2012/04/05 - Homélie du Jeudi Saint - Deuil-la-Barre

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Nous sommes ensemble, comme Jésus avec ses disciples pour le repas pascal. Depuis deux mille ans nous ne cessons de puiser dans cette source où coulent à flot le vin et l’eau, mais pas seulement.  


Le vin de la fête.

Ils sont tous conviés à la fête. Il n’y a pas de fête sans vin qui réjouit le coeur de l’homme, juste ce qu’il faut, mais tout de même. Le vin est le  produit de la vigne, cette vigne avec laquelle Jésus va se comparer : Je suis la vigne, vous êtes les sarments.  Mais ce sont les sarments qui portent les grappes de raisin dont l’on fait du vin. Le soir du dernier repas, les choses se concentrent autour de ce que cela peut vouloir dire, pour Pierre et les autres, que de porter du fruit de la vigne. Pour le moment, ils sont dans la fête.      


L’eau de purification.

Les disciples se sont bien préparé pour un tel festin, ils sont tout propre, ils ont revêtu l’habit de fête. Jésus leur fait une leçon de choses de la vie. Il leur fait comprendre qu’il ne suffit pas d’être propre, faut-il encore être pur. C’est contrariant, surtout le jour de fête. Comment comprendre ce qu’il dit, et puis comment comprendre ce que le maître s’apprête à faire. 

Se laver extérieurement, tout le monde comprend l’utilité ; mais  c’est préférable de se nettoyer intérieurement, souvent c’est même nécessaire, et il y a diverses purges pour cela. Le propre sur soi, comme on dit, n’est pas encore synonyme de pur en soi. Pierre vient d’en faire l’expérience à ses propres dépens. Il est pris à contre pied par Jésus qui lui montre la véritable utilité de prendre le bain et de s’y tenir. Le bain  dont parle Jésus, c’est le bain de sa vie, à lui qu’il prépare pour tous les siens, c’est-à-dire pour tous ceux qui en voudront bien. Le bain baptismal, où on est plongé dans sa vie, sa mort et sa résurrection, est un bain de vie éternelle.

Le baptisé est déjà pur, mais il n’est pas encore au ciel, il marche avec les pieds par terre. Les pieds nus de sa nature humaine attrapent toutes sortes de saletés. C’est leur point faible, un peu comme le montre le  mythe grec d’Achille, que sa mère tenait par le talon en le plongeant dans l’eau du fleuve Styx, afin de le rendre invulnérable. Le talon, le seul endroit du  corps qui demeura vulnérable, et qui de fait sera la cause de la mort d’Achille, une fois  touché au talon par la flèche ennemie. Le baptisé reste vulnérable dans sa vie terrestre.

L’eau du baptême purifie le corps entier. L’eau dans laquelle se trouve l’agent purifiant, qu’est l’amour du Christ. Jésus ayant aimé les siens, il les aima jusqu’au bout.    
        


« Plus tard tu comprendras ! » « Quand, Seigneur ? » semble s’exclamer Pierre.
Plus tard, quand l’eau se changera en vin. Ca, Pierre, il l’a déjà vu aux noces de Cana ! Ce fut un grand moment, on était fier d’être en sa présence, de faire partie de son entourage, Jésus se fit connaître et eux avec. Et le vin nouveau coula à flot. Mais.... 


Le sang.

Comment, par quel type de procédé, spirituellement et théologiquement  valable, Jésus transforme-t-il l’eau en vin ? On est loin de la fête des noces de Cana, où il a « épaté » tant de gens qui, pour beaucoup d’entre eux, avaient décidé de le suivre. On est loin aussi de la magnifique manifestation de sa divinité au mont Tabor qui fit chavirer la raison  des témoins, Pierre, Jacques et Jean.

Comment transforme-t-il donc l’eau en vin ? La réponse est donnée dans les trois lectures, même dans l’évangile qui ne le mentionne pas directement ; cependant nous le savons : le récit du lavement des pieds que Jean  livre, raconte comment Jésus est eucharistie.

Par son sang. C’est dans la passion du Christ que va être signée l’authenticité de ses gestes et ses paroles, l’authenticité de toute sa vie remplie des attitudes justes et bonnes pour l’homme.    
 
De cette signature  par le sang, Jésus parle à Pierre, d’homme à homme. « Si je ne te lave pas, tu n’aura point part avec moi ». « Avoir part », Il n’en dit pas plus. Pierre aura le loisir de découvrir le contenu de cette expression lorsqu’il sera amené à témoigner de son maître jusqu’au bout de sa vie. Jésus fait de même avec la symbolique du lavement des pieds, tout en reconnaissant le titre de Maître et de Seigneur : « Vous m’appelez le maître et le Seigneur, et vous avez raison ».

En accomplissant le geste du lavement des pieds, Jésus donne l’exemple afin que ses disciples accomplissent le même service. Dans ce  lavement de pieds, c’est la symbolique du geste lui-même qui prime, l’emporte sur ce qui va se passer par la suite dans leur vie. Dans le présent du dernier repas,  Jésus les invite à prendre ce geste tel quel.  Le reste va se déployer dans le sillage de cette symbolique du geste de lavement.

Eux, comprennent-ils qu’à ce moment-là, il y a de la manifestation divine de Jésus ? Sûrement !  Mais ils comprennent aussi que, malgré la force que ce geste a pour eux dans ce moment, cela ne remplit pas pour autant leur avenir. Jésus se projette dans son avenir et dans leur avenir. Mais, eux, pour le moment,  ils  auront à comprendre, juste au présent de leur vie… Ce qui leur arrivera plus tard, ils le comprendront plus tard. Et pourtant, la portée de cette symbolique, ils commencent à la pressentir.  Mais, chaque chose en son temps.


Ils sont donc trois : l’eau, le sang et le vin. Et on ne peut pas passer de l’eau au vin, sans passer par le sang. Les sarments qui donnent des grappes de raisin sont nos vies branchées sur le Christ qui est la vie tout entièrement. 

Ces trois, l’eau de bain de purification, le vin de la fête et le sang du don de la vie, du service, baignent alors dans la Lumière de l’Esprit de Dieu qui de toutes choses fait des choses nouvelles. Lui, l’Esprit, détient le code qui permet de comprendre après les événements, et donc à partir de la mort du Christ et de sa résurrection.  Les disciples  vont faire l’apprentissage de ce décodage. Ils seront munis d’une puissance de l’Esprit qui, dans le présent de leur existence,  leur permettra de lire la présence de Dieu.

« Plus tard tu comprendras », sera la réalisation d’une annonce plutôt obscure d’être au service des autres, comme Jésus, leur maître, vient de leur montrer, lui qui dans sa passion renonçait à la joie qui lui revenait.

Décidément, il y a un temps pour tout, pour se réjouir, pour pleurer, pour s’étonner et s’émerveiller. Et, comme maintenant, pour célébrer la grandeur de Dieu qui se révèle dans le service du frère. En célébrant la grandeur de Dieu dans le service du frère, l’Eglise est tout autant le lieu d’une telle révélation, et en même temps elle reçoit une force et nourriture spirituelle pour accueillir le passage du Christ serviteur en Elle. Et par elle en chacun de nous.