2007/10/30, Toussaint - Concert-méditation - Sept mouvements à partir de la figure de François Cheng

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Église de la Collégiale Saint-Martin (Montmorency).
Musique : Yannick Daguerre. Texte. Rémy Kurowski.
   

 

En sept mouvements.  

 

1° INTRO.

Je vous propose cette méditation à partir de la figure d’un vivant, François Cheng,  en pensant à tous nos proches disparus, dernièrement, connus comme l’Abbé Pierre,  card. Lustiger, pour ne citer que ces deux-là parmi tant d’autres souvent moins connus du grand public et pourtant pas moins portés dans nos cœurs. En pensant donc à tous nos proches, mais qui le pense ? Nous,  nous,  les vivants ! Cette méditation n’est donc destinée qu’aux vivants que nous sommes.

Elle a pour but de communiquer la vie à la vie !  

 

2° CHENG François : présentation.

Académicien. Il a reçu la distinction de docteur d’honoris causa de l’ICP (octobre dernier).  Il l’a reçu pour l’ensemble de son œuvre littéraire à caractère poétique, philosophique et spirituel. Dans son allocution, il s’en explique en des termes simples et puissants à la fois.  

Son itinéraire personnel est marqué par le taoïsme : l’harmonie de tout, en soi, entre et avec l’univers. Deux triades : in, yang et le non-soufle, terre, air et ciel, l’ont préparé à accueillir la Trinité chrétienne. Un jour, il a compris qu’à un moment de l’histoire de l’humanité, il fallait que quelqu’un vînt pour dire que l’absurdité n’est pas de ce monde. Ce qu’il a accompli est surhumain, cet accomplissement fut porté par le divin, « vision que j’accepte aussi, j’épouse volontiers la voie  christique ». Mais il ajoute aussitôt : « Adhésion n’est pas croyance » sans développer pour autant.

Le taoïsme l’a donc  préparé à accueillir la voie christique, aussi  par le fait que  dans le taoïsme il n’y a pas de place pour les  idoles. L’imaginaire n’y est pas convié pour servir de réceptacle aux   figures mythiques idéalisées par la mémoire humaine qui les assujettirait au profit de ses propres besoins.

Propres besoins ou  besoins propres ?! En tout cas, c’est le besoin de toute une écologie spirituelle qui s’y niche.       
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3° La foi chrétienne et ses prémices.

En écoutant et en regardant cet homme dont les « Cinq méditations sur la beauté » ont déjà éveillé mon intérêt et  dont je me suis senti par bien des aspects proche, en l’écoutant et en le regardant, je me suis entendu dire en moi : « décidément, à chacun son Ancien Testament ». Quand l’humanité est bien présente dans la vie, une seule étincelle suffit pour que s’embrase le cœur.

Dans le Peuple d’Israël il y a  : la Loi, le Temple et la Terre. En exil il n’y a que la Loi. Combien d’entre nous, sommes-nous en exil, en exil de notre humanité, de notre spiritualité? Combien d’entre nous,  sommes-nous en exil du Temple et de la Terre ? Il ne reste alors  que la loi, la loi du cœur, la loi intime que chacun se forge au grès de ses pérégrinations humaines. C’est cette loi qui donne à vivre et à respirer, à se repérer et à perdurer dans l’espace et dans l’esprit, avant de remplir les cimetières et les paradis.

Chacun son Ancien Testament, chacun aux portes de la Vie et déjà bel et bien dans la vie. Mais pour que la vie soit belle, il lui faut cette étincelle qui jaillit des yeux d’Abraham au moment où celui-ci entend l’invitation à quitter son pays pour d’autres horizons, pour d’autres rencontres, pour la Rencontre.
Chacun son Ancien Testament. Abraham a eu le sien, double, celui d’avant l’appel et celui d’après.  Nous, les chrétiens, nous avons aussi les nôtres, nos Anciens Testaments, nos Abrahams qui renvoient à l’autre ancêtre, celui de la foi révélée,  en nous, depuis toujours, depuis nos ancêtres. Ainsi disposés, à tout moment nous sommes prêts  à renaître.

Pour renaître !

 

 

 

 

 

 

 

        

 4°   Dans le Taoïsme.
 
L’harmonie intérieure et extérieure tant recherchée s’inspire de ce triple mouvement de respiration :  yin, yang et non-souffle ;  inspirer, expirer et puis au milieu, un temps d’arrêt. Noir et blanc et sans couleur ni forme entre les deux, le non-matériel, le non existant entre les deux  qui, eux,  bel et bien existent. Ce non-souffle est comme la pause entre deux notes de musique, elle vient en contraste avec les deux  éléments qui l’entourent. Entre les deux notes de musique, entre les deux mouvements de respiration, en contraste avec chacun deux et pour les deux, en contraste et donc en harmonie. Le temps de pause, le temps de non mouvement, le temps de non vie, le temps de la mort. Le temps de la mort ?

C’est ce temps-là qui fait que la vie est  vie. Car la mort qui est toujours immobile et insignifiante pour la vie, n’est alors que circonscrite dans les deux mouvements de la vie. Enchâssée, sertie comme un bijoux, comme une pierre précieuse  par le travail d’orfèvre qui tel un magicien de la vie pour la faire apparaître ne peut que s’appuyer sur la mort pour le lui dire, à elle, la vie,  que c’est uniquement ainsi qu’elle n’est que vie, toute vie.

Drôle de vie !    

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

5° Un temps d’arrêt.

Nous le savons que  le contraste (yin\yang, noir\ blanc, zéro\un    n’est harmonie s’il est posé entre la vie et la mort, entre l’inspiration et l’expiration, entre l’accueil de l’esprit et le rejet de ce qui lui est nocif. Ce temps d’arrêt est d’autant plus important que soit profonde  l’inspiration et l’expiration, l’accueil de la vie et le rejet de ce qui lui nuie. Respirer normalement n’est alors qu’inspirer et expirer profond avec un temps d’arrêt entre les deux. Toute une technique et toute spiritualité aussi.

Je l’ai compris, lorsque j’ai appris par les spécialistes du sommeil –sommeil, cette autre forme de non-vie et surtout forme de vie et quelle vie ! -  que pour bien dormir il est important de faire  trois mouvements profonds de respiration : inspirer lentement à pleins poumons, s’arrêter en comptant jusqu’à trois, et expirer avec la même force  et lenteur, et ainsi de suite trois fois.   

Si l’on ne respire pas, l’on meurt, alors qu’en respirant   intègre-on cependant la mort qui donne à vivre. La mort qui est à la fois dans l’arrêt comme signe de non-vie et pourtant bien en vie et dans l’expiration qui porte dans son souffle les éléments qui pourraient  nuire  à la vie s’ils étaient retenus dans le corps sans combat d’autodéfense et ni d’expulsion. Et même  l’inspiration peut comporter des éléments de la mort, car tout ce qui vient comme élément nocif qui provoquent des rhumes, de flatulences en tout genre n’est qu’agression contre la vie. Tout vie n’est que mort et toute morte n’est que signe de vie.

Et quelle vie !

 

 

 

 

 

 

 

 


 

6° Là ou deux ou trois

« Là, où deux ou trois sont réuni en mon nom »… deux ou trois, disait Origène. Chaque fois quand il y a deux, le troisième est nécessairement là, quand ils sont trois, lui  est ce quatrième.
Un, deux, trois, relève  de la mécanique d’énumération, de la technicité de stockage, purement  et simplement.

Alors que deux et trois sont des ensembles qui ont leurs vies. Le deux,  quatre, six, sont pour régler la vie, le trois, cinq, sept etc.   sont pour lui donner ce qui est nécessaire pour qu’elle soit la vie. Elle, Une, unique, en ramenant ainsi tout au principe d’UN, SEUL, en qui les catégories d’harmonies, d’équilibre ou de déséquilibre, d’énumération simple ou d’ensemble, du bon et du beau, bel et bien, sont  inopérants pour le dire, lui, UN, SEUL, unique, dans sa nature profonde.    

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 7° L’harmonie de soi.

L’harmonie de soi, ce  beau en moi, ce beau en soi. Mais quand cette harmonie n’est plus possible, quand elle est foncièrement remise en cause, quand elle est craquelée, fissurée de partout, quand le corps et ou l’esprit lâche. Alors  où est donc la vie, où est sa valeur, où est le sens de la vie ?
François Cheng m’inspire dans son harmonie tant réussie de sa vie.

Le Christ me dit comment la recherche de cette harmonie ne nuit pas à la reconnaissance de la vraie vie, de toute vie. Y compris, lorsque l’harmonie n’est plus, car c’est alors que reste la rencontre. Ce qui fait l’harmonie, ce n’est plus l’harmonie intérieure, mais la relation extérieure qui tout en rappelant ce déséquilibre dans la relation interne entre   corps, esprit et âme, (un, deux,  trois, cet ensemble qui est toujours en mal d’harmonie), ne cesse d’être appel à l’harmonie, ailleurs, là où elle peut, avec les moyens dont elle dispose, se croit disposer, ose espérer pouvoir y compter, s’y accrochant comme à une bouée    de sauvetage d’un inévitable, irréversible, inéluctable  par ailleurs, naufrage. 

Car l’harmonie n’est qu’une recherche, presque  une illusion, qui m’appelle à accueillir la vision du Christ en croix qui n’a rien d’autre que la laideur de la mort à montrer comme signe de la vie.  Et si c’est au  nom même de l’harmonie, alors  cela ne passe pas. Au nom de quelle harmonie ? De l’harmonie à partir de moi ! A partir d’où, d’ailleurs, aurais-je pu raisonner, mais situer ? A partir de moi ! A partir de moi, tout cela ne va pas. A moins, que je ne sois dans la foi qui me relie - non pas à l’univers, car en lui les mêmes éléments qu’en moi, donc, pas de solution non plus -, mais qui me relie à cette autre voix, voie, que je regarde et que j’entends résonner en moi et tout ceci grâce à lui et pour lui, qui me relie cependant à moi.

Tel est son désir et telle est mon espérance.