2012/11/11 - Homélie - 32e dim. ord;
ELLE A PRIS SUR SON INDIGENCE
I. INTRO
Donner de son superflu, semble facile et surtout quand c’est pour laver sa conscience,
C’est ce qui a toujours était plus ou moins pratiqué dans toutes les religions et dans toutes les civilisations. Il fallait équilibrer les affaires. Donner un peu, quand on a beaucoup, semble naturel. Et après tout c’est d’une bonne guerre. Cela permet de continuer la vie comme avant, comme les autres l’ont fait avant nous. S’inscrire dans une tradition, n’est-ce pas une bonne tradition que celle-ci. Rien à dire à cela ! Rien ?
Et pourtant, par sa remarque, Jésus dérange, il est loin de vouloir nous réconforter dans une telle idée. Alors, de quoi s’agit-il là-dedans ? De quelle générosité s’agit-il et comment la comprendre ?
II. Il y a trois types d’attitudes que nous pouvons identifier pour décrire ce qu’est la générosité.
1. donner par ‘mauvaise conscience’
2. ne pas donner en ‘toute bonne conscience’
3. donner sans tenir compte de la ‘bonne’ ou la ‘mauvaise’ conscience
1. Donner par mauvaise conscience. Comme je viens de le souligner déjà en début de cette homélie, cela semble si naturel, si ordinaire, si humain, si bien placé, dans l’ordre des choses, dans le cadre d’une bonne compréhension de ce qu’est le monde et ses lois. Et quand à la mauvaise conscience s’ajoute un peu de vanité.... les noms de généreux donateurs étant inscrits sur les murs de tant d’édifices religieux caritatifs ou éducatifs. Attention, ce n’est pas sûr, qu’il y ait forcement de la vanité de leur part, mais peut-être plutôt de la part de leur entourage. Mais là aussi il faut nuancer, car accepter qu’une partie d’héritage, au lieu de tomber tout naturellement dans l’escarcelle des héritiers légitimes, soit dévié de sa destination première et aille ainsi alimenter le patrimoine religieux et ou social, public... c’est faire preuve d’une générosité de la part des héritiers potentiels, générosité qui s’inscrit en prolongement de celle de leurs devanciers.
2. Je ne m’étendrais point sur le deuxième cas de figure possible, celui de ne pas donner en ‘toute bonne conscience’. Ce type de situations parlent par elles-même, il est signe d’un autisme socio-culturel qui s’auto-alimente par des va et vient de l’auto-satisfaction des moyens et de besoins. La prétention à la vraie vie y est grande, tout comme grande y est alors la méprise sur ce qu’est la vie dans tous ses aspects riches et complexes à la fois.
3. Vous en doutez bien, c’est le troisième cas de figure qui nous intéresse. Mais, pour se faire, revenons à la femme dont Jésus commente le geste. ‘Elle a pris sur son indigence’. Qu’est-ce que Jésus trouve de positif dans le geste de la femme ? Est-ce le fait, qu’en donnant tout, elle n’avait plus rien pour vivre ? On peut en douter, car Jésus, tout de même ne pouvait pas faire admettre à son auditoire que se priver d’un minimum vital soit une chose raisonnable. Où alors, c’est une folie, une folie qui peut coûter cher. Car qui s’occuperait de sa subsistance. Et puis, après tout, que quelques uns le fassent (les exemples ne manquent pas dans la sphère chrétienne avec des grands saints qui ont agi ainsi), mais est-ce un modèle pour tous ? Irait-elle mendier, ne serait-elle pas obligée de dépendre encore plus des autres en se dépouillant d’elle-même, c’est-à-dire de son indigence ? Mais, peut-être elle ne fait que cela?
Il est vrai, que souvent nous faisons une lecture sociologique de l’Evangile et de la Bible dans son ensemble. Tel n’est pas le but de ces écrits. Si la Bible voulant dire bibliothèque, contient dans son ensemble une Bonne Nouvelle de Dieu pour l’homme (et la femme !), BN est à prendre en compte dans le sens générique, pas seulement les quatre évangiles ; ce n’est certes, pas à partir de la vision sociologique de la vie en société. La Bible EST la Bonne Nouvelle et se fait comprendre comme telle, seulement à partir de la Révélation. Dieu se révèle en Jésus-Christ pour dire au monde l’Amour qu’il veut partager avec la couronne de la création qu’est l’homme (et la Femme !) et, à partir de lui, avec tout l’univers. Mais, comment Jésus peut-il le révéler, sinon par sa propre vie, dans laquelle rien ne fait obstacle à la transmission d’un tel amour. Rien ne fait obstacle à Jésus, ni sa vie, ni sa mort, ni ce qui l’attachait à la vie sur terre, ni ce qui pouvait l’assaillir de difficile jusqu’à la souffrance ultime. La femme qu’il loue tant, par son geste, lui révèle, à lui, Jésus, sa propre générosité, sa propre pauvreté, son propre détachement, sa propre destinée et son propre accomplissement de celle-ci. La femme en question lui révèle sa propre vie toute donnée, ce à quoi il ne pouvait que consentir, ce à quoi il ne pouvait pas se dérober. Il est déjà à Jérusalem, devant le Temple, sa vie sur terre va bientôt prendre fin.
III. Et alors, pour nous qu’est-ce à dire ? Trois pistes de réflexion possible :
1. Comment l’indigence des autres me révèle-t-elle la mienne ?
2. Comment j’arrive à dépasser le clivage entre la ‘bonne et la ‘mauvaise’ conscience, sans pour autant le supprimer totalement, afin d’être attentif à ce qui se passe autour de moi, être attentif, non selon mes propres vues, mais selon le regard de Jésus ?
3. Comment je me nourris de la Bible, cette Bonne Nouvelle, pour comprendre spirituellement l’invitation que Jésus me lance au dépouillement total, au détachement volontaire et donc libre, afin d’être capable de vivre de sa vie à lui, Jésus qui a tout donné ?