2011/01/04 - Article - "LUMIÈRE DU MONDE"
Feuille paroissiale de Groslay, janvier 2011.
C'est la première fois qu'un pape accorde une interview en cours d'exercice de sa fonction. Un fait d'autant plus marquant, qu'il se situe à la suite de toute une série de difficultés que le pape et l'Église catholique traversent actuellement. Le pape s'y livre, pour beaucoup de façons, étonnamment libre, en répondant spontanément aux questions posées par un journaliste allemand. Il le fait en toute simplicité et toute confiance aussi, mais en toute lucidité sur la complexité de l'Église et du monde. Il s'y exprime uniquement à la première personne, qu'il distingue du " nous " employé par ailleurs qui, sans être un nous de majesté, est celui qui exprime l'union avec toute l'Église (voir chapitre n° 8).
A l'occasion de la présentation de ce livre, deux points furent soulignés par les médias, les deux révélant l'intérêt particulier pour cause d'actualité médiatique, surtout française : sur le port de la bourka et l'usage du préservatif. Si pour le premier, il donne son assentiment très personnel sans entrer dans une explication approfondie que le sujet mériterait par ailleurs, il s'attarde bien davantage sur le second. C'est en lisant ses explications que l'on comprend mieux le pourquoi d'une telle déclaration, comme si enfin il était consentant à admettre quelque chose qui semblait être évident aux yeux de l'opinion publique.
C'est alors qu'il met en lumière le rapport entre 3 types de loi : la loi qui régit la vie sociale et individuelle, la loi qui vient de Dieu et la loi des sondages d'opinions. Le respect de l'être humain ne peut pas être relativisé au sens d'être soumis aux variables des opinions. C'est de ce principe que découlent des prises de positions et des conséquences pratiques.
Dans ce livre composé de trois chapitres et d'une série de documents en annexe, l'on n'est pas surpris de voir au centre la grandeur de la foi chrétienne et le rôle de l'Église dans l'annonce de celle-ci au monde.
Il la présente à partir de la question de Dieu sans qui l'homme ne peut pas subsister, une vision si peu partagée surtout dans la société occidentale, tellement marquée par le sentiment communément partagé de l'inutilité de Dieu. Pour illustrer son propos le pape cite Laplace qui aurait répondu à Napoléon : " Dieu ? Je n'ai pas besoin de cette hypothèse " (p.178) ; tout en mettant en garde devant une récupération de Dieu, en réduisant le Christ à un schéma moral général (p.91).
Mais il va encore plus loin dans son aveu, car il déplore l'hostilité avérée de la société occidentale à l'égard du christianisme et de l'Église catholique. Comme si l'opposition entre les deux amours dont parlait déjà saint Augustin était plus que jamais de mise : " l'amour pour soi-même jusqu'à la destruction du monde ; et l'amour pour les autres jusqu'au renoncement à soi-même " (p.86)
Hélas, cette opposition est également présente dans l'Église même. La critique que le pape en porte est sans concession pour les abus sexuels et la pédophilie en particulier ; les abus dont il a appris avec effroi l'ampleur et les effets ravageurs et qui obligent à repenser les conditions de formation des futurs prêtres et religieux et de l'exercice de leur ministère.
Il le fait tout en dénonçant l'esprit du laxisme des années 60 qui omettait la référence à la loi objective fondée sur la distinction entre le bien et le mal, distinction qui semblait mise en doute dans l'Église elle-même. Il répond toujours alors à la question de la vérité : " nous n'avons jamais la vérité, dans le meilleur des cas, c'est elle qui nous a " (p.75).
Pour être dans la recherche de la vérité, il indique au chrétien catholique le chemin d'approfondissement qui nécessairement passe par la liturgie et donc la participation commune à la messe où tous reçoivent la même nourriture, celle de la Parole de Dieu. C'est de l'état de nos communautés chrétiennes, paroissiales et religieuses qu'il se soucie. D'où aussi son insistance sur la bonne intégration des prêtres dans les paroisses.
Un livre à lire si l'on veut mieux comprendre et le pape et l'Église catholique et notre place, si nous en faisons partie.
Meilleurs vœux de paix à tous, dans la lumière du Christ !
P. Rémy Kurowski
Ref :" Lumière du monde" Benoît XVI chez Bayard