2009/08/01 - Homélie - Dangereux d’être chrétien.
Quand les autres sont chassés-croisés sur les routes, nous prenons le temps de nous poser pour nous laisser « guider intérieurement par un esprit renouvelé » (Ep 4,24).
Mais qu’est-ce que c’est dangereux de nous laisser guider, qu’est-ce que c’est dangereux d’être chrétien !
Déjà le premier risque consistait à venir ici et prier ou tout au moins d’y être, ce qui est aussi dangereux que de prier. Dangereuse est la prière car elle risque nous changer, mais tout aussi dangereuse est la présence où nous pouvons entendre des choses qui justement entraînent le risque de nous faire changer. Et encore plus dangereuse est la lecture de la Bible! Et que dire des livres sur les thèmes religieux ou même carrément théologiques ! Tout ceci est déjà arrivé à bien des personnes, c’est arrivé à cet incroyant, devenu depuis moine bénédictin, qui pour son mémoire de maîtrise en histoire devait lire des écrits de St Augustin. Il a fini par y trouver les réponses à des questions qu’il ne se posait même pas. Mais, entre nous faire changer sous l’impulsion d’un livre, d’une rencontre, d’un témoignage justement bouleversant et nous laisser guider, il y a une marche. Et surtout lorsque l’on sait qu’il s’agit de se laisser guider intérieurement, et de plus est, par l’esprit renouvelé.
Ayant plus ou moins consciemment accepté tous ses risques et bien d’autres qui de façon plus ou moins connexes en découlent, il faut se poser la question sur la disposition nécessaire et si l’on n’est pas sûr de l’obtenir immédiatement, tout au moins la désirer, cette disposition, comme un but ultime. Cette disposition c’est le repos de l’âme (et du corps) grâce auquel la vie comme le fond de la mer après des vagues agissantes se laisse découvrir avec clarté. On voit le fond, non sans stupéfaction et non sans de nouvelles agitations ainsi provoquées à la vue de bien des épaves et des saletés qui y sont déposées; on voit le fond, mais le fond n’est pas clair. Quoi d’étonnant puisque c’est dans ces conditions que le repos de l’âme peut porter du fruit y compris, et peut-être tout d’abord en termes du nettoyage du fond. C’est le repos de l’âme (et du corps, j’y insiste) qui permet de voir la vraie nourriture indispensable pour cette opération et à partir d’elle pour la vie tout court. Et l’étonnement exprimé par Mann hou ? ouvre à la réponse fourni par un tiers :
« C’est le pain que le Seigneur donne à manger »
La réponse donnée par Moïse préfigure le contenu de la réponse que donnera Jésus lui-même. Ce pain venu du ciel c’est le Christ lui-même.
Maintenant, puisque nous sommes ici pour nous laisser guider intérieurement par un esprit renouvelé, posons-nous la question : comment accueillir ce pain venu du ciel ? Bien entendu en le mangeant dans l’Eucharistie, bien entendu en nous nourrissant de bonnes lectures (bonnes ne veut pas dire forcement tristes et sans humour) lectures de l’été et du reste de l’année, bien entendu nous prions avec sincérité qui nous caractérise. Mais tout ceci serait vain si nous n’avons pas la foi, St Paul l’a bien démontré.
Ce pain est à accueillir dans la foi « Que vous croyiez en celui qu’il (Dieu le Père) a envoyé » et en faisant ainsi nous accomplissons « l’œuvre de Dieu ».
Dangereux d’être chrétien, car dangereuse et périlleuse est l’entreprise qui consiste à vouloir prétendre d’être des collaborateurs de Dieu qui, au cœur même de cette création si belle et si fragile à la fois, nous associe à son œuvre, celle du salut, du bonheur de porter notre regard bien plus loin que sur le sable de la plage et l’horizon de nos années à venir.
Dangereux d’être chrétien, car dangereuse et périlleuse est l’entreprise qui repose sur le signe que Jésus donne, lui qui ne se prend pas pour le pain de la vie mais qui l’est. Comment en savoir la différence ? Même la tête dans du sable chaud de plage, ne donnerait rien, la seule possibilité la plus fiable c’est d’adopter l’attitude de ceux dont il est question dans le psaume :
« Nous avons entendu et nous savons ce que nos pères nous ont raconté nous redisons à l’âge qui vient les titres de gloire du Seigneur.... Chacun se nourrit du pain des Forts... tel un berger, il conduit son peuple, il le fait entrer dans son domaine sacré »
Chrétien croyant c’est celui qui vit à partir de l’expérience de foi personnelle, qui partage cette expérience en communauté, expérience dont les traces y sont gardées ce que l’on appelle la tradition. Il est dangereux d’être chrétien car cela nous fait prendre le risque de nous nourrir personnellement et relation avec les autres. Se laisser guider intérieurement par un esprit renouvelé c’est aussi de partager la foi de cette manière là c’est à dire dans l’eucharistie (comme la liturgie dans ensemble) est source et sommet de toute vie chrétienne.