2016/03/06 - Homélie - 4e dim. de Carême
« Qui regarde vers lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage » ps33 :
une double vocation chrétienne.
Les paroles du psaume d’aujourd’hui sont là pour nous indiquer le sens de notre vie chrétienne. La vie chrétienne consiste à regarder vers Dieu et ensuite à en recueillir les bienfaits. Regarder c’est attendre avec confiance que ce qui est désiré soit obtenu. Le Pauvre qui crie sera entendu, car il s’adresse à Dieu.
Alors qui regarde vers Dieu ? Tout chrétien y est invité. Comment le faire ?
Par la prière qui est à la fois louange et demande. La louange c’est une action de grâce, mais pour remercier il faut savoir à qui on s’adresse et pourquoi faire. D’où l’intérêt d’avoir une bonne mémoire. Et celle-ci est bonne car collective. Le peuple d’Israël l’entretint cette bonne mémoire, et l’Église en a hérité pour la poursuivre au présent de la vie des générations des chrétiens qui se succèdent.
La louange précède la demande, car dans la louange on exprime que l’on sait à qui on s’adresse. Le pauvre crie et pose un regard vers celui qu’il vient de louer, de remercier, à qui il rend grâce pour sa présence déjà vécue. Mais le pauvre à encore et sans cesse besoin de celui qui l’a déjà libéré, mais pas encore entièrement. Cependant si le pauvre crie d’abord sans avoir loué il sera aussi entendu, car la louange est dite par le peuple dans son ensemble qui loue le Seigneur au nom de toute l’humanité, y compris de ceux qui ne le font pas, soit, parce qu’ils l’ignorent délibérément ou simplement ne le connaissent pas encore.
Regarder vers Dieu c’est signifier un lien de confiance, lien par lequel espérer la libération. La libération est un processus qui dure toute une vie. La libération est un processus qui s’accomplit à deux niveaux, spirituel et matériel. Au niveau spirituel la relation de confiance s’approfondit, et au niveau très concret, voire matériel, où un tel pauvre (veuve, orphelin et exilé...) a besoin de l’aide qui leur viendra de la part de leurs prochains. Dans ce deuxième cas, la présence des autres est requise. Car Dieu a besoin de nos mains pour partager, de nos pieds pour aller rejoindre les malheureux, de nos oreilles pour les entendre, écouter passer du temps et comprendre sans juger, de nos yeux aussi pour les apercevoir, ne plus les ignorer...
Le peuple d’Israël, une fois arrivé sur la terre promise, a bien compris cette double mission. Ils étaient assistés par Dieu lors de leur marche de libération depuis la terre d’esclavage vers la terre promise. Mais une fois les Hébreux arrivés en Terre promise, la manne cessa de tomber du ciel. Double vocation qu’ils découvrent alors : celle de louer Dieu en se souvenant des merveilles d’autrefois (sortie de la terre d’esclavage), et travailler la terre promise pour qu’elle porte du fruit en termes de justice, égalité, liberté. L’année Jubilaire instaurée au retour de Babylone témoigne d’une telle conscience et d’un tel effort. Ils avaient donc sans cesse à regarder vers celui qui les avait déjà libérés pour continuer à grandir en sa présence.
Nous avons hérité de cela, comme une double vocation aussi.
1. La foi ou la confiance, est un dialogue ; je loue (par pure gratitude, mais aussi quelque part pour ne pas rater la cible, car je me rends compte de la Grandeur de Dieu et du cadeau qu’il me fait en me permettant d’être en sa présence) et je demande (pas forcement ce qui me passe par la tête), Dieu répond (selon sa volonté). Toute la vie chrétienne est fondée sur le principe de dialogue : la prière, la messe, toute célébration en Église, en famille. Ne soyons pas étonnés en disant Notre Père, que tout à coup une voix retentisse du haut du ciel en disant ; Oui, tu m’as appelé !? Et ne dites pas comme ce jeune homme qui en prière le soir entend ces paroles auxquelles il répond en toute vérité : non, je ne t’ai pas appelé, je prie ! La première vocation est celle d’être en présence du Seigneur et de regarder vers lui. Ce que les deux fils du Père de la parabole d’aujourd’hui n’ont pas bien compris. Ils regardaient ailleurs, même le premier, et finalement était-il tellement mieux que l’autre ? Il était à côté de son père, mais sans avoir vu l’essentiel, l’amour dont il était entouré de la part de son père. Son formalisme dans l’obéissance au travail avait pris le pas sur l’amour dont il était entouré. Et lorsqu’il aperçoit l’immensité d’amour dont le Père entoure son frère, « ce fils que voilà » ; cela le rend jaloux, car il croit que le père n’a pas assez d’amour pour les deux, la preuve, il ne l’avait pas vu avant. Mais les deux finiront par comprendre : le cadet à cause d’une détresse extrême dans laquelle il s’est retrouvé, l’aîné, l’histoire ne le dit pas, mais on peut imaginer qu’il n’a pas pu résister à un tel débordement d’amour de la part de son père sans admettre que tout ce qui était à son père était aussi à lui. Derrière la figure du fils aîné se cache par contraste celle du Christ, le Fils de Dieu lui-même. Le Fils de Dieu, le Christ, nous fait connaitre tout ce qu’il a reçu de son Père, à savoir l’amour infini, que nous appelons miséricorde. C’est ce Christ que l’aveugle de naissance regarde de ses yeux physiques guéris et par conséquent ainsi s’ouvrant ses yeux de la foi, il peut y voir le Messie. Nous avons à regarder le Fils pour voir le Père, père des miséricordes. Avons-nous une image, une icône, un support visuel bien mis en évidence, où poser notre regard pour le nourrir de si bonnes évocations ?
2. La deuxième vocation est donc celle de seconder Dieu dans son œuvre de miséricorde. Déjà, par les œuvres de miséricorde corporelles (Mt25) et spirituelles. Déjà en entrant dans un dialogue avec les frères humains souffrants, déjà en ouvrant les yeux sur les choses de Dieu à ceux qui demeurent aveugles. Mais seconder Dieu ce n’est pas faire à sa place mais, juste avec son cœur, avec ses oreilles, avec ses yeux.
« Celui qui regarde vers lui resplendira ». Car celui qui regarde vers le Christ, attend de Dieu d’être aimé et connu, reconnu, secouru etc., comme Dieu seul peut le faire, selon les paroles du psaume et que nous souhaitons recevoir en toute confiance, c’est-à-dire « sans ombre ni trouble au visage ». Amen