2011/04/02 - Homélie - Aveugle de naissance guéri par Jésus (Jn 9)
Saint Jean nous montre clairement que Jésus vient à notre rencontre et veut nous guérir.
Jésus est sorti du Temple. C’est comme aujourd’hui ! Car Jésus sort chaque jour de la maison de son Père ou des Cieux et il est comme en vadrouille. Sans que l’aveugle ait demandé quelque chose, Jésus va le guérir « pour que la gloire de Dieu se manifeste ». Qui ne souhaiterait pas être à sa place, surtout si on se sait aveugle. Il reçoit une grande lumière, pas seulement celle qui permet d’être autonome physiquement. Mais il reçoit surtout la lumière qui lui permet de voir spirituellement, bien au-delà de ce qu’une lueur d’espoir pouvait lui apporter pour survivre. Car, dans son état de mendiant, il était comme dans une caverne, éclairé par la lueur de l’espoir de survivre.
Certes, même dans une caverne obscure, il y a toujours un peu de lumière. On fait cette expérience la nuit dans une chambre non éclairée. Les yeux s’habituent, les déplacements et les gestes sont assurés. Dans la vie terrestre, vécue au niveau de l’horizon humain, certains fondent leur vie uniquement sur ce que produit la pensée humaine et les circonstances qui la provoquent. Ainsi, ils s’éclairent à la lueur de l’espoir, à la bougie des désirs qui rallument le désire de vivre et permettent de lutter contre la sinistrose ambiante. Il y a du juste et du droit dans tout cela, mais cela n’est pas suffisent si l’on veut être vraiment disciple du Christ.
Dans la vie de foi, depuis notre baptême nous sommes inondés d’une lumière extraordinaire. Lumière qui nous vient d’une source très puissante. Cette source s’appelle l’Amour en Dieu. C’est le Christ qui nous la communique. Elle est tellement forte qu’il nous faut du temps pour que nos yeux s’habituent. Eblouis, presque aveuglés, nous nous disons : c’est trop beau pour être vrai, pour croire, pour appliquer dans la vie, je ne prends pas tout, car tout cela est troublant. Si au moment du baptême ou après en cours de l’accompagnement de l’enfant, nous sommes dans cette attitude pour nos proches ou pour nous-mêmes, en réalité nous empêchons de voir cette lumière. Ils ont des yeux mais ne voient pas, ils ont les oreilles, mais n’entendent pas.
Mais, rassurons-nous, l’aveugle, une fois guéri, lui non plus n’a pas fini de comprendre ce qui lui est arrivé. Car après avoir accueilli la lumière dans ses rétines, il lui a fallu de l’accueillir dans son cœur et dans son âme. Il lui fallait tout un cheminement pour approfondir sa foi en passant de reconnaissance en reconnaissance de ce que Jésus est pour lui. D’abord, il y voit un guérisseur dont l’efficacité physique à elle seule est stupéfiante, à en pleurer de joie ! Puis, l’homme fait une découverte tout aussi stupéfiante que la précédente, celle de voir en Jésus un prophète. Puis, celle de messie, avant de s’exclamer à son sujet qu’il est le Fils de Dieu. Homme guérisseur, prophète, messie, fils de Dieu, tout cela pour un seul c’est beaucoup, c’est absolument exceptionnel.
Tout ce chemin, l’aveugle le fait au gré des événements, ô combien éprouvants pour un homme qui, une fois guéri physiquement, peut-être se croyait déjà tiré de l’affaire. Or, il n’est pas laissé tranquille, dans son bonheur de guéri. Il lui va falloir témoigner de ce qu’il sait au sujet de ce qui s’était passé. Et ce qu’il sait, il l’apprend d’étape en étape. D’un handicapé, ce qui veut dire assisté et donc exclu de la société, il est re-devenu un homme restitué à la société dans sa dignité d’un membre autonome et responsable. Il voit et il peut en parler. Il peut discuter d’égal à égal, ou presque. Presque parce que les biens pensants, les chefs religieux, se sentent tellement responsable du bon ordre dans la vie religieuse sociale, que leur certitude, sans l’ébranler dans sa nouvelle condition, lui impose un rapport d’infériorité à leur égard.
Cela oblige l’homme guéri de revisiter toutes ses relations avec ses proches connus ou inconnus, tous se sentant concernés par ce qui lui est arrivé et surtout les gardiens de la religion. Il apprend à voir avec son oeil intérieur qui désormais sera capable d’accueillir beaucoup de lumière. Etre comme tout le monde, n’est-ce pas ce qu’il a dû secrètement désirer depuis toujours, tout en oubliant que cela pouvait un jour se réaliser. Certes, il fut comblé au-delà de toutes ses espérances. Mais qui s’en plaindrait, puisque ce « plus » en terme spirituel est désormais tellement bénéfique, qu’il ne pourra que crier « Alléluia » - oh, pardon nous sommes en période de carême - « Gloire et louange à Toi, Seigneur ». A aveugle de naissance qui n’était pour rien dans son malheur, pas plus que ses parents, il va désormais remplir sa vie d’une reconnaissance qui dit long sur le chemin de renaissance. Rien n’est automatique, mais tout y est bon, profond, juste, vrai, agréable, car donné gratuitement pour donner gratuitement.
Pour résumer :
Nous disons donc : Je ne vois pas, je suis un aveugle, alors que le Seigneur est là, mais je ne le vois pas et ceci parce que je ne vois pas la lumière ou plutôt malgré elle je ne vois pas. Et pourtant sa lumière me transperce, mais je ne suis pas capable de l’accueillir pour qu’elle fasse son oeuvre. Il me faut du temps pour qu’elle me soit bénéfique.
C’est parce que je reconnais que je ne vois pas, que je suis déjà en train de voir, j’apprends à voir. Et puis la rétine de mon oeil intérieure peu à peu s’adapte à la nouvelle situation. Et ce que je ne voyais pas avant, je le vois maintenant, ce qui m’était indifférant naguère, désormais devient l’objet de mon attention.
Et lorsque cet oeil intérieur s’affine dans ses acuités à voir le bénéfice d’être dans la lumière divine, alors la lumière de la caverne n’est plus qu’un pâle souvenir, d’une lueur d’autrefois, tellement elle est absorbée par cette autre Lumière de milliards de pixels plus intense. C’est éblouissant et cela donne envie d’y être.