2018/11/11 - Homélie - 32e dim. ord.

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Deux piécettes


I. Jésus et la générosité


1° Jésus est à l’entrée du Temple. Il voit des gens mettre de l’argent dans une ou plusieurs boites destinées à recueillir les dons. Il y a 13 boites, chacune pour une raison bien particulière : la taxe pour le trésor, les offrandes des lépreux, les dons libres... 


C’est la dernière fois que Jésus est dans le périmètre du Temple. Il n’y entrera plus jamais. Est-ce qu’il sait que c’est pour la dernière fois ? Sûrement, il pressent quelque chose d’important. Toujours est-il, qu’il médite sur les raisons qui poussent les gens à venir au Temple déposer des offrandes. Sans doute Jésus les regarde de façon un peu détachée, car sa passion se profile à l’horizon. 


2° Il constate deux attitudes. Une, celle des gens qui le font pour se montrer généreux. Et une autre, celle de la veuve qui avance discrètement, peut-être comme si elle était un peu gênée de se trouver là devant un Temple si imposant et qui intimide. 


Ces deux piécettes tombées dans la boite ne font pas beaucoup de bruit. Au poids c’est si léger, tout comme la valeur, on ne peut même pas acheter un oiseau. Son geste n’est remarqué par personne.


3° Jésus voit ce que les autres ne voient pas. Il le montre à ces disciples et ainsi à nous-mêmes. Qu’est-ce que Jésus constate ? Que la veuve par ce geste se met entièrement entre les mains du Seigneur. 


Pauvre, toujours pauvre, mais spirituellement en bonne santé. Alors que tant d’autres (sans doute pas tous) ont de l’argent, mais spirituellement sont en faillite. 


4° L’évangile, tout comme la première lecture (Prophète Elie chez la veuve de Sarepta) nous fait comprendre deux choses. 


D’abord  que  donner a du sens. Le sens véritable se trouve dans le fait que ce don s’accompagne d’une offrande de la vie. Donner c’est se donner entièrement. 


Puis faire de cette attitude, celle de l’offrande de sa vie, c'est-à-dire faire confiance. Une telle confiance se manifeste surtout dans les situations, où il n’y  il n’y a plus rien à perdre, où il n’y a plus rien à quoi s’accrocher pour survivre. Faire confiance quand on n’a plus aucune sécurité. 


5° Nous aussi nous ne disposons au fond que de deux petites piécettes à partager. Nous avons à les offrir comme geste de l’offrande de toute notre vie. Et pour comprendre cela, parfois il faut bien toute une vie ou presque. 


II. Gabriel LAJEUNE


6° Je voudrai vous parler maintenant de quelqu'un qui a donné ces deux piécettes de sa vie. Il vient de mourir dans la nuit du premier au deux novembre dernier.  Il était très âgé.  Il était pensionnaire dans la maison de retraite chez les petites sœurs des pauvres à Aberdeen, où il a passé les dernières années de sa vie. Beaucoup d’entre nous, l’ont connu. Et quand on l’a rencontré une fois, cela restait gravé dans la mémoire. 


7° Ces deux pièces étaient deux traits de sa vie.  : 


Un trait, lié à sa personnalité, son caractère bien trempé. Il faisait peur aux enfants avec sa voix grave et un ton qui n’invitait pas à la contestation de ce qu’il disait. Sous ses aspects bourrus se cachait un homme fort. 


Son deuxième trait est celui d’un homme de foi. Missionnaire par vocation, aventurier de Dieu, missionnaire au Vietnam, en prison durant une année, puis expulsé. Il revient dans le sud pour y vivre la prise de Saïgon en 1975 et puis une deuxième expulsion. Il a survécu, affamé, torturé, il a survécu grâce à sa foi.  En prison, privé de tout livre, la seule prière qu’il pouvait dire c’était le chapelet, car récité par cœur. C’est grâce à cette prière récitée avec foi, qu’il a pu tenir, et c’est cette prière qui l’’a sauvé’.


8° Dans ses dernières années, d’homme fort, résistant à toute épreuve, il était devenu un vieillard faible, aveugle, paralysé. La dernière étape de sa vie fut marquée par cet abandon, cette confiance totale qu’il fallait manifester encore une foi dans ce corps qui lâchait  de partout. 


Est alors apparue chez lui cette douceur spirituelle qu’il avait toujours en lui sans pouvoir l’exprimer vraiment. Quelques personnes l’ont visité. Une fois ce fut une jeune femme.  Elle était  venue lui lire un texte et être auprès de lui. Pendant ce temps-là, comme souvent,  il s’était endormi. Au réveil un grand sourire : « vous êtes toujours là pour moi ? ». Étonné, doucement étonné. 


9° Oui Dieu est toujours avec nous. La mémoire du P. G Lajeune  restera vive dans la CCFHK. Car il en fut aumônier durant des années 2000-2004 puis aumônier adjoint jusqu'en 2008. Rendons grâce pour sa vie comme pour la vie de tous ceux qui donnent, parfois si peu aux yeux du monde, mais qui donnent tout aux yeux de Dieu. AMEN