin ils sont reposés, frais, et leurs parents sont souvent dispos ou peuvent plus facilement s’y rendre. Et  nous comptons surtout sur les pères ; déjà 7 se sont engagés comme catéchistes contre un ou deux les années précédentes. Évidement cela suppose revoir le programme du weekend. Et mettre les priorités, là où il le faut. 


Sûrement, dans le domaine religieux, il aurait été plus facile de remplir quelques obligations indispensables et être quitte. Plus d’un tiers d’enfants qui ont fait leur première communion ne reviennent plus au caté puis à l’aumônerie. Et ce n’est pas la qualité de préparation qui est en jeu. Or, Jésus nous demande de nous donner à lui en entier. Et ceci n’est pas forcément synonyme d’entrer dans les ordres ou devenir prêtre. C’est juste l’horizon normal de la vie chrétienne.


« Jésus l’aima ». Et lorsque nous venons nous exposer à son regard, comme ce soir, par son regard il nous communique cet amour dont il aima le jeune homme riche. Il nous dit que notre vie est déjà bonne et belle, bien marquée par tant de combats pour être fidèle à lui. Il nous encourage à continuer le chemin sur lequel nous sommes engagés, où nous pressentons de pouvoir, de devoir avancer. Il ne nous laisse pas seul, car il nous donne son esprit, l’esprit de discernement (cf. la première lecture) Il nous le donne pour faire de bons choix. Qu’est-ce qui nous reste à faire ? 


Nous avons à prier pour avoir le bon discernement, à supplier Dieu pour que l’Esprit de la sagesse et donc de discernement vienne en nous. Nous l’avons reçu dans le baptême et dans la confirmation. Mais il peut s’assoupir sous les décombres de nos affaires diverses et variées. Par une telle prière, nous permettons à Dieu d’agir en nous et nous ouvrir à la vie éternelle, vie de bonheur en sa présence. Car avec l’adhésion de notre part, Dieu peut tout cela.  Amen.