2011/11/12 - Homélie - 33ème dimanche de temps ordinaire
Avec ce 33ème dimanche de temps ordinaire, nous arrivons à grand pas vers la fin de l’année liturgique.
Cette période est marquée par les lectures à caractère apocalyptique.
Apocalypse veut dire révélation de la fin de temps. Le dernier livre du Nouveau Testament y est consacré.
Mais les passages d’aujourd’hui nous placent dans une situation d’attente, bien loin d’être inactive, bien au contraire, en situation très active, celle des serviteurs fidèles. Etre serviteur fidèle c’est suivre la loi de Dieu. Mais pourquoi faire ?
Le refrain du psaume nous dit ce qu’est cette attende de Dieu à l’égard de ceux qui essaient de suivre sa Loi de façon active:
"Heureux sont-ils, Dieu leur confient sa maison."
Spontanément on a envie de dire : c’est trop !
La maison de Dieu, après tout, c’est à lui de la garder.
D’autant plus que lui seul, il sait ce qu’il y a là- dedans.
Alors que nous, des pauvres créatures, que pouvons-nous faire ?
Déjà s’occuper de notre propre maison c’est parfois, et même souvent, tellement difficile, absorbant et compliqué.
Nous avons mille raisons, et de très bonnes, pour décliner l’offre. C’est gentil à Dieu d’avoir pensé à nous, mais, franchement, il ne se rend pas compte.
Lui, qui voit tout en grand, tellement grand, que le lien entre ce qu’il nous fait voir et ce que nous pouvons faire, nous ses pauvres créatures, se distend vite et souvent finit par se rompre, tout au moins pour un temps, mais dans certains cas de façon durable et parfois même définitive.
Les demandes à être rayé purement et simplement des registres de baptêmes en sont une expression visible.
Face à la démesure de la demande de Dieu, c’est peut-être ce qu’a compris l’humanité de la civilisation occidentale si empressée à sortir de la religion.
Pas de toute religion, mais de la nôtre. Celle qui donne le surcroît de sens à la vie et invite à voir en grand le destin de l’homme.
Cette inscription que la religion chrétienne faisait sur la vie, formulée encore naguère sous forme d’une loi très détaillée, de fait, ne laissait guère place au consentement véritable.
Car ce Dieu qui confie sa maison, il ne peut pas le faire sans l’assentiment du croyant. Il faudrait encore qu’en face de lui se trouve un croyant ! Quel croyant ?
Dans quel état d’avancement dans la foi et vers la foi véritable tant et si bien que l’on puisse savoir ce que cela pourrait signifier ? Toujours est-il que cet assentiment ne peut se faire autrement que dans la situation de la plus grande liberté intérieure possible.
Certes, l’inconnu de l’avenir engagé est toujours là. Comme dans la vie où les choix s’imposent en liant les consciences et les personnes.
Mais, avec Dieu qui veut confier sa maison, il n’est pas vraiment possible de dire ‘on verra plus tard’.
De fait, c’est au présent de la vie que tout se passe. Et même si on remet la réponse à plus tard, c’est toujours avec les conséquences pour l’aujourd’hui, immédiatement, tout de suite.
La parabole de talent suggère la compréhension de la responsabilité devant la vie et ceci face à Dieu de cette manière-là.
Responsabilité dans la vie de tous les jours, et qui plus est dans la vie sur terre, telle qu’elle se déroule à cause de circonstances données au vue des quelles pour une part, et seulement une part, le choix est pour quelque chose.
C‘est alors que peut-être l’on comprend mieux que la maison que Dieu veut faire garder c’est celle de notre vie. Car il s’invite chez nous et il veut y faire sa demeure.
De notre vie, il veut en faire sa demeure.
Alors un invité-surprise, un squatteur venu l’on ne sait pas d’où ? Une présence qui dérange car, il n’y a pas de place pour deux ? !
Combien de fois, semble-t-il être de trop. Et l’on ne sait pas quoi en faire. Dès que vous lui dites : ‘venez vous assoir à côté’, même pas ‘prenez ma place’, mais juste vous assoir à côté. Il n’hésite pas un instant. Combien de fois, ceux qui lui ont dit : prends-tout, je suis à ta disposition, se mordent après les doigts et surtout la langue. Le regret y est au goût de l’inachevé aussi bien de la discussion interne que des résultats. Tellement chavirant est sa présence.
Alors comment faire pour durer ?
La figure de la femme vaillante de la première lecture esquisse les contours de la réponse possible. Comme la femme vaillante, nous sommes invités à faire fructifier nos talents. Nous sommes invités, pour le moins, à ne pas gâcher notre vie.
Et, c’est dans la vigilance aux choses de la vie quotidienne, que nous sommes vigilants à la venue du Seigneur.
Le Seigneur ne nous demande pas de nous arrêter de vivre et d’attendre, comme les premiers chrétiens le pensaient parfois. Il nous invite à ne pas gâcher notre vie. Ne pas la gâcher, par l’exclusif souci des choses de la terre. Et encore moins par une prétendue sortie de ce monde à travers toutes sortes d’évasions. Fussent-elles spirituellement motivées.
La fin de temps n’est pas notre affaire, mais notre vie, en sachant que la fin est toujours quelque part.
Après le triple 11, nous acheminons vers le triple 12.
Avec le calendrier Maya nous sommes avertis. Le changement du monde, et non pas la fin du monde, est pour demain. C’est intéressant de voir cela en tant qu’un fait culturel. Que signifie-t-il donc cet engouement que l’affaire de calendrier Maya suscite.
Cela peut nous aider à ouvrir les yeux sur notre vie.
Alors les talents, où sont-ils ?
Ne restons pas endormis, soyons vigilants et restons sobres. Nous les fils de la lumière dont parle Paul, nous avons déjà reçu ce don de Dieu qui nous fait passer des ténèbres à la lumière, au royaume de son fils bien aimé.
Déjà ! Comment cela ?
Déjà par le baptême et donc symboliquement. Cependant un peu réellement, dans la mesure ou de tels passages se sont déjà opérés. Mais un peu seulement.
Car le fait de devenir les fils de lumière, cela passe par notre vie.
Et cela passe par notre vie, dans la mesure où cela passe par la vie du Christ, sa vie dans notre vie.
Nos vies ce lieu où nous devenons les fils de lumière. Nous le devenons dans le passage des ténèbres à la lumière qui continue à s’effectuer. Passage sous deux modes : le mode d’exode ou d’exil. Et toujours, dans l’incertitude, dans la pénombre du doute, dans l’à peu près du raisonnement, même dans les décisions dont le caractère arbitraire est aussi à prendre en compte..
Mais vivre ce passage suppose le vivre dans le désir, plus ou moins clairement perçu, d’être avec lui, le Seigneur.
Lui, dont la venue s’effectue dans nos vies chaque fois que nous sommes en lui dans l’attente qu’il vienne révéler définitivement la gloire de Dieu dans nos vies et dans la création tout entière.