2019/09/08 - Homélie - 23e dim. ord.
Que veut dire accomplir sa vie? comment y parvenir? et Jésus dans tout cela?
Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui est l’on ne peut plus clair. Pour réussir sa vie, c’est d’en perdre quelque chose d’extrêmement important. C’est comme dans le film Kramer contre Kramer (1979). Ici c’est la vie contre la vie. La vie que Jésus propose contre la vie à laquelle Jésus s’oppose.
1° “si quelqu’un vient à moi sans me préférer à son père, sa mère...il ne peut pas être mon disciple”.
Dissipons une ambiguïté qui peut s’introduire dans un tel propos. Jésus n’oppose pas la vie sur terre contre la vie au ciel. Il propose de voir comment la vie sur terre peut être marquée par celle venue du ciel. Mais loin de lui l’idée selon laquelle toute la vie sur terre ne vaut rien. Il ne propose pas un chemin extra terrestre (comme la gnose), mais bien terrestre. Un chemin ordinaire, pas une autoroute, mais un chemin de dallage, un chemin caillouteux, sur lequel on peut facilement s’écorcher les genoux en ployant sous le poids du jour.
Et pourtant, aimer Dieu par Jésus plus que nos proches, semble insurmontable. Or, ces deux amours ne sont pas comparables, l’un est évidemment supérieur à l’autre, n’en déplaise à certains. De fait nous changeons de famille ou plutôt entrons dans une autre sans abandonner la première. Dans la nouvelle, par le baptême, nous avons Dieu pour Père, Eglise pour mère et en Christ nous sommes frères.
C'est ainsi que nous sommes appelés à grandir dans l’amour de Dieu dans une telle famille qui nous ouvre à notre propre famille et à tous. Entre la famille de Dieu et notre famille de sang, Il n’y a pas de concurrence. Même si c'est difficile comme l’ont signalé certains lors du rassemblement à Lyon la semaine passée. Il y a juste une dépendance de l’un à l’égard de l’autre. Car c’est l’amour de Dieu qui nous indique comment aimer nos proches. Et pour tant pour aimer Dieu il faut se savoir aimé de nos proches.
2° “celui qui ne porte pas sa croix pour marcher à ma suite, ne peut pas être mon disciple”.
Prendre chacun sa croix (l’équipement du marcheur) c'est nous accepter tels que nous sommes, avec nos aspérités, ambiguïtés, contradictions, imperfections, tendances à ceci ou cela, difficultés relationnelles, affectives, fragilités de toutes sortes. (Sur les chemins noirs de Sylvain Tesson et la gueule de traviole du narrateur) C'est notre croix, quelques chose qui nous pèse. C'est avec cette croix que nous suivons Jésus. Et en le suivant, nous sommes sûrs du bon chemin. Chemin d'encouragement, de pardon et de pénitence qui a un sens.
En faisant ainsi ce n’est pas pour nous dérober à une belle mission qui est celle d’être pour les autres. Vous les parents, vous y êtes, vous les éducateurs vous y êtes, vous les professionnels de la santé etc... vous y êtes. Vous y êtes invités par la nature même de votre statut et métier à être naturellement dans la situation de porter votre croix de la responsabilité vis à vis de votre vie et celles des autres.
3° “Ainsi donc, celui d’entre vous qui ne renonce pas à tout ce qui lui appartient ne peut pas être mon disciple.”
A quoi renonce-t-on alors lorsque l’on porte la responsabilité de sa vie et à l’égard des autres. Pas à sa famille de sang, même si le missionnaire qui par au loin s’en éloigne géographiquement et émotionnellement. Mais on renonce à soi même, pas totalement tout de même. Car il faut d’abord avoir pensé à soi même pour pouvoir être à l’autre. Et l’on en est capable lorsque quelqu’un d’autre a déjà pensé à nous. Ainsi la chaîne de bons réflexes peut se poursuivre.
Mais in fine, celui qui seul pense à chacun de nous, c’est Jésus lui-même. Il pense à nous avec les mots d’amour et les faits qui attestent la vérité de ces mots. Il pense à nous quand il nous rappelle, comme aujourd’hui que pour être son disciple il faut renoncer à tout ce qui nous attache à nous, et nous empêche de pouvoir nous ouvrir aux autres.
**Accomplir sa vie c’est faire le tri, faire le bon tri suivant une règle bien précise, selon la distinction entre ce qui conduit à la vie et ce qui conduit à la mort. Le faire de façon aussi méthodique que le bâtisseur d’une maison ou un chef de guerre que Jésus évoque d’à propos. La qualité de vie à l’intérieur d’une maison en dépend, dans le second exemple il s’agit de calculer le risque de la perte de vie des soldats qui symbolise la responsabilité devant la vie des autres.
**C’est la Sagesse dont parle la première lecture qui nous permet de discerner dans la vie pour savoir quoi prendre et quoi laisser, d’une part et comment subordonner l’amour de nos proches à l’amour de Dieu, d’autre part. Et la croix de la responsabilité devant notre vie et la vie des autres ne sera pas synonyme de souffrance et de galères sans nombre.
Mais ce sera un chemin d’hommes et de femmes libres qui, comme Philémon de la deuxième lecture connaissent le prix de l’affranchissement. Et qui, le reconnaissant, ne cessent de chanter la louange de Dieu parce que c'est Dieu qui ainsi libère. AMEN.